Dans une taverne bruyante de Port Liberté, un pirate hurle son plaisir. Une femme gémit sous ses brusques coups de boutoir. Des larmes s'écrasent sur sa jupe déchirée et relevée à la hâte, sur son corset arraché. L'homme se retire enfin. Elle pleure pendant que tous rient aux éclats. Leurs chants grivois et paillards transforment le tintement des pièces d'or sur le comptoir sale de l'établissement en l'écho sordide d'une offrande piteuse pour tout présent de naissance à l'enfant à venir.

Dans une ruelle sombre des bas-fonds d'Ansemer, un enfant gît sur le sol. Faible et inconscient. Il est maigre, ses vêtements déchirés ne le protègent nullement du froid. Du sang coule de son visage, de ses bras. Des bleus parsèment son corps. Trois autres enfants, qui viennent de le tabasser de coups de pieds, s'en vont en courant et riant à travers les ruelles étroites qui transforment l'écho de leur joie perverse en un sinistre chant, bravade lancée à la face de la lune.

Dans une niche humide d'un grenier mal aménagé, un enfant brise le cou d'un rat. Il est encore jeune, pourtant ses cernes soulignant ses yeux sombre, ses cheveux coupés au couteau, son corps squelettique quoi que déjà un peu musclé, sa barbe naissance et ses nombreuses cicatrices lui donnent un air adulte bien avant l'âge. La faim terrible qui assaille son corps transforme le goût de cette viande crue et putride en un régal, un dîner de fête au royaume de la plus terrible pauvreté.

Dans un salon pauvre mais chauffé au feu de bois, une femme tient dans ses bras un enfant évanoui, trempé, à moitié nu. Deux de ses doigts sont brisés. Elle frictionne son corps pour le réchauffer, inquiète. La lumière vacillante du feu transforme la vision de ce pauvre gamin en celle d'un animal sauvage recroquevillé sur lui même, près à bondir.

Dans un camp de gitan installé à la limite nord de Lorgol, ce gamin se pare de mille couleurs. Ses vêtements propres rassurent les gens qui croisent sa route. Un masque vient masquer le haut de son visage, cachant des cicatrices trop difficiles à regarder pour les bourgeois de la ville aux Mille Tours. Son art de conteur, son talent à manipuler les ombres projetées d'un feu de camp et à maintenir un public en haleine, transforme les peurs de ces bourgeois méfiants en rêves colorés, mouvant à la frontière de leur esprit et éclatant en mille nuances de chaleur dans leur cœurs conquis.

Dans une pièce sans lumières ni ombres, un homme est sacré Maître Voleur. Ses actes honnis de la société sont ici récompensés d'un grade unique et gratifiant. Le nom de Clopin des Murmures résonne enfin au-delà des murs cloisonnés de ses refuges, transformant l'avenir incertain de ce manant en un véritable destin digne d'être conté.

Dans les bâtiments instables qu'il sait parcourir, Clopin découvre les Archives de la Cour des Voleurs. Une soif de pouvoir certaine le firent chuter au plus bas. Clopin voulut devenir le Fils des Ombres en exploitant un secret. Son chantage ne fit que le précipiter au plus bas. Cette chute terrible et les actes qui l'ont suivit transformèrent , pour le meilleur ou le pire, Clopin des Murmures en Denys du Lierre-Réal, nom usurpé d'un homme désormais enterré.

Dans les souterrains de la Cour des Miracles, un fantôme rôde désormais, détenteur de leur secret. A la tête de Lagrance, un usurpateur règne désormais, fier de son forfait, fort de son alliance avec les invincibles Dragons, auxquels il a offert Edenia. Dans le secret de son cœur, deux ambitions demeurent. La Guilde sera bientôt sienne, tout comme le sera un femme chère à son cœur, la belle Mélusine de Séverac, qui jour après jour sombre dans les drogues les plus noires, détruite qu'elle l'a été par le décès de sa sœur. En Lagrance, la saveur de la revanche et de la victoire transforme la vision d'un homme, aveuglé par l'amour, la rage et le sang.