Mes nuits n'étaient plus des nuits, mes nuits étaient des voyages, des découvertes, des aventures. Je n'avais plus de sommeil, ma mort me tenait éveillée, dans d'éternelles quêtes de connaissances. Jamais je ne ressentais de la fatigue la moindre gêne, et mon esprit était aussi vif que mon corps ne l'était plus.
Parfois, Svanhilde m'emmenait, malgré elle peut-être, dans ses songes, et je sentais ce lien ténu qui l'unissait à Castiel, et me tordait le coeur, empoisonné d'un sentiment malsain. J'aurais aimé que nous ne soyons pas si proches, dans ces moments-là, et qu'elle puisse me cacher ces travers de son esprit, qui l'attiraient vers un autre. Mais mon amour était malheureusement assez grand pour tout endurer, même le fait qu'elle puisse partager des rêves avec l'homme qui nous avait séparé.
Je ne comprenais pas, je subissais, torturé. Je haissais Castiel, pour tout ce que je savais de lui, n'espérait pas qu'il puisse y avoir plus à savoir d'un être qui m'avait tout volé - je n'imaginais pas qu'il y eut plus à prendre encore.
Alors que la lune était déjà haute sur Arven, j'épprouvais une nouvelle fois cet appel, qui me conduisait dans un monde où Svanhilde ne contrôlait plus ses gestes, et suivait les désirs de son inconscient. Je me fondais dans ce décor immatériel, et pourtant si réel, qui caractérisait les souvenirs enfouis de ces dormeurs magiciens.
L'univers sombre dans lequel j'évoluais me rappela immédiatement le Duc de Sombreciel, et je perçus qu'il s'agissait de sa propre mémoire, que je visitais.
D'ailleurs, un petit garçon, portant des vêtements trop riches pour un enfant, passa devant moi, sans me voir, fronçant les sourcils sous la concentration d'un jeu. Deux fillettes riaient non loin, et un autre gamin lui faisait face, malicieux.
Un adolescent, d'une stature imposante, trahissant ses entrainements physiques, s'avança dans la pièce, récupéra une épée, caressa les boucles brunes d'une des deux demoiselles, ébouriffa l'autre avec une expression bienveillante, légèrement provocatrice.
- Melsant ! Cria une voix, autoritaire. Dépêche toi !
Le jeune homme soupira indistinctement, se tourna vers celui qui devait être son frère, et le Castiel miniature, et leur fit un signe de la main, les laissant à leur discussion et leur figurines de bois.
Observant la scène avec attention, je me glissais dans un coin, invisible. Les Séverac. J'en avais entendu parler, de nombreuses fois, entendu vanter l'intelligence qui les caractérisait, et la droiture, malgré leur appartenance au domaine de la folie.
Et Castiel ne dénotait pas, dans ce paysage. Il semblait aussi calme, paisible, aussi sage et aimant.