Ailen n'entendait pas la clameur autour d'elle, elle n'écoutait pas le discours que l'on prononçait devant elle, et qui se terminerait, elle le savait, par un duel. Elle méritait sa place, elle le savait, en était convaincue. Elle avait été élevée dans ce but. Ailen se préparait au combat. Toute trace de sourire ou de jovialité l'avaient quittées. Elle entendit la rumeur sourde provenant de l'arène, qu'elle imaginait pleine à craquer : la populace aimait ce genre de duels qui provoquaient un temps de détente. La guerrière se remémora la promesse faite à celui qui l'avait menée jusqu'ici, « Gagne à tout prix, quoi qu'il arrive ». Elle ne savait pas qui serait son adversaire, mais son supérieur semblait connaître son identité et la confiance indéfectible qu'elle avait en lui l'avait poussé à celer sa promesse. Elle savait par contre qu'il n'y aurait qu'une issue à ce combat...

Elle releva la tête, concentrée sur le combat qui venait. Son sabre dans le dos, des dagues à la ceinture, alors que tout le monde partait pour laissait la jeune femme avec elle même, quelques minutes. La clameur de la foule s'intensifia d'un coup, ce qui signifiait que l'Empereur avait rejoint sa tribune. Puis les portes s'ouvrir. Ailen avança de quelques pas, ainsi que son adversaire. Il était jeune, plus jeune qu'elle, mais c'était un homme et on la donnait pour perdante. D'aucun pensait que le combat pouvait vraiment avoir lieu. Mais leur honneur et surtout leur formation ne leur donna pas le temps de tergiverser. Ils en connaissaient tous les deux l'issue, la mort de l'un des deux.

Le maître de l'arène annonça le début du combat, son but et sa finalité ; l'arène devint subitement silencieuse. Tout le monde avait maintenant compris les enjeux du combat. La jeune femme fut la plus prompte à réagir. Deux couteaux volèrent en direction du jeune homme, qu'il n'eut aucune peine à éviter, mais il perdit quelques précieuses secondes, et lorsqu'Ailen arriva sur lui, elle avait déjà dégainé son sabre. Il roula au sol pour éviter le coup fatal, se releva, attrapa à son tour son arme et se positionna. Tous deux se tournèrent, se jugeant du regard. Ailen reprit l'attaque. Les chocs brutaux laissaient échapper des bruits qui témoignaient de la violence de l'affrontement, que le silence de mort du public retenant son souffle amplifiait.
Les mouvement étaient implacables, mortellement précis, mais pourtant à chaque fois paré. Alors que les combattants semblaient voués à se battre éternellement sans vainqueurs, Ailen feinta. Elle n'évita que de peu l'un des coups qui lui entailla profondément l'épaule. Pourtant, d'un geste assuré et fluide elle enfonça son sabre jusqu'à la garde dans le ventre de son adversaire. Celui-ci la regarda surpris, puis un sourire se dessina sur ses lèvres, duquel un filet de sang coulait. Puis il s'effondra.
Elle essuya sa lame et quitta l'arène sans prendre le temps de savourer l'ovation que lui faisait le public. Elle chercha des yeux le regards de son actuel maître d'armes, et la fierté qu'elle y lu fut le seul réconfort qu'elle accepta. Elle avait rempli sa part du marché, c'est tout.

Pourtant, Ailen aurait pu être ailleurs, si le destin ne lui avait pas joué par deux fois un tour si cruel. Elle savait qu'elle était née dans le duché d'Erebor ; information qu'elle tenait Ingmar d'Ibelin, qui avait été autrefois comme un père pour elle. Celui qui l'avait recueillie alors qu'elle n'était qu'un bébé et sûrement destinée à devenir domestique dans une quelconque demeure. Ailen aimait Ingmar comme un père, mais son épouse n'avait jamais voulu adopter la jeune fille. C'est pourtant lui qui avait dirigé Ailen sur le chemin des armes. Mais elle avait un foyer et était entourée de personnes qui l'aimaient, c'était le principal. Le premier coup dur fut la naissance de Solveig, qui accapara toute l'attention. Ailen se sentit blessée, meurtrie et trahie. Elle n'en montra rien et accorda à son tour son amour au bébé.
Elle progressait sur la voie à grands pas et en était heureuse. Le second tour fut quand Ingmar déserta, lui laissant sur les bras Solveig et lui faisant promettre de toujours s'en occuper. Ben voyons ! Ailen a tenu pourtant sa promesse, mais elle créa une distance volontaire en Solveig et elle : à quoi bon s'attacher aux gens, ils peuvent vous laisser tomber si facilement... La jeune femme continua auprès d'autres maîtres son apprentissage de guerrière et ceux ci se chargèrent de la formation de son esprit et sa présente allégeance au régime en place. C'est d'ailleurs en partie pour le bon plaisir Augustus qu'elle venait de donner ce combat.

De retour dans son logement, Ailen fit un examen rapide de sa plaie. Elle était fine et peu profonde, elle serait bientôt remise. Elle fit jouer son épaule et grimaça quelque peu. C'était peut-être plus sérieux en fin de compte.

Que penserait Ingram s'il la voyait ainsi ? Il serait fier peut-être, de voir le niveau qu'elle avait atteint, mais déçu voire en colère de voir le camp qu'elle avait choisi. Ou plutôt le camp ou on l'avait conduit. Ailen avait beau être fière et têtue, elle avait été longtemps malléable, et on aurait pu en faire n'importe quoi. On en avait fait une arme vivante. Mais incapable de s'avouer que celui qui avait été son père lui manquait tout comme sa sœur, elle haussa les épaules et passa à autre chose.