« Je dis vrai, hein, Lis. C'est vrai que j't'aime. »
Les yeux clos, débarrassée de son odeur alcoolisée, loin - ô si loin, bien trop loin - de ses bras, j'ai failli m'endormir. Malgré mon envie dévorante de lui demander de revenir, ou même de le rejoindre sur le fauteuil vers lequel je l'ai exilé, poignard aidant, j'aurais pu sombrer bien vite. Cette journée a été trop mouvementée, trop inexplicable, trop épuisante pour que je n'en ressente pas le contrecoup à cette heure tardive. Mais il y a eu ces derniers mots... Ces deux phrases, à peine audibles, à peine prononcées... Comment trouver le repos alors que résonnent encore à mes oreilles l'écho de ses mots dont je ne sais que penser ? Longtemps je suis demeurée éveillée, dans la pénombre à seulement écouter sa respiration paisible. A tenter de me convaincre que l'alcool et la fatigue sont seuls responsables et que tout cela n'était qu'un discours décousu de marin enivré. Mais étrangement, je ne parviens pas à y croire totalement. Louis est trop sincère, trop spontané pour que ce ne soit que chimères...
Les boulangers avaient déjà rejoint leurs fournils quand, enfin, l'épuisement a vaincu mes questionnements sans fin, me plongeant dans un sommeil profond, sans rêves ni cauchemars d'aucune sorte. Jusqu'au contact de ce corps chaud contre le mien, l'odeur salée, masculine qui chatouille mes narines, le son de cette voix, un peu rauque encore après la nuit. Sans un mot, sans ouvrir les yeux, je me blottis d'instinct tout contre son torse, regrettant du fond de ma torpeur le tissu importun qui nous sépare.
Un bref instant, je me raidis, entendant le pas d'Yseult montant l'escalier menant à ma chambre dans l'attente de mon réveil - il serait beau voir qu'elle nous trouve ainsi enlacés. Mais fort heureusement, j'ai eu l'idée, au cours de mes insomnies, de verrouiller la porte à clef, aussi redescend-elle sans insister. Ce danger écarté, j'ouvre enfin les yeux sur le visage de Louis dont la vue me tire un sourire. « Plus maintenant. »
Je dépose un baiser léger sur ses lèvres, malgré le goût de l'alcool pas tout à fait estompé. Oubliée ma colère d'hier au soir, balayées pour le moment les questions qui m'ont occupé l'esprit la nuit durant. Pour l'instant, je suis seulement heureuse d'être là. Dans ses bras.
Qu'importe ce qui adviendra.