La chaleur de l'été n'aidait pas à cicatriser, et Melsant pesta contre lui même, en observant la plaie sale qui ornait son avant-bras gauche; posé sur la table de bois. Il s'en voulait, d'avoir baissé un instant sa garde, et permi à ce guerrier de pacotille de le toucher, alors qu'il n'aurait jamais du le faire - d'ailleurs, cette erreur l'avait aussitôt emporté dans le sable de l'arène pour y rendre sa vie, sans servir plus longtemps d'amusement à la foule.
Le Séverac avait perdu un instant le contrôle, en devinant dans ses spectateurs une silhouette familière... Trop d'éloignement, sans doute, et un manque persistant, lui avait fait imaginer des choses. Essuyant sa blessure avec brusquerie, énervement, Melsant poussa un grognement, qui fit sursauter la jeune serveuse qui passait par là.
- Apportez-moi une choppe de Feurouille, ordonna-t-il dès qu'elle se retourna vers lui, tremblante de surprise.
Les autres clients alentours se tournèrent vers lui, une fraction de seconde, pas plus, de crainte qu'un regard de travers ne leur apporte le même sort qu'à son précédent adversaire. Tristan Sombreval était reconnu, désormais, pour n'être pas d'un tempérament très agréable, et vite mis en colère.
Ils levèrent donc leur propre verre de Ferouille, un alcool puissant, qui leur ferait oublier rapidement la moindre contrariété, en espérant cependant qu'elle ne leur donne pas l'audace de franchir les limites respectables qui entouraient le guerrier.
A peine servi, Melsant renversa le liquide brulant sur sa chair abimée, grimaçant discrètement sous la douleur fugace que procurait le breuvage, en s'infiltrant dans peau ouverte. Un bandage et une bonne nuit de sommeil plus tard, et il serait de nouveau prêt, à l'aube, pour un nouveau combat. Rien de bien original, en attente de mieux.
La Guilde, pourtant, bougeait beaucoup, et Melsant savait ses camarades en alerte, guettant le moindre signe de l'empereur. En cas de conflit, ils seraient les premiers appelés à rejoindre ses rangs. Et Melsant n'était pas à la traine, pour obtenir ce poste : personne n'ignorait qu'il le convoitait depuis qu'il avait mis les pieds à Lorgol et c'était engagé parmi ces lutteurs.
Rapidement même, sa réputation avait provoqué le déplacement d'Augustus et son appréciation silencieuse... Sans plus. Il logeait encore dans une chambre louée à la taverne, avec l'argent remporté de ses victoires, partageant le quotidien morose du peuple souffrant d'Arven.
- Quelqu'un a dérobé ma bourse ! Hurla soudain une vieille bourgeoise, dont le ventre bedonnant témoignait à lui seul de sa loyauté au pouvoir en place. Au voleur !
S'il s'était mis en alerte dès le premier cri, Melsant laissa retomber aussitôt la tension qui l'animait. Un voleur ? Et alors ? Il n'y avait que ça, dans les routes affamées de la ville, et pour cause... S'il avait, auparavant, méprisé cette façon de vivre, le jeune homme avait maintenant trouvé à ces actes une justification qu'il tolérait, sans la partager.
Et puis... Il n'en avait jamais été la victime, ce qui expliquait probablement une part de son calme face au fléau.
Son regard morne parcourut la salle, blasé... Il ne voyait là que des visages patibulaires, impropres, hideux, criant le vice et l'infamie. Le coupable pouvait être n'importe qui, ou presque.
Puis ses yeux rencontrèrent d'autres prunelles semblables aux siennes, et Melsant crut descendre avec violence de son banc, comme projetté sur le sol par la force de la surprise.
Melusine était là, unique parmi les manants, cachée mais découverte pour son seul bonheur.