Des centaines et des centaines de vies.
C'est le temps que j'ai vécu, le temps que j'ai passé à courir les routes, à rencontrer des gens, à lire, à écrire... Pour un Dragon, quelques millénaires, ce n'est rien, ils n'ont pas la même vision du temps que vous, les humains... Mais je ne suis plus un Dragon. Je n'en ai plus que l'âge et l'esprit. Je suis désormais devenu un humain. Et j'ai donc l'immense malheur de vivre à votre rythme. L'immense plaisir de voir s'égrainer les jours, les semaines et les mois à une lenteur que je n'aurais jamais cru possible. Le temps passe, et rien ne l'arrête, mais rien non plus ne parvient vraiment à l'accélérer... Alors je vis, jour après jour, essayant de noyer mon ennui mortel dans des recherches, des discussions, ou dans des actions qui peuvent pour un jour rendre ce monde meilleur.
Remémorez-vous simplement votre vie, tout ces événements que vous avez vécus, tout ces amis que vous avez côtoyé un temps, cru garder à jamais, puis oubliés, remémorez vous vos quelques amours, vos fêtes, toutes ces choses incroyables et définitivement nombreuses que vous avez eu la chance de vivre... Et multipliez ça par vingt, par cinquante...
Les vies défilent devant mes yeux comme les cheveux passent sur une route menant à une grande ville... Le monde change autour de moi, et je n'ai même plus la volonté d'agir pour continuer de le façonner comme j'ai essayé de le faire à certaines époques, ou pour simplement essayer de le protéger de ceux qui jadis ont été les miens... Je vois passer des gens, j'oublie leurs visages, je confonds les noms, les identités... A mon grand damne, ma mémoire reste bonne... Et je préférerais parfois oublier... Oublier un peu toutes ces vies qui ont croisé la mienne pour ne plus jamais revenir... Et souvent, je m'ennuie... Reclus dans ma tour, ne trouvant plus le courage de sortir pour aller rencontrer ces gens dont je sais pertinemment que je vais les perdre bien trop vite. Je suis sans cesse comme un voyageur qui s'apprête à partir pour ne jamais revenir. Pourquoi créer des liens quand ils s'envoleront en fumée dans quelques lunes à peine ? Pourquoi continuer cette valse égoïste des rencontre et des départs, dans laquelle je sais que j'ai tout à perdre mais bien peu à gagner ?
Alors je me suis plongé dans l'Accord. Aussitôt que les notes ont ouvert ma vision, je me suis rué sur les livres, et j'ai commencé à jouer, à chercher ces notes qui me permettaient d'atteindre la Symphonie de la Vie... J'ai commencé à découvrir peu à peu ce monde qui s'offrait à moi, et je me rend compte.... Je me rend compte qu'à chaque seconde je me déconnectais un peu plus du monde, de la réalité dans laquelle j'évoluais... Je me déconnectais de ce qui fait l'Harmonie, je me déconnectais des hommes...
Et puis il y a eu ce jour...
Il est des jours qui tirent un sourire au coin de votre bouche, qui vous font oublier tout vos malheurs, qui vous surprennent au delà de toutes mesures et qui vous font comprendre que la vie n'est pas un long fleuve tranquille, que quelque soit la durée de votre vie, vous découvrirez toujours des choses qui dépassent de bien loin l'entendement, qui vous feront rêver et rire comme jamais.
C'était un de ces jours là.
Tout a commencé par un cri, un cri venu perturber mes notes...