Visiter les catacombes

Droite

Gauche

Salle des trophées

Le fauteuil

« Je ne crois pas que s'introduire par effraction dans le palais du roi de Sombreciel soit à proprement parler une judicieuse idée. Mais si. » Je tente de le rassurer. Personne n'oserait sortir un aveugle de force du palais, après tout, on le pensera seulement perdu, quelque chose du genre. On a déjà rôdé bien près du palais, pour évaluer les entrées et sorties possibles, et j'ai finalement opté pour les catacombes. Celles-ci sont étrangement aussi accessibles que toute autre entrée... et à mon sens bien judicieux, si on veut cacher quelque chose, ce sera là. « Prends une torche, sur le mur. Je suis aveugle, je te rappelle, c'pas une torche qui va m'aider. Si moi je veux voir. Tant pis pour toi. » Il réussit quand même à prendre la torche entre ses doigts, ceux de sa main gauche, et notre avancée dans les catacombes commence. Lentement, trop lentement à mon goût, et je suis tenté de prendre mon corps, son corps, pour aller plus vite, mais je dois bien le laisser agir un peu, ce galopin. Sa main droite est sur le mur, pour le suivre, mais le quitte quand il sent le couloir s'élargir.


Tu vois des embranchements. Puis le noir.


Il décide de tourner à droite – apparemment, de ce que je lis dans son esprit, que quelqu'un lui a dit que dans un labyrinthe, si on veut sortir, il faut toujours aller à droite. Je ne veux pas en sortir, je veux en trouver la solution. Il marmonne, quelque chose comme « Tais-toi, tu m'emmerdes et tu m'empêches de réfléchir »


Tu vas hurler dans ta propre tête, ton propre corps. Un seul mot et il se fâche, reprenant possession de toi sans fin, sans cesse. Tu peux sentir son pas se faire plus rapide, plus empressé, tes yeux qui voient, QUI VOIENT, chercher. Une porte,. Une trappe, un levier, un indice, jusqu'à ce que vous arriviez à un autre embranchement. Droite. Tu secoues la tête. « Non, gauche. » Il ne t'écoute pas. Dans un labyrinthe, vous devez aller à droite, pas à g... évidemment, c'est peine perdue. Il prend gauche et toi tu attends qu'il se calme. Chose qui se fait pendant cette longue marche, alors qu'il prend même le temps de t'appuyer contre un mur pour reprendre ton souffle. Tu bascules.


La chute est dure. Qu'est-ce qui se passe? J'ai échappé la torche de surprise et tout ce que je sais, c'est que nous sommes dans un autre couloir. Ces architectes cielsombrois sont... originaux. Ce palais est plein de passages secrets, de trappes... il doit y avoir ce que je cherche. Je sais, je le sens. C'est si proche et si loin à la fois. Nous avançons sans savoir où nous allons – je sais seulement que ce n'est pas le même endroit et que lorsque nous débouchons dans une pièce, je dois voir.


Tu comprends que vous êtes dans la suite de Castiel de Sombreflamme. Un lieu aussi richement décoré, aussi... étrange, aussi. Et aussi énervant, alors que des bruits de pas se font entendre. Rapidement, tu prends vers une pièce qui se révèle être une salle des trophées – et alors que tu désires te diriger vers les vitrines brillantes, désireux d'admirer la collection de bijoux et autres choses précieuses que le roi et ses ancêtres ont sûrement accumulé depuis la nuit des temps, il te dirige vers le fauteuil. Pourquoi? « Faut réfléchir avant d'agir, marin. » Réfléchir? Vous êtes dans la suite de Castiel, pas encore surpris, et vous devez réfléchir? Attendre que quelqu'un vienne vous surprendre, aussi, c'est ça? « Vas-y, si tu es si malin. »


Ce que cet homme peut être énervant. Je me suis assis dans le fauteuil, finalement, et lui boude, une main sur le bras du fauteuil et l'autre contre sa cuisse. Aveugle, il ne peut pas savoir ce qu'il peut bien avoir dans cette vitrine et moi... bah je n'ai pas envie de l'aider. Voilà. Qu'est-ce que? Je le sens tâter les broderies du bout des doigts, mais les cals de ses mains ne lui permettent pas de bien sentir ce que c'est. Ça a l'air rigolo, pourtant, tous ces motifs... ça doit ressembler à tout ce palais que j'ai à peine entrevu, le temps de quelques visions, de quelques regards mécontents. Quelque chose de grandiose, de fin. Il tente subitement de se relever. « Où vas-tu? On a assez pensé, tu crois pas? On part avant que quelqu'un nous trouve, pas envie d'tomber sur le roi lui-même. » Ses doigts cherchent encore à deviner ce qui est dessiné en relief. Attends, laisse-moi voir. Je ne lui laisse pas le choix, de toute manière.


Tes yeux, enfin voyants, se baissent sur le bras du fauteuil dans lequel tu es assis. Il voulait savoir, alors que toi, tu voulais partir. Ils détaillent, observent, et lorsqu'ils comprennent, ton corps échappe un rire à peine retenu. C'est... tout à fait à la hauteur du roi de Sombreciel. Une porte s'ouvre et tu sursautes brusquement – et tu redeviens aveugle.


Castiel de Sombreflamme. Ici. Là. Maintenant. Je sais qu'il nous regarde, alors que nous, on le fixe de nos yeux aveugles. Et alors que je m'attends à me faire chasser comme un malpropre, c'est plutôt une voix joyeuse, chaleureuse, qui m'accueille, ainsi qu'un étrange ronronnement de contentement : « Sire de Brunante, vous me voyez surpris! Je ne vous pensais pas amateur d'art. Ce n'est après tout pas en mer que vous devez voir les meubles les plus délicats. Un rire. Haha. Louis rit un peu, acquiesce de la tête sans savoir quoi faire de plus. Ce fauteuil a été conçu à Euphoria même, dans une boutique tout à fait exquise. Vous ne pouvez point voir, j'ai appris la triste nouvelle, mais savourez la finesse de cette broderie... »

Il me serre la main. M'invite à la Cour. Pour me... donner un fauteuil. Voilà. Pour me donner un fauteuil et ainsi marquer une nouvelle amitié entre les Brunante et les Sombreflamme, menée par l'amour du véritable art. Louis est trop tétanisé pour réagir, faire quoi que ce soit, et serre la main du roi avec sur le visage un faciès à l'expression indéterminée.

Non mais sérieusement.


Nous sommes dans la chambre que Louis a loué. Avec le fauteuil offert par Castiel de Sombreflamme, il y a peu de temps, et livré ici expressément. Mon écrin est debout devant, les bras ballants, et semble hésiter entre l'envie de le frapper à coups de pieds et de s'y effondrer pour pleurer. « Tout ça pour... » Sa voix s'étrangle. D'accord, on n'a rien trouvé, mais – « Même pas foutu de trouver tes reliques de merde ! Tu veux que je fasse quoi, avec ce fauteuil? » Je ne réponds pas. Je ne vois pas à quoi cela me servirait, voyez-vous, de répondre quoi que ce soit à cela. Parce qu'il a raison, en quelque sorte, et que je n'ai pas du tout envie de le reconnaître. Je l'ai senti, pourtant, je savais... elle est là, à quelque part, seulement, je ne sais pas... où... Il fixe son fauteuil, le devinant plus qu'autre chose, et retourne s'y asseoir en soupirant longuement. Au moins il a un fauteuil. Plutôt confortable, notons-le, ce Castiel de Sombreflamme a un don pour choisir les meilleurs matériaux. Et si le roi de Sombreciel a décidé d'être plutôt sympathique avec lui, peut-être pourrons-nous retourner dans son palais... je suppose qu'on ne perd rien à essayer. Qu'en penses-tu? « Je pense que tu peux aller te faire voir. »

Enquêter dans les jardins

Le Jardin des Roses

Les parterres au centre

Écarter les roses

La maman

Tant qu'à être ami avec le roi de Sombreciel, autant en profiter.

C'est ce que j'ai répété à Louis, jusqu'à ce qu'il COMPRENNE, jusqu'à ce qu'il finisse par m'écouter, par abdiquer et retourner au palais royal. Cette fois, par contre, pas question d'entrer, a-t-il sommé. De toute manière, les jardins du palais sont bien assez grands pour y cacher... n'importe quoi. Quoi que ce soit. De vivant ou de mort. « J'aime pas les fleurs. »Tu crois quoi? Que je suis poète? Nous n'aimons pas les fleurs. Et même les jardins embaument, ça reste... délicat. J'ai peur qu'il écrase une fleur, avec son corps pas toujours aisé à déplacer, surtout aveugle. « Laisse-moi commander. Non, le roi sait que je suis aveugle, donc vaut mieux pas que je sache me déplacer. Et il sait que tu es fou? J'pense pas que la folie soit mal vue, en Sombreciel. » Il a un point. Nous allons donc dans le jardin des roses – et là je dois voir.


Tu avances vers les parterres au centre de ce jardin qui porte évidemment bien son nom. Des roses partout, de toutes les couleurs, au parfum entêtant, dérangeant. Le tout est soigneusement taillé et les ombres qui cachent tout t'empêchent de voir le monticule de terre, t'empêchent de tenter d'y plonger les mains pour savoir ce qu'il peut bien y avoir. Tu écartes les roses sans douceur, ce corps ne t'appartient pas et celui qui le commande est brusque, et un coup de pelle sur ta main te fait reculer vivement. « MES ROSIERS! Si le roi vous prend à approcher ne serait-ce qu'une de ces roses, il vous - » Tu n'entends pas. Tu fuis sans savoir vers où, jusqu'à ce que tes yeux se voilent de noir.

Du noir du jardin.

Tu t'avances, tu hésites, tes yeux durs se posent sur des hérissons. « Si c'est pas mignon. » Tu détestes toujours autant ta voix sous son contrôle. Si froide. Si rude. Tu suis la mère hérisson des yeux, puis de tes pas, te demandant ce qu'il l'attire.  Finalement, elle se glisse sous un banc. Le feras-tu? « J'irai pas sous ce banc. » Tu tempêtes. Tu iras, c'est tout, c'était son idée de revenir ici, SON IDÉE, alors qu'il la mène JUSQU'AU BOUT.


Damné marin. Ça sent la terre meuble, les fleurs, et évidemment, il ne voit rien. Pas de hérisson. Idiot. Et nous allons pour ressortir quand un bruit de pas l'alerte. Oh ho. Ses longues jambes se replient et dans l'absence de sa vue, il écoute. Il écoute et entend Castiel de Sombreflamme parler, juste au-dessus de sa tête. Et chaque mot qu'il prononce nous plonge dans la confusion. Il a bien dit presque pas fait exprès? Il hoche la tête doucement et ne bouge pas qu'un centimètre, attendant que le roi quitte le jardin après la suite de son monologue adressé à Pénélope de Flauvaire. Un fou. Sombreciel a un roi fou. Ce qui ne change pas de tous les autres rois qu'ils ont eu, c'est sûr. Castiel se lève finalement du banc, sans remarquer que nous sommes dessous j'espère, et Louis s'autorise enfin à laisser échapper une longue expiration, ainsi qu'un grommellement bien caractéristique de son affreux caractère : « On s'en va. Pas envie de me faire tuer presque pas par exprès. »

Je suis bien d'accord.