(c) PommeErebor, ta terre natale… pour toi, Erebor a toujours représenté mille merveilles jusqu'à ce que tu t'enfuies…
Tu as vu le jour au beau milieu du désert alors que le soleil déclinait. Ton père t’a obligé à prendre ta première bouffée d’air, la sœur de ton père t’a confiée au bras de ta mère alors que ton frère était assis dehors, à attendre. Il attendait car c’était à lui de te nommer, comme vos parents lui avaient promis. Sésana, c’était le nom qu’il t’avait choisi. Il fut approuvé et tu fus nommée ainsi. Personne ne pouvait le savoir mais tu serais la première et seule fille, tu serais aussi leur dernier enfant.
Les premiers mois de ta vie ont été paisibles. Tu n’avais à te soucier de rien après tout. Tu as grandi, choyée par une famille nombreuse qui ne comptait pas uniquement des membres de sang. Et comme chaque enfant, tu as évolué dans ce monde qui t’était inconnu, que tu ne distinguais que rarement, protégée par les linges ou les tentes.
Tu as fait tes premiers pas pour rejoindre ta tante pour qu’elle te mène à ta mère qui n’était pas là. Tu as tendu les bras et tu t’es levée comme si tu l’avais toujours fait. Tu as marché et tu n’es pas tombée, bien décidée sur le fait que c’est ce qui devait être fait. Tu as enchaîné, quelques semaines plus tard avec ton premier mot et puis le second. Le nom de ton père, Merbal et celui de ta mère, Najya. Il a souri et t’as porté à bout de bras alors que ta mère vous regardait toute aussi souriante.
Après ça, ton frère en a sué sang et eau quand il était responsable de toi. Très vite, tu as compris comment courir et très vite surtout, tu as appris son nom. Il avait sept ans de plus que toi et tu le faisais tourner en rond le pauvre. Tu l’appelais sans cesse. Matho était devenu le mot que tu employais le plus souvent.
Mais tu as grandi… et on commença à t’enseigner ce que tu devais savoir pour survivre dans le désert, comme un jeu. Sésana la petite fille aux boucles noires emmêlées qui faisait rager son grand frère à la moindre occasion, jusqu’à ce qu’il s’en aille sans prévenir personne. Tu avais neuf ans quand c’est arrivé. Tu l’as vu partir pendant la nuit et tu ne l’as plus jamais revu. Tu pensais qu’il allait chercher un peu d’eau, tu étais bien naïve. Tu ne sais pas s’il est en vie mais au jour d’aujourd’hui, tu t’en fiche éperdument. Ton frère peut bien être mort, il t’a abandonné alors qu’il avait juré ne jamais le faire. Ta rancune à son égard n’a d’équivalent que celle que tu portes à tes parents.
Quoi qu’il en soit, tu l’as perdu ce jour-là et tu t’es retranchée, blessée, dans quelque chose qui t’apportait le réconfort, la danse. Avec ou sans musique, cela t’était égal. Ta mère t’encourageait bien entendu, ton père un peu moins… Quelque chose s’était brisée en lui depuis que ton frère était parti. Tu ignorais et ignore encore qu’ils en étaient venus aux mains après une dispute que tu n’avais pas entendue.
Tu as appris à te méfier du désert, tu as appris à t’en servir, tu as aussi appris à t’y repérer. Le plus problématique pour ton père étant que tu devenais une belle jeune femme, alors il t’interdit purement et simplement de danser quand vous croisiez d’autres nomades. Comme si la chose arrivait souvent... Tu n’avais donc pas de mal à t’y tenir même si cela te semblait idiot.
Malgré tout, un soir, tu t’es faufilée hors de la tente pour aller danser sous la lune. Personne ne te voyait, tu pouvais évacuer toutes tes émotions, tous tes sentiments, tu pouvais y mettre toute ton âme et ton cœur. Tu n’avais pas choisi le bon soir. Non loin, il y avait d’autres gens… et un de leur garçon avait eu la même idée que toi. La vingtaine, beau garçon. Il ne t’a pas approché mais il t’a vu et le lendemain, il demandait à vous rejoindre pour quitter le nid, chose qu’il aurait déjà dû faire selon toi. Tu ne comptais pas t’éterniser auprès de tes parents. L’ennui, c’est que bien vite, ton père et ta mère eurent d’autres projets pour toi et quand on t’annonça le jour de tes dix-sept ans que tu lui étais destinée, le soir venu… tu mis tout simplement les voiles. Tu embarquas un peu de pain, de l’eau, un peu de viande séchée et juste un tout petit peu de lait, un drap dans lequel tu emballas le tout et tu filas sans un mot.
Toi promise et puis quoi encore ? Tu réussis à aller bien assez loin pour qu’on ne te retrouve pas et tu finis par rejoindre Vivedune après plusieurs jours qui faillirent bien te coûter la vie. De Vivedune, tu décidas de quitter l’Erebor. Chose compliquée sans un fleuron, alors tu fis marché de la chose que tu faisais le mieux. Tu as dansé et le soir venu tu es partie pour Lagrance. Tu n’y restas pas bien longtemps… Tu en gardes d’ailleurs un mauvais souvenir car c’est là-bas qu’on t’a pris ton innocence sans ton accord. Tu n’as pu profiter que de l’inattention de tes… compagnons… pour filer et te glisser dans une caravane qui mettait le cap vers Ansemer.
À Ansemer, la chance ne fut pas tienne et la vie devint compliquée. Tu étais mauvaise voleuse, manger était donc compliqué sauf quand on te prenait en pitié. Te défendre l’était tout autant mais tu avais appris que les hommes étaient bien fragiles à certains niveaux, alors tu es devenue plus vicieuse. Tu dansais toujours pour espérer avoir un peu de quoi te nourrir mais qu’on te touche, hors de question. Tu appris donc toute seule qu’un seul coup bien placé pouvait mettre un homme à terre. Mais toi qui avais toujours eu un toit sur la tête ou du moins quelque chose au dessus de la tête, tu vivais désormais dans la rue, mal fagotée et pas très douée pour te défendre.
C’est dans une ruelle sordide qu’elle t’a trouvé… Savarna Chant-d'Ecume… Tu ne la connaissais pas, tu n’avais peut-être entendu son nom qu’une fois mais si tu savais une chose, c’est que c’était une pirate. La tenue, sa façon de se tenir et de te parler… Tu te sentais ridicule à côté d’elle, insignifiante et au ton de sa voix, tu avais sursauté. Elle pensait que tu te vendais et tu n’avais pu que te défendre sans pour autant la contredire. Ça n’était pas tout à fait faux après tout. Elle t’a embarqué, te demandant ton avis à moitié mais tu n’as pas protesté. Tu n’en avais pas l’envie, elle en imposait, tout simplement. Tu n’avais jamais mis les pieds sur un bateau et tu n’avais certainement pas le pied marin, toi, une fille du désert… On t’a décrassé, nourri, laissé dormir ton comptant et puis elle t’a demandé si tu voulais lui rendre service. Comme si tu allais refuser ! Tant que ça ne consistait pas à l’aider sur le bateau… mais ça n’était pas ça du tout, non, elle souhaitait que tu t’occupes de sa fille. Tu n’avais pas grande expérience avec les enfants mais tu ferais ce qu’il fallait. Alors elle t’a débarqué dans l’Archipel. Tu as appris à t’occuper de Lou-Ann et à lancer des couteaux mais tu n’étais pas particulièrement portée sur le combat, c’était… du divertissement tout au plus. Danser, tu as continué bien sûr, c’était en toi tout comme la piraterie était en Freyja, car oui, Savarna était quelqu’un d’autre…
La chose à laquelle tu ne t’attendais pas, c’était qu’un an et demi plus tard, Freyja débarquait, forcée de garder les pieds sur la terre ferme pour mettre un nouvel enfant au monde. Tu avais pris certaines de leurs habitudes et elle n’était pas ravie d’être coincée au sol. La demeure a retenti de nombreux jurons imagés jusqu’à ce que l’enfant vienne au monde. Tu te souviens de certains d’entre eux tant ils étaient marquants. Et la chose s’est à nouveau produite plus tard. Au moins, tu ne t’ennuyais pas au service de Freyja. Tu embarquais parfois avec les filles pour que leur mère puisse les voir. Inutile de dire que tu devais déployer des talents insoupçonnés pour garder les petits monstres. Dire que tout ça n’a pas déteint sur toi est faux. Si tu n’es toujours pas très douée sur un bateau, tu n’en es pas moins habituée à tout ça à présent. Marin des sables, traîne-poussière… comme t’appellent affectueusement Philippe et Freyja… Un peu comme eux mais pas tout à fait. Dans le fond, marin des sables te convient très bien.
Ta vie était tranquille, tu avais trouvé ta place, une famille même. Sauvée mais aussi élevée par elle. Tu as appris à lire et écrire pour pouvoir t’occuper des petites. Du moins… c’était ta vie jusqu’à ce que ta tranquillité toute relative dans ce monde de piraterie vole en éclat.
Tu as été clouée au lit, malade comme un chien galeux, une fièvre qui t’as fait halluciner. C’est ce que tu as cru au début du moins… Tu n’entendais plus rien, plus un bruit et tu as sombré dans l’inconscience pendant près d’une journée. Quand tu t’es réveillée, tu te sentais vaseuse et tout ce bruit t’as tellement effrayé qu’à nouveau, le silence s’est fait. Plus de petites qui crient et ça semblaient les surprendre. Ta frayeur a mis fin au phénomène et tu as mis un petit temps à comprendre ou du moins à admettre. La magie n’était plus censée être et voilà que tu te mettais à imposer le silence… Elle était bien bonne, enfin non, pas tant que ça puisque dans la foulée tu avais perdu tes sublimes cheveux noirs. Tu ne savais pas trop ce qui c’était passé mais tes cheveux s’étaient éclaircis. Pour une Erebienne, être blonde, c’était pas banal et tu le savais. La seule en Erebor était la fille du duc mais tu n’étais heureusement pas si blonde que ça.
Suffisamment changée malgré tout pour que tu te sentes obligée d’en parler à Freyja dès qu’elle remit les pieds sur la terre ferme. Freyja qui te regarda de la tête aux pieds, qui jura à moitié pour finalement te dire de rester sage et bien planquée. Là-dessus, elle te colla un sabre à la main et des couteaux dans l’autre. Son idée fixe était désormais de t’apprendre à te battre. Oh… au jour d’aujourd’hui, tu te débrouilles mais ton style diffère sensiblement… ça n’est pas correct, ni loyal, loin de là. Toi, tu dissimules des lames partout. Cheveux, corset, jupons, bottes… Pas très loyal mais efficace d’après les dires de Freyja alors tant que ça marche. Il n’empêche que le sabre, ça reste un problème.
Tu étais en sûreté à l’Archipel donc tu avais protesté mais elle avait tenu bon se prêtant volontiers à l’exercice alors que tu lâchais des bordées de jurons dès qu’elle te touchait ou te mettait à terre. Le tout, au plus grand amusement de ses filles bien entendu et du tien… un peu… tu le cachais bien. Quand elle repartit, la tâche fut confiée à quelqu’un d’autre. Tu n’avais pas besoin que Freyja apprenne que tu n’y mettais pas du tien. C’est que malgré tout, elle t’aimait bien et elle faisait ça pour toi.
C’est un de ces après-midi chargés en bleus et en estafilades que tu l’as remarqué. Un furet, tu en étais certaine, tu en avais déjà vu. Tu t’es assise négligemment, les fesses par terre et tu l’as ramassé. Il était blessé, sans doute affamé. Tu as senti que tu devais t’occuper de lui et tu l’as senti, cette petite bête a comblé quelque chose en toi. Tu savais que lui et toi, c’était un tout. Tu t’en es occupé, insistant bien sur le fait que cette bête était à toi. Tu n’étais pas exigeante mais ça… tu te sentais obligée de le signaler.
Tu ne savais pas à quel point tu tenais à cette petite bête mais tu te sentais responsable et à la fois indissociable. C’est un soir, quelques jours après l’avoir trouvé qu’il t’a donné son nom, Noar. Il t’a fallu énormément de temps pour comprendre qu’il était plus qu’un animal ou tout du moins de l'admettre, tu ne sais toujours pas bien ce qu’il est d'ailleurs. Mais vous commenciez à vous apprivoiser tous les deux, un peu comme si ça vous était nécessaire d’en passer par là.
Tu aurais aimé rester encore un peu à l’Archipel mais Philippe avait débarqué pour vous embarquer, toi et les filles. Léger problème, Freyja n’était pas au mieux et un nettoyage de taverne plus tard, tu apprenais que vous restiez-là pour le mariage de Louis et de sa dulcinée. Tu avais jubilé mais tu avais jubilé en râlant. Entre temps, tu avais réussi à mettre ton poignard sous la gorge d’un type un peu trop avide de mettre ses mains sur ta personne. Et bien oui… Freyja avait récupéré le bled, au moins pouvais-tu danser et faire rager tout en prenant ta revanche mais aussi en se mettant des fleurons dans les poches. Tu n’allais pas attendre sans rien faire que le mariage approche tout de même. Ça serait trop te demander et puis, ça te changeait des petites. Tu les adorais mais un peu de bon temps, ça n’avait jamais tué personne.
Tu craignais cependant pour Noar et pour toi, Lorgol était dangereux alors tu avais hâte que le mariage se termine. Quant à la taverne... Tu ne savais pas trop ce que Freyja en ferait.