InvitéInvité | Sujet: Maximilien de Séverac - Archives personnelles. Dim 17 Mar - 16:04 | |
| Lettre cachetée, à l'attention de la comtesse Ismalia de Séverac. Le pli porte une mention manuscrite: "A n'ouvrir qu'à l'annonce de mon décès" et signée de la main du comte.
"Mon amour.
Je ne sais guère par quoi commencer. Ah, les mots manquent, soudain, moi qui n'ait jamais su me taire, voilà que je ne sais quoi vous dire.
Si cette lettre est ouverte et lue, j'ai alors probablement disparu. La nouvelle de ma mort vous est sans doute parvenue, ma douce; ou bien êtes-vous sans signes de moi depuis si longtemps que cela semble la même chose. Ainsi suis-je loin de vous, ainsi ne suis-je jamais revenu pour vous.
Ah, quoi vous dire, ma chère, ma princesse, sinon que je me suis langui de vous bien trop longtemps? Les jours sans nombre auront passé sans doute, loin de vous, loin de vos baisers et hors de votre vue. J'espère avoir pu à tout le moins ramener nos enfants près de vous, et mon seul regret sera pour toujours de n'avoir pu mourir à vos côtés. Ne me pardonnez pas de ce crime, nul rédemption pour moi, pauvre hère, qui me suis soustrait à votre amour sans jamais y revenir. Je sais ma faute, je sais l'affront que je vous fait de vous laisser affronter seule tout cela. J'ai fui, lâche! Mais comprenez, de grâce, comprenez que je n'aurais pu rester ainsi plus longtemps. Je devais savoir, je devais chercher. Je vous sais compréhensive, mais je sais la colère dans vos yeux quand je vous avouai le soir venu ma décision de m'en aller.
Je vous fait perdre un époux, en plus de votre chair; je sais bien ma faute et je l'avoue sans détour. Mieux vaut demander pardon que permission mais pardon je ne demande point car la faute est là, et elle est mienne. Oh, belle amie, je vous écris encore bien vivant et là, et pourtant je sais que bientôt je serais rien de plus qu'une ombre, un souvenir, plus rien, peut-être? Souvenez-vous de moi, souvenez-vous de moi comme je porterai votre mémoire dans mon coeur jusqu'à mon dernier souffle. Ma dernière pensée sera pour vous, comment pourrait-il en être autrement? Chaque pensée que je formule s'épanche dans votre ombre.
Ceci n'est pas un testament. Vous connaissez mes dernières volontés, je vous en ai fait part; et oh, que de tristesse dans votre regard... Mais ainsi vont les choses, et je ne puis que faire en sorte de songer à toute éventualité. J'espère de tout coeur que vous n'aurez jamais à ôter le cachet du présent courrier et que ces mots resteront pour toujours lettre morte. J'espère jeter moi-même ceci aux flammes en revenant près de vous. Mais en ce bas monde, on n'est jamais sûrs de rien.
Ah, ma belle, mon coeur saigne de vous savoir bientôt loin de moi. D'un baiser veuillez apaiser ma souffrance, d'une étreinte emporter mes cauchemars. J'aurai tué cent fois pour vous revoir, ma belle; vous m'êtes plus précieuse que tout joyau, toute richesse, bien plus encore que ma vie même. Verser le sang, mien ou d'un autre, n'est qu'un sacrifice dérisoire pour contenter vos beaux yeux. Parlez, princesse, mon coeur est à vos pieds, et le sera toujours. C'est ainsi que je dépose, ici, quelques mots; ceci n'est pas un testament, ceci n'est presque rien. Je veux simplement partir, tout en sachant que vous aurez un jour si je disparais l'assurance ici même que jamais je ne vous aurais oubliée. Vous êtes tout pour moi, mon adorée et dussé-je endurer mille morts, je jure sur notre sang de tout faire pour vous revenir. Dans la nuit où j'erre à présent, vous êtes ma seule consolation, mon seul espoir, la lumière sur le senter obscur.
Ainsi dirai-je, ma douce, ainsi dirai-je que je vous aime, et si ce doivent être les derniers mots que vous recevez de moi, que ce soient des paroles d'amour, et non l'aveu de ma défaite. Mort peut-être, où que je sois, je sais bien que cela ne changera pas. Je vous aime, ma princesse, ma dame, au-dessus de tout. J'ai tant vanté votre beauté, j'ai tant chanté vos charmes, des secrets de la nuit aux soirs de poésie; que dire encore? Il y a plus de merveilles dans les joyaux de vos yeux que dans le ventre de la terre, et me revient encore votre regard qui chavire dans les jeux de l'alcôve, et le frisson de vos lèvres, et le parfum de votre peau. Je partirai le coeur léger, si c'est avec la marque de vos baisers; je ressens là encore leur brûlure, et ces liens que vous tissez de vos murmures me rattachent pour toujours à vous. Un fantôme de votre présence, toujours dans mes bras, et la tiédeur encore, et votre chair que je sens encore, et ne me quitte pas. Oh, je pourrais dans le noir vous dessiner toute entière tant je sais de vous chaque détail, et je partirai tout empli de vous, ma princesse, je partirai sans peine car je vous aurais pour toujours avec moi.
Allez en paix, ma douce, ma princesse adorée. Allez en paix, et vivez heureuse avant de me rejoindre au-delà. Je vous attendrai l'éternité durant s'il le faudra, je vous attendrai, sans languir, sans coup férir, je serais dans chacun de vos pas et si je meurs, oh, dame, si je meurs souvenez-vous bien de moi.
A jamais vôtre, pour toujours épris de vous,
Maximilien. "
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