Volée. Partie, enfuie, dérobée – la relique d'Erebor a disparu, la relique d'Erebor s'est échappée. Aux mains de quel hardi voleur, nul ne semble pouvoir le dire – aussi, c'est à moi qu'il incombe l'honneur de devoir le découvrir. Voilà qui devrait bien nous occuper, mon écrin et moi, elle semble nécessiter quelque activité pour la divertir... Il faut bien dire qu'elle se trouve cruellement désœuvrée entre les épars moments où l'écrin du Roi Blanc la fait quérir. Alors nous chevauchons les ombres de concert, fendant la nuit sur les ondes de cette magie qui nous a réunis elle et moi, pour nous rendre en Erebor et tâcher de savoir qui a osé s'en prendre au trésor du Roi.

Une part de moi s'émerveille devant les complexes allégeances de mon écrin – elle ne compte pas moins de quatre souverains. Dans le monde de lumière, celui d'Erebor et de Sombreciel règnent à égalité sur son âme, tandis que dans l'ombre c'est le Roi Noir qui emporte sa fidélité et la loyauté de sa lame. Et entre-deux, celle qu'elle est au plus profond d'elle-même, ni dame ni vaurienne, celle-là – celle-là plie le front devant le tout-puissant roi des voleurs, qui semble également être l'un de ceux susceptibles d'un jour pouvoir régner sur son cœur. Comment peut-elle ainsi conjuguer les exigences de ces hommes qui se disputent ses serments ? Moi, Rhéa de Brémont, je n'avais pour seul maître que l'océan.

Allons, trêve de divagations – je sais qu'elle suit mes pensées avec intérêt et qu'elle n'approuve pas forcément mes opinions. Mais nous sommes, elles et moi, liés par cette curiosité forcenée qui nous mène sous l'œil discret de la Lune jusque dans la salle des trônes jumeaux du royaumes des dunes.. C'est ici que la Rose de Cristal a disparu, et l'on sent le déséquilibre qui s'installe, encore ténu. Ce n'est qu'un prémice, un signe, un présage – mais elle et moi savons qu'il pourrait dévaster le désert jusqu'à la fin des âges. Silencieux, nous fouillons la salle déserte à cette heure, après nous être faufilés agilement par l'une des hautes fenêtres donnant sur le désert endormi. Les gardes, dans le couloir, se méfient sûrement des intrus, des inconnus et des voleurs, mais pas de ceux aidés par le furtif manteau de la nuit...

Seuls, elle vigilante dans les tréfonds de l'esprit que nous partageons, et moi promenant ses mains agiles sur les meubles alentour, nous entamons nos recherches prudentes. Il ne manquerait plus qu'un fanatique des Dragons ne nous surprenne dans cette position compromettante...

Il y avait eut nombre d'investigations depuis le vol de la rose de cristal. Mais aucun résultat concluant n'était arrivé, et seul le déséquilibre d'Erebor restait, ainsi que la honte des anciens souverains, bafoués et humiliés d'avoir vu le trésor ancestral disparaître devant eux. Tout le monde dans le royaume ignorait qui avait bien pu commettre un tel acte, qui en Arven voulait voir la terre du Sable et du Roc se détruire. La terre se mourrait d'un tel manque dans la balance de l'équilibre. Le soleil et la lune, le sol et le sable, tout tendait à se mêler, et rien ne pouvait être restaurer sans le retour de la rose au sein de son territoire. C'était dans cette ambiance bien négative qu'Anthim s'était retrouvé roi en ce début d'année. Ainsi c'était célébré son retour après une longue absence sans nouvelles, ce retour salvateur, pour Erebor comme pour lui, malgré les séquelles qui continuaient de persister au cœur du jeune homme. Le souvenir de la dragonne, les marques qu'elle avait laissé dans son esprit, nourrissant ainsi une crainte et une haine constante, une colère sous-jacente, mais aussi des habitudes, des pensées irréelles et incompréhensibles, déplaisantes même... Anthim avait du mal à supporter ces changements, cet esprit torturé qui était désormais le sien.

Et pour arranger le tout, depuis plusieurs semaines, il sentait autour de lui une curieuse présence qu'il n'était pas capable d'expliquer. La magie du génie qui l'avait libéré ? Peut-être bien. En tous les cas c'était récent. Pas quelque chose de mauvais cela dit, certes oppressant, mais rien de comparable à la présence d'Obsession. La dragonne avait dans le cœur d'Anthim une place toute particulière : il la détestait de la plus hargneuse des façons. Non, il détestait même toutes les créatures de son espèce. Plus que le Roi de Sombreciel, c'était dire la haine qu'il portait aux dragons. Et si le pouvoir lui était donné, il n'aurait pas hésité une seule seconde à annihiler ces bêtes tyranniques et égoïstes. Mais il n'avait guère le temps de penser à eux alors que son devoir premier était de porter secours à son royaume et trouver une solution au plus vite pour stabiliser le déséquilibre ambiant entre le désert et les montagnes.

La nuit portait conseil disait-on. Mais le sommeil était difficile à trouver pour le souverain du Roc, perdu entre les problèmes d'Erebor et les siens. Ses pas l'avait porté inconsciemment vers la salle du trône où - depuis que la couronne du Roi avait été posé sur son front - il trouvait une sorte de quiétude et de paix. Les gardes, plus nombreux depuis le malheureux événement, l'avaient salué respectueusement et laissé passer sans un mot. Anthim n'avait pas accordé beaucoup de regard au décor silencieux et apaisant de l'immense salle où il se trouvait désormais. Il avança a pas feutré vers ces grands balcons aux tentures relâchées, mais stoppa sa marche lorsque le glissement d'un mouvement parvint à ses oreilles. Qui osait ? Personne n'avait le droit d'être ici à cette heure de la nuit, tout le monde dans le palais le savait. Un voleur ? Impossible...

Là, il avait vu cette sombre silhouette au coin d'un mur. Il l'avait vu glisser le long des rideaux, esquivant à son regard ce visage masqué d'intrus et d'étranger. Anthim avait alors avancé les mots, sa voix grave et sombre, hargneuse du temps passé avec Obsession, la douceur s'était éclipsé du cœur du roi. Il était le roc, inflexible et droit.

« Ne bougez plus ou je fais appeler les gardes. » Il n'était certes pas combattant, si combat il devait y avoir, Anthim était certain d'être le perdant. Mais peut-être y avait-il moyen de piéger assez longtemps cet intrus... « Qui êtes-vous, et que faites-vous là ? » Oh Anthim, tu aurais dû appeler les gardes dès cet instant.