Le ciel s’assombrissait de plus en plus pour ne plus percevoir ni les étoiles ni la lune en cette nuit du 16 mai 777. Silencieuse et calme… jusqu’à ce que tout se bouscule à la cour. Des voix se percutaient dans les couloirs jusqu’à arriver dans une chambre. Tout allait pour le mieux si ce n’est qu’une femme allait accoucher. Mais rien ne prévoyait non plus que la petite fille qui allait sortir de ce ventre se retrouverait seule à peine arrivé dans la vie. Personne pour lui apprendre la dureté de la vie, personne pour lui donner de l’affection comme l’aurait fait une mère avec sa fille. Personne. Sa mère mourut en accouchant ; manque de soin, mais surtout manque de considération de la part de tout le monde. Qui se préoccuperait d’une amante enceinte ? Personne ne souhaitait avoir une bâtarde à la cour. Et pourtant, c’est ce qui arriva… La fille du général Hjalmar Nightingale et de son amante était née. Meridia arrivait dans un monde un peu compliqué où elle allait être méprisée et insultée.
C’est une vieille dame de la cour qui pris en charge le bébé, car personne d’autre ne s’en souciait à part elle. Cette vieille dame, Ingrid, n’était pas bien vu par tous. Aristocrate de renom, elle avait toujours vécu à la cour et connaissait les moindres recoins et toutes les personnes qui y résidaient. Elle avait toujours une longueur d’avance, ce qui avait beau en énerver certaine. Ingrid ne se souciait pas de ce que l’on pouvait dire sur son dos, car après avoir ‘’adopté’’ cette petite fille, les on-dit circulaient énormément. Ingrid ne s’en souciait guère, car pour le moment, c’était la petite fille qui l’inquiétait. Il fallait bien un jour qu’elle apprenne vraiment sa véritable histoire…
Mais pour le moment, Meridia grandira comme tous les autres enfants : en gardant son innocence aussi longtemps qu’il le faudra… jusqu’au jour où il faudra qu’elle affronte tout ça. Ingrid éduquera la petite comme une Noble et comme l'avait fait sa grand-mère avec sa mère et sa mère à sa fille, de génération en génération. Elle ne souhaitait que le bonheur de cette enfant, contrairement à d’autre. Ce pourquoi ne voulait-elle pas être la cause de ce qui allait peut-être être son malheur… Tout lui avouer lorsqu’elle sera plus grande était plutôt un fardeau ; mais Ingrid savait que la vérité était toujours mieux que l’ignorance.
Quoiqu’il arrive, la vérité refait toujours surface.
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« Tante Ingrid ! Tante Ingrid ! »
Ingrid se retourna pour recevoir brusquement dans les bras Meridia en pleure.
« Mais que se passe-t-il ma chérie ? »
« On se moque de moi et personne ne veut de moi… ! »
Ingrid décolla la petite fille qui se blottissait très fortement et s’accroupit devant elle. A 6 ans, comment lui dire la vérité ? On ne peut pas. On garde encore le secret.
« Sais-tu pourquoi ils se moquent de toi ? … C’est parce que tu es une petite fille extraordinairement unique. Tu es plus forte qu’eux, alors ne fais pas attention à ses enfants. »
Ingrid lui fit un gros câlin. Le chagrin était déjà partit et Meridia courait déjà vers le jardin pour jouer à l’extérieur. Un long soupire s’en suivi. Ingrid ne pouvait pas tout lui dire maintenant, il fallait que Meridia attende un peu avant de pouvoir bien comprendre sa situation. Et puis… n’était-elle pas mieux comme ça ? Souriante et attachante. Il était vrai que les autres enfants lui en faisaient baver, mais Ingrid s’arrangeait toujours pour être présente et à l’écoute ; toujours là quand cette chère petite enfant en avait besoin. Mais cela suffirait-il au fil du temps ? Certainement pas. Cette petite fille était intelligente… tôt ou tard, elle aurait des soupçons.
Il y avait un petit ruisseau près du château à l’extérieur où aimait jouer Meridia. Il se situait presque en lisière de forêt, en contre-bas. Même si elle savait qu’Ingrid lui interdisait d’y aller, cela n’empêchait pas à la petite fille d’y jouer et d’y rester surtout pendant plusieurs heures. Elle avait déjà construit quelques mini-barrages pour faire des mini-cascades. Un jeu qu’elle appréciait beaucoup, pour ensuite fabriquer soit un radeau soit un bateau en se servant de branches d’arbre et de feuilles. L’objectif : que le bateau passe toutes les cascades. Parfois cela devenait un vrai casse-tête, mais la petite fille était d’une grande patience et très têtue aussi. Elle était tellement concentrée qu’elle ne voyait plus les heures défiler et se faisait souvent gronder par Ingrid. Mais celle-ci se réjouissait quand même du bonheur de Meridia, elle revenait toujours avec le sourire même si elle la grondait. C’était positif. Le jour où Meridia n’aurait plus la joie qui se lisait sur son visage c’est qu’il se passait quelque chose ; et Ingrid commencerait à s’inquiéter. Pour le moment, elle se souciait de l’instant présent, car si elle commençait à penser au futur de cette petite fille, elle s’imaginait déjà lui dire tout et que Meridia la déteste pour son silence. C’était difficile, mais simplement de voir son sourire émerveiller son visage lui suffisait pour l’instant.
Peu de temps après ses 7 ans, Ingrid comprit que la petite subissait des brimades des autres enfants et surtout qu’ils lui en disaient un peu trop sur sa mère. Ils la traitaient déjà de tous les noms et le mot bâtarde ressortait souvent. C’est pour cela qu’Ingrid décida de partir revivre sur ses terres qui se situait au Duché de Lagrance. Connu sous le nom de Dame Rosépine, elle était connue de tout le Duché pour ses terres immensément grandes et son sens de la réparti. La Dame pourrait dans sa demeure éduquer tranquillement cette petite fille comme la sienne et parfaire son éducation pour devenir Dame de compagnie. Elle ne souhaitait que son bien-être et qu’elle soit élevée comme toute les petites filles de la cour. Si au moins son statut pouvait être au-dessus de son étiquette, elle s’en sortirait sûrement lorsqu’Ingrid partira définitivement de ce monde.
C’est ainsi qu’elle emmena Meridia au Duché de Lagrance, le changement d’air et d’environnement ne pouvait que lui faire du bien.
Les années passèrent très vite et Meridia fêta ses 10 ans cette année. Elle avait trouvé une occupation pour se distraire et se détendre : la harpe. Cela faisait des années maintenant qu’elle y consacrait des après-midi entières pour tout simplement ne plus faire aucune fausse note. Elle avait commencé à l’âge de 7 ans, juste après en avoir eu marre des enfants qui lui piquaient son milieu : le ruisseau, et juste avant qu’Ingrid ne l’emmène sur ses terres. Ils lui avaient dit tout un tas d’injures et autres méchancetés qui étaient resté gravé dans sa mémoire. Elle subissait des brimades, ce pourquoi elle s’était tournée vers la musique qui elle ne pouvait rien lui faire. Elle n’avait qu’un sentiment de bien-être au côté de la harpe et jamais elle ne pourrait s’en séparer, jamais elle ne pourrait arrêter. Une fois qu’elle aurait tout acquis, personne ne pourra lui prendre ce bien précieux. Personne.
Ingrid ne s’était pas opposée à ce désir d’apprendre la musique, elle l’avait même encouragée. Si cela pouvait lui faire du bien et l’apaiser quand il le fallait, Ingrid était d’autant plus heureuse. Meridia avait, en quelque sorte, quelque chose à quoi se raccrocher quand ça n’allait pas. Et d’ailleurs cela permettait à Ingrid de s’apercevoir quand son moral n'était pas au beau fixe. Meridia se retrouvait enfermé dans sa chambre et on n’écoutait seulement que le son de sa mélodie.
Meridia arriva à grandir tranquillement, comme une enfant normale avec des origines ‘’normales’’. Elle ne se souciait pas encore trop de ses parents, quand bien même Ingrid eut détourné ses questions plusieurs fois. Attachante mais têtue à la fois, elle arrivait quand même à s’entendre avec des enfants de son âge. Meridia avait trouvé des amis pour la première fois et elle se sentait bien dans sa peau. C’était fabuleux, et Ingrid en avait presque oublié que Meridia ne savait pas tout...
Arriva le jour où Ingrid fut touchée par une maladie incurable. Meridia n’était encore qu’une adolescente de 14 ans, et c’est à partir de là que la vieille dame eut l’idée d’écrire une lettre pour tout lui expliquer. Ingrid la chérissait depuis toujours… alors comment pourra-t-elle lui pardonner de ne pas lui en avoir parlé plus tôt ? Et surtout, il était certain qu’elle allait être seule contre tout le monde une fois reparti pour la cour. Sa décision était prise, il fallait qu’elle lui parle non seulement de ses « origines » mais aussi des personnes de la cour. Ceux dont il fallait se méfier, et ceux qui ne lui voulaient aucun bien et feraient tout pour l’humilier en public. Autant dire qu’elle mit du temps à l’écrire cette lettre ; elle se demanda même pourquoi elle ne lui en parlerait pas directement. Mais la vieille dame voyait déjà son chagrin dans ses yeux lorsque Meridia lui rendait visite dans sa chambre ; alors elle ne pouvait rien lui dire, elle souhaitait de tout cœur partir avec Meridia à ses côtés ; et non un fauteuil vide. Un brin d’égoïsme très certainement, mais sa décision était prise. Que Meridia puisse la haïr après sa mort lui importait peu… ce qu’elle souhaitait c’était de n’avoir qu’une image positive de Meridia juste avant qu’elle ne meure.
Meridia resta à ses côtés toute la nuit sur une chaise et s’endormit même à moitié sur le lit en milieu de nuit. Lorsqu’elle se réveilla en sursaut après avoir fait un cauchemar atroce, son regard se posa sur Ingrid puis sur sa poitrine pour voir si elle respirait encore. Elle eut un petit soupir de soulagement lorsqu’elle vit sa cage thoracique bouger. Elle se leva sans réveiller Ingrid pour se passer de l’eau sur le visage. Elle releva la tête pour se regarder dans le miroir. Elle avait l’impression d’être malade : le teint pâle, les yeux rouges et des cernes affreuses. Elle se remit sur la chaise et lutta encore contre le sommeil. Alors que ses paupières se fermaient doucement pour l’emporter dans un profond sommeil, Ingrid lui prit la main. Meridia se réveilla brusquement.
« Tout va bien ? »
« Je pense qu’il est temps de te parler d’une chose importante. »
Meridia qui ne comprenait pas, resta un moment à réfléchir.
« Tu trouveras sur mon étagère un vieux livre ancien. Il t’apportera la liberté… … mais… aussi la peur et… désarroi. »
« De quoi me parles-tu ? »
Meridia commençait à s’inquiéter, elle prit la main de l’être qui l’avait toujours chéri. Son rythme cardiaque augmentait de plus en plus, elle savait…
« …lit-le… et soit forte… … » ajouta Ingrid dans un soupir.
Elle savait que c’était la fin. Ses paupières se refermèrent doucement et sa tête bascula sur le côté. Meridia tenait toujours sa main dans les siennes. Les larmes commencèrent à submerger ses yeux pour venir rouler sur ses joues chaudes et rouge. Elle s’écroula sur le lit pour s’effondrer complètement dans le chagrin. Elle pleura jusqu’au matin en refusant tous les appels à la porte. Il n’y en avait pas eu beaucoup ; qui se serait soucié d’une dame qui avait élevé une bâtarde ? Personne.
Au matin, on l’obligea à s’écarter du corps pour pouvoir l’enterrer dans l’après-midi. Meridia ne put même pas faire quoi que ce soit avant l’enterrement. Elle attendait seule dans sa chambre jusqu’au moment où elle descendrait pour aller voir sa tombe.
Il n’y avait pas beaucoup de monde, et Meridia resta à l’écart le temps que la cérémonie se termine. Puis elle alla voir la tombe lorsque tout le monde était parti. Elle resta là, à genou, replier sur elle-même. Elle se posait tout un tas de questions, pourquoi ça lui arrivait à elle ? Pourquoi n’avait-elle pas eu une famille normale comme la plupart des gens ? Un repas en famille avec une mère, un père, des frères et des sœurs, des histoires à raconter… Là, elle était seule… elle se sentait horriblement seule. Cette douleur atroce dans sa poitrine ne s’échappera pas. Jamais, elle en n’était certaine.
Et puis, après quelques heures, elle se souvint des dernières paroles qu’Ingrid lui avait dites. Et si ça répondait à ses questions ?
Elle trouva alors la force de remonter jusque dans la chambre d’Ingrid. Elle hésita à rentrer à l’intérieur et resta un moment devant la porte, la main sur la poignée. Puis elle ouvrit et constata que tout avait été lavé. Rien n’avait changé, mais tout était propre. Elle resta une minute à observer la pièce comme si elle la redécouvrait ; puis se dirigea vers la bibliothèque où elle n’eut pas de mal à trouver le vieux livre dont parlait Ingrid. C’était le seul qui avait une reliure abimée. Elle l’ouvrit donc et après avoir tourné les pages, elle ne comprenait pas du tout ce que voulait dire Ingrid. Elle soupira puis voulut refermer le livre lorsqu’elle aperçut une feuille dépasser du livre. Intriguée, elle ouvrit le livre pour y découvrir un petit paquet de feuille écrit récemment au vu de la netteté et la propreté de l’écriture. Meridia s’assit sur le lit pour commencer à lire cette feuille intrigante. Elle comprit dès les premiers mots que c’était Ingrid qui lui avait écrite avant de mourir. Et au fur et à mesure qu’elle la lut, elle comprit tout le sens de ce qu’Ingrid voulait lui faire comprendre. Meridia avait cependant encore du mal à bien comprendre et comment Ingrid avait-elle fait pour mentir concernant son père ? Elle ne l’avait encore jamais vu, ne se souciait-il pas d’elle ?
Elle ne pouvait plus réfléchir, elle ne savait pas si elle devait lui en vouloir ou au contraire la remercier pour ce qu’elle avait fait. Ses paupières se fermèrent petit à petit et elle s’endormit profondément, affalé sur le lit.
Le lendemain, elle ferma la porte de la chambre et descendit au rez-de-chaussée où elle constata qu’il y avait de nouveaux visages. Groupé ensemble dans la grande salle, ils arrêtèrent de parler lorsqu’elle pénétra dans les lieux. Tous se retournèrent vers elle, le regard emplit de dégoût. Elle s’attendait à tout, sauf à ce qu’allait lui dire ces personnes…
Ils la chassèrent donc de la demeure, la renvoyant à la cour, ne se souciant même pas de son avenir. Meridia avait compris que c’était des cousins éloignés et qu’ils ne se souciaient que de leur petite fortune et donc des terres de la défunte. Meridia retournait au point de départ et elle ne savait absolument pas à quoi s’attendre à la cour, cela faisait si longtemps qu’elle l’avait quitté. Tout ce qu’elle regrettait, c’était qu’elle n’avait pas pu dire au revoir à ses rares amis…
Les chevaux s’arrêtèrent devant le palais impérial. Meridia ne se rendait encore pas compte de la situation. Mais lorsqu’elle parcouru les couloirs de la cour pour aller dans sa chambre et s’installer, elle ne percevait plus du tout la même chose. Maintenant qu’elle
savait, elle comprenait différemment le regard des gens. Mais comment avait-elle fait pour ne pas les voir plus tôt ? Et toutes ses brimades qu’elle avait subi était-ce simplement parce qu’elle n’avait pas pu choisir sa mère ? Mais comment pouvons-nous survivre dans un monde aussi cruel ? Surtout sans Ingrid, Meridia ne s’imaginait même plus vivre sans elle, sans avoir son ange gardien. Car c’était ce qu’avait été Ingrid depuis des années. Elle l’avait protégé en la gardant éloigné du palais, peut-être trop ; mais n’avait-elle pas été heureuse jusque là ? Tout ce qu’elle déplorait c’était qu’Ingrid ne lui avait pas dit plus tôt pour pouvoir lui poser un tas de question. Car même si dans sa lettre tout lui était expliqué en détail, elle aurait souhaité avoir quelqu’un près d’elle pour la soutenir. Et Ingrid était une personne parfaite pour ça. Elle l’avait toujours été…
Des rires, des gloussements et des messes basses se faisait à chaque coin. Meridia se sentait exclue, rejetée, ne savant plus où se mettre. Pour la première fois tout lui parut très clair dans sa tête, mais aussi très confus. Comment va-t-elle supporter cela ?
Arriver devant sa chambre, elle eut la grande joie de pouvoir fermer la porte et ne plus entendre aucun bruit. Et là, elle s’écroula. Elle n’avait même pas eu le choix. Elle aurait tellement voulu rester dans la demeure de Dame Rosépine… Puis tout à coup, une idée lui vint : une échappatoire. Elle avait la conviction que son père pouvait l’aider. Et s’il devait allégeance à Augustus, il devait sûrement se trouver au palais. Elle était décidé, il fallait qu’elle aille le trouver et tout s’arrangerait.
La jeune fille était loin de s’imaginer que leur rencontre allait être tout le contraire de ce qu’elle avait espéré. Elle avait donc trouvé son père, mais leur conversation fut plutôt houleuse. Elle qui était heureuse de rencontrer son parent, il était plutôt difficile désormais d’accepter son mépris. La seule chose qu’elle lui voulait, c’était peut-être son statut haut placé ; d’où cette admiration pour lui, mais pas en tant que père. Il l’avait effectivement reconnue, mais pourquoi si ce n’est pour la rejeter plus tard ? Elle aurait préféré avoir le nom d’Ingrid, au moins une femme qui se souciait d’elle. Meridia la considérait comme sa seule famille, et c’était le cas malheureusement pour elle.
Meridia fut donc convier à être Dame de compagnie d’une certain Cyselle de Lagrance. De par sa qualité de harpiste et son éducation hors pair que lui avait donné Ingrid, Meridia était donc tout à fait capable d’être une dame de compagnie. A 14 ans, son père la pensait déjà femme et qu’elle pouvait se débrouiller seule. Il s’était donc arranger pour la confier à une Dame, en l’occurrence : Cyselle de Lagrance, qui était intéressé par ses qualités de harpiste. Autant dire que ça ne plut pas particulièrement à Meridia…
Depuis ce jour, plus les semaines-mois-années avançaient, plus Meridia se forgeait un caractère d’acier ou plutôt de défense contre ce monde cruel où elle était née. Elle avait désormais une carapace presque indestructible où sa fragilité et son cœur brisé se cachait et avait aussi acquit un certain répondant – dû à cette colère enfouit – lorsque certaines dames de la cour l’affrontaient face à face. Il était vrai qu’il y avait différente façon d’attaquer quelqu’un et Meridia connaissait désormais par cœur les groupes de dames. Il y en avait qui ne lui avait jamais parlé, mais dont les messes basses en disait grandement. D’autres en revanche préféraient être souriantes et lui dire bonjour pour que derrière son dos elles puissent dire tout un tas de méchanceté. Et enfin d’autres l’attaquaient de front tout simplement. Meridia essayait d’être implacable, de ne laisser paraître ni même s’échapper un seul sentiment. C’était parfois très dur, surtout dans des moments où son moral n’était pas à son beau fixe. Mais elle essayait de faire face à cette étiquette constamment collée sur son front.
Elle pensait souvent à sa famille, les Nightingale, sans pour autant prendre de décision immédiate comme d’aller les voir. Elle avait entendu parler un peu de Sigvald et de Svanhilde qui avait l’air d’être une femme exceptionnelle. Tout le contraire de Meridia en somme. Mais l’idée même d’aller la voir s’estompait très vite lorsqu’elle s’imaginait leur rencontre. Non, c’était peut-être mieux ainsi ; même si on fond d’elle-même elle avait une grande curiosité pour son parti.
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La jeune femme n’avait même pas songé qu’un jour elle puisse avoir encore une autre surprise qui allait bouleverser son existence. La magie revenait doucement dans ce monde, elle l’avait compris, mais jamais elle ne se serait doutée qu’un jour ça puisse tomber sur elle… une enfant indigne, traité de bâtarde presque sans arrêt et des critiques qui ne s’arrêtaient point. Non, jamais elle ne l’aurait pensé.
C’était une nuit des plus ordinaire qui soit. La journée avait été des plus banales, quoique pour une personne normale on l’aurait plus qualifié d’horrible, mais lorsque l’on s’y habitue, tout devient différent. Elle s’était donc couchée après avoir fait une petite promenade dehors, où elle aimait rendre visite aux écuries pour voir les chevaux et parler avec eux. Cela l’apaisait presque autant que la musique. Elle s’endormit donc paisiblement…
Elle se réveilla brusquement après avoir cru entendre des gémissements. Elle patienta quelques secondes avant de se lever et de pénétrer doucement dans les couloirs. Elle avait été certaine d’avoir entendu des pleurs, et pourtant, tout semblait très calme au palais. Elle voulut retourner dans sa chambre, lorsqu’elle commença à ré-entendre ses gémissements de pleurs. Elle essaya de les suivre de par son ouïe. Elle s’aventura jusqu’au jardin où elle tomba nez-à-nez sur une petite fillette qui pleurait avec dans ses bras une peluche en forme de lapin.Meridia ouvrit les yeux. Son cœur battait à tout rompre. C’était la première fois qu’elle faisait un rêve aussi réel. Elle avait l’impression qu’elle l’avait vraiment vécue. Très étrange… Elle referma ses yeux jusqu’à ce que des pleurs brisèrent le silence de cette nuit sans lune. Elle ouvrit aussitôt les yeux, se demandant si elle ne rêvait pas encore. Elle se leva et sorti donc de sa chambre à pas feutré, son cœur s’emballant de plus en plus car tout ça elle l’avait déjà fait dans son rêve. Etait-ce normal ? Elle se balada dans les couloirs pour ne percevoir que du silence. Elle voulut alors retourner à ses appartements lorsqu’elle entendu de nouveau les pleurs. Elle suivit alors ses gémissements jusqu’au jardin. Elle s’arrêta et hésita à avancer encore en se demandant si la petite fille était celle de son rêve, avec son lapin en peluche. Elle inspira profondément et fit quelques pas pour percevoir cette petite fille. Le plus choquant étant qu’elle était identique, avec sa robe de nuit blanche un peu tâcher et surtout ce que Meridia avait reconnu tout de suite, c’était le lapin en peluche que la petite fille serrait contre elle. Meridia resta un moment étourdie, avant de pouvoir ramener la petite fille – qui était apparemment perdue – chez elle.
Meridia ne put en aucun cas se rendormir, même si elle s’était remis dans son lit, elle repensait sans cesse à l’événement qu’il venait de se passer. Après plusieurs heures de réflexion… Et si elle pouvait prévoir l’avenir ?
Meridia sauta de son lit au petit matin, prit une douche pour s’habiller et sortir directement par la suite. Elle se pressa dans les couloirs croisant quelques dames qui la regardaient bizarrement mais ne s’en souciait guère ; pour ensuite emprunter le jardin pour aller vers le cimetière. Beaucoup de personnes penseront étrange de parler à une pierre, mais Meridia devait en parler à quelqu’un, et à qui d’autre qu’à Ingrid ?
La nuit suivante, la jeune femme se réveilla brûlante de fièvre avec des maux de tête infernaux. Elle pouvait prévoir tout ce qui allait arriver la minute d’après sans qu’elle puisse rien n’y faire. Elle ne se sentait pas du tout bien et plus les heures passaient, plus sa tête allait exploser. Elle décida alors de s’exiler pendant un temps dans une vieille cabane où Ingrid l’avait emmené une fois. Elle se situait en forêt. C’était très primitif mais il y avait tout ce qu’il fallait pour y vivre. Ingrid lui avait souvent confié qu’elle y allait régulièrement pour prendre du recul et respirer un peu… méditer m’avait-elle dit aussi. Enfin, un coin calme où elle pourrait peut-être enfin arrêter d’avoir ces maux de tête et surtout que son pouvoir arrête de lui prédire tout ce qui allait arriver dans l’immédiat.
La jeune femme ne prévint personne, qui se soucierait d’elle ? Personne. Alors elle partit jusqu’à ce que physiquement et surtout psychologiquement tout aille pour le mieux. Elle n’arrivait à rien contrôler, mais si elle arrivait à accepter ce pouvoir, elle arrivait sûrement à mieux le contrôler. Pour le moment, la jeune femme était totalement désorientée et n’arrivait même plus à vivre normalement. Ces maux de tête chroniques lui provoquaient des vertiges et nausées et parfois même des pertes de connaissance. Elle n’arrivait plus à ce mettre debout, ni même à marcher. La seule position dans ces moments intenses était la position allongée. Mais qu’allait-elle faire si elle n’arrivait pas du tout à contrôler ce pouvoir soudain ? Etait-elle donc née pour ne rien contrôler ?
Elle passa par des moments d’intense solitude, avec des jours de dépression pour n’avoir ensuite qu’une journée de repos ou tout allait pour le mieux ; du moins cela paraissait aller mieux. Elle aurait tant aimée avoir quelqu’un à ses côtés et elle pensait souvent à Ingrid qui était partie trop tôt…
La solitude la brisait petit à petit dans cette petite cabane, et pourtant Ingrid ne lui avait en aucun cas dit que la solitude avait été un poids, bien au contraire. Et bien pourquoi la jeune femme n’arrivait-elle pas à faire le vide ?
Elle s’était enfin levée et marchait à peu près correctement. Elle était d’humeur à se balader un peu près d’un ruisseau, pas trop loin de la cabane au cas où ses maux de tête reviendrait brutalement comme ils en ont la fâcheuse habitude. Elle s’accroupit près du ruisseau pour se rafraîchir et se passer de l’eau sur le visage, lorsqu’elle vit une petite tête ronde poilue se refléter dans le ruisseau. Meridia se figea aussitôt pendant quelques secondes avant de relever la tête pour apercevoir un léopardeaux qui jouait avec l’eau. Apparemment, la présence de la jeune femme ne le dérangeait point. Il avait une belle fourrure cendrée avec des tâches foncées réparties sur le corps en forme d’anneaux. Il avait bien là toutes les caractéristiques d’une panthère des neiges. Il fit un roulé-boulé pour atterrir sur le dos et apercevoir son ventre blanc. Son regard croisa celui de la jeune femme et à partir de là, rien ne put les séparer.
Depuis l’arrivée du petit animal, étrangement ses mots de tête étaient moins réguliers, mais toujours aussi brutal. En quelque sorte, le petit léopardeaux l’apaisait, un peu comme le faisait sa harpe lorsqu’elle jouait. Cependant, le contrôle de son pouvoir était toujours très médiocre voire complètement nul. S’en était effectivement très épuisant.
Au bout de quelques semaines passées dans la cabane en compagnie de son familier, Meridia revint à la cour un peu plus sereine en prétextant à qui voulait bien l’entendre qu’elle avait été gravement malade. Ce n’était pas faux dans un sens, mais elle préférait garder secret son pouvoir pour que personne ne puisse se servir d’elle. C’était déjà assez difficile. Et puis désormais elle n’était plus seule, elle avait son familier à ses côtés. Soit, il était encore petit et il fallait l’éduquer, mais Meridia était ravie d’avoir un animal à ses côtés. Elle préférait aussi qu’il reste invisible aux autres pour éviter tous soupçons.
Ainsi elle repartit dans ce quotidien qu’elle haïssait en tout point. Elle aurait aimé sortir de ce monde, s’enfuir loin vers l’inconnu. Un monde où personne ne connaitrait son histoire. Hélas, rien ne marche comme on le voudrait. Elle ne sait d’ailleurs pas encore quoi penser de la prise de pouvoir d’Augustus, car même s’il parait gentil de temps en temps, il n’hésite pas à la rabaisser et l’humilier devant la gente féminine. Quoi en penser ? Pour l’instant, elle ne se soucie que d’elle-même, s’informant le plus possible ; et le destin décidera de lui-même…