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 "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe]

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MessageSujet: "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe]   "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe] I_icon_minitimeMer 3 Avr - 11:36




31 Septembre 802
 « Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame. »
"Il s'agissait ici encore de leur passé commun"
  • Nom des participants : Philippe Jedidiah & Vaas Lonero
  • Statut du sujet : Privé
  • Date : 31 Septembre 802
  • Moment de la journée & météo : La nuit est déjà tombée depuis un bon moment, l'air est doux, et la fin de l'été est agréable.
  • Saison 2, chapitre 1



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MessageSujet: Re: "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe]   "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe] I_icon_minitimeMer 3 Avr - 11:36

-Allez ! Dépêchez-vous bande de fillettes abandonnées ! Atteignons l'île avant la tombée du jour ! Plus vite!

Lorsque la Marie Sanglante voguait sur les flots, ça n'avait aucun égal. Une telle atrocité aurait due être acclamée comme la plus grande merveille de l'univers. Ce bateau que l'on savait sanglant, était la représentation même du mal. Amoureux de la torture, oui, amoureux de la mort, très certainement, mais pirates de cœur, assurément. Aucun membre de l'équipage, ici, n'était arrivé sur ce navire par hasard. Aucun n'était là parce qu'on lui avait demandé, aucun n'était là parce qu'on l'y avait forcé. Non. Ici, on était pirate car on aimait ça. Et être pirate ce n'était simplement se vautrer lamentablement dans une taverne, à attendre que les femmes vénales viennent vous caresser le torse en échange d'un peu de compagnie alors que vous tenez fermement, dans un élan incompréhensible, votre bouteille de rhum. Non. Être pirate c'était savoir tenir sur un navire en haute mer. C'était aussi écouter son capitaine, et ne respecter que son capitaine. C'était une mentalité, une façon de voir les choses toute particulière. Ça n'avait pas d'égal. Mais être pirate c'était aussi, et avant tout, être un homme sans pitié. Du moins, c'était ainsi que Vaas donnait sa définition de sa propre condition. Il n'était pas un membre particulier de la Marie Sanglante, ce n'était pas le Capitaine, ni même le Second, pour ainsi dire, il n'était personne de plus que les autres, et pourtant, on le connaissait. On le connaissait car il avait du cran. Un cran atypique, que l'on ne connaissait propre qu'à Vaas. Alors, certes, d'autres marins avait une sorte de fureur que beaucoup craignaient, et c'était en réalité le cas de tous les membres de la Marie Sanglante. D'une façon, ou d'une autre, tous ces loubars des mers étaient dangereux. Certains n'avaient plus toute leur tête, d'autres n'avaient aucun limite, certains même s'amusaient à les dépasser, et tous avaient cette même folie meurtrière qui les unissait sur un même vaisseau. Et ce vaisseau était rapide. Extrêmement rapide. Pourtant il n'était pas léger, mais son équipage était suffisamment bien entraîné pour savoir le manier à la perfection selon les ordres strictes et insultants du commander à bord, le Capitaine, celui qu'on ne pouvait pas défier tant sa prestance était grande. De tous, le seul que Lonero respectait, c'était bien lui.

On tira les cordes, on refait les nœuds, on lâche ce qui n'est pas nécessaire, on jette les restes à la mer, on décapite les derniers otages, on sort la grande voile et on rentre les petites, on alterne le gouvernail, et on n'oublie surtout pas de guetter l'horizon du haut du mat principal. Diantre, tout ceci était fatiguant, même pour un pirate habitué, quotidiennement, à ce calvaire des mers. Le retour était toujours plus difficile, car les marins étaient souvent fatigués par le voyage, certains étaient blessés après les abordages. Parfois même, la Marie Sanglante avait perdu des matelots après quelques semaines à flots. C'était, dans l'absolu, regrettable, mais c'était la vie qu'ils menaient, tous, sur l'océan et au fond, qu'un compagnon y passe ou non, ça ne changeait aucunement la vie des autres. Ils s'en fichaient, oui, mais c'était même plus profond que ça. Ici, pas de famille, pas d'amitié. On vit, on aborde, et on crève. Une routine somme toute amusante pour ceux qui savent l'apprécier. C'était le cas de la Marie Sanglante, et même un cadavre ne viendrait pas entacher l'euphorie meurtrière qui les animait au quotidien.

L'île dont parlait le Capitaine n'était nulle autre qu'une petite terre paisible, paradisiaque de l'Archipel. On oubliait souvent ce que signifiait « Archipel ». Ce n'était rien d'autre qu'un ensemble d'îles remplies de pirates. Vrai qu'aucune fillette du continent ne s'y était aventuré, est-ce qu'ils connaissaient au moins sa position ? Était-il possible de la connaître ? Qu'importe, au fond. Qu'importe car l'Archipel était difficile d'accès. Les flots étaient dangereux par là-bas, et il valait mieux être prêt à subir les foudres de l'océan avant de se lancer dans une telle expérience. Le Capitaine n'était pas n'importe qui. Il gérait mieux encore son équipage que ne l'aurait fait n'importe quel autre clampin d'Arven. Mais voilà déjà deux jours qu'ils naviguaient, deux jours qu'ils étaient à bout de forces, et même Vaas peinait à tenir la cadence. Pourtant, il le fallait bien. Pourtant, on ne s'arrêterait pas en chemin. Ce n'était pas permis, et on ne se l'autorisait de toute façon, pas.

Le soir tombait lentement sur cette partie du monde. Le soleil se reflétait sur chaque vague, donnant une teinte orangée digne de l'été qui se terminait lentement aux dires des autres. La Marie Sanglante ralentit alors. On ramena les grandes voiles, et on déploya les deux extérieures. L'île semblait se rapprocher d'eux aussi rapidement que la mouette qui volait vers eux. On gueulait sur le pont. Les gueules fracassés des quelques pirates de la Marie Sanglante s'agaçaient à ordonner aux petits nouveaux comment amarrer intelligemment. Les petits nouveaux, qu'on appelait le plus souvent les louveteaux, provenaient le plus souvent des autres navires. C'étaient des types qui n'avaient pas agis selon certains codes. Ils agissaient selon une autre volonté. Et cette volonté n'allait qu'avec la Marie Sanglante. Diantre qu'il était difficile de ne pas répondre à son instinct. Le Capitaine en avait pleinement conscience, et laissait ses hommes agir selon leur envie. On répondait encore au Roi des pirates, bien que ce fusse, selon Vaas, une calomnie d'être au pied d'un type pareil. Il écoutait les ordres, mais il ne respectait pas. Non. Un esprit libre n'avait d'attache qu'à ce à quoi il donnait de l'importance, soit la Marie Sanglante et son capitaine. Rien de plus, rien de moins.

-Baignez !
-BAIGNEZ!


On fit tomber l'ancre jusqu'au plus profond de la baie dans laquelle ils venaient d'accoster. La Marie était imposante, c'était le navire le plus terrifiant des environs. Rien que son apparence laissait sous-entendre ceux qui arrivaient. Et ça ne loupa pas.

Vaas posa pied à terre, il observa le quai avec un regard profond, distant, mais un sourire discret, amusé, et horriblement déstabilisant sur le visage. Il s'avança alors, en direction des hauts de la cité portuaire pirate dans laquelle la Marie s'arrêtait pour quelques jours.

-Oh ! Vaas!

L'appelé se retourna lentement, tout en continuant d'avancer. Il leva ses bras comme une interrogation et scrutta celui qui venait de l'interpeller. C'était un type épais, musclé, un peu enrobé peut-être, qui portait le doux nom de « Dorgn ». Une belle balafre venait habiller son crâne rasé, rond, sale.

-Quoi encore Dorgn ?
-Viens donc boire un coup, j'ai quelque chose à te proposer vieux requin des mers!


Autant Vaas n'était pas un type sociable, autant Dorgn était la seule personne sur le navire que Lonero pouvait apprécier de temps à autre. Il n'était agréable avec personne d'autre, il était plus que méprisant. Il était malsain avec l'équipage. On sentait que si il en avait eu la permission, il les aurait tous égorgé les uns après les autres. Non pas qu'ils soient particulièrement énervants ces pirates là, mais parce que Vaas faisait plutôt partie de ceux qui n'avaient plus toute leur tête, mais aussi de ceux qui n'avaient pas de limites, et qui continuaient pourtant à essayer de les dépasser, comme si ils en avaient eues. Il rejoignit l'autre boule humaine et ensemble entrèrent dans une taverne visiblement animée alors que le soir était bel et bien tombé. Ils s'installèrent sans dire un mot au fond de la pièce. Au milieu, les autres pirates gueulaient diverses chansons paillardes en compagnie de femmes dégarnies et de bouteilles à moitié vides. C'était une vision du pirate tout à fait dans les tons de ce que la plupart des habitants d'Arven s'imaginaient.

-Alors ?
-Tu connais Rockmort ?
-De nom.
-Il aurait trouvé une carte menant sur une île encore non-explorée. Ça t'intéresse ?
-Et pourquoi ça m'intéresserait ?
-Il y a deux choses dans la vie Lonero : être un louveteau, et être un pirate. Tu choisis d'être lequel?!


Vaas eut un rire discret, semblait-il amusé. Il détourna le regard quelques secondes, en se prenait la tête dans les mains. Osait-il se foutre de lui ? La musique, ou plutôt les voix rauques des ivrognes du coin se faisait de plus en plus forte, si bien que lorsque Vaas haussa le ton, on ne l'entendit pas. Sauf Dorgn. Le plus jeune des deux se hissa à la hauteur de l'autre, et lui glissa son couteau fétiche sous la gorge, sans même faire couler le sang.

-T'es qui pour me dire ça toi ? Qui es-tu ?! REPONDS ! REGARDE MOI!

Il éclata de rire, et se reposa sur sa chaise. Son rire était froid, il n'était drôle que pour lui-même. La situation avait de quoi faire rêver certains amateurs de phénomènes étranges. Vaas était en lui-même étrange. Il gardait le couteau à la main, et il scrutait le visage qui commençait à dégouliner de sueur de Dorgn.

-La prochaine fois Dorgn... je te jure que je t'égorge sur place.

Et il se leva, lentement, tout en rangeant son couteau d'un geste lent laissant filer la lame entre ses doigts. Il quitta la taverne du même pas tranquille, sûr, puis redescendit jusqu'aux quais qu'il longea pendant un moment, en observait la surface de l'eau. La mer semblait si calme vue d'ici... elle était pourtant si difficile une fois quelques kilomètres vers le large. Elle était en elle-même fourbe. C'était probablement ce pourquoi Vaas l'adorait.

Il ramena son regard devant lui. Un silhouette était posée, debout, droite, observant lui-aussi la mer. C'était un homme effectivement, rien qu'à la tenue. Et il semblait si familier à Lonero que cela en devenait dérangeant. Ce dernier jeta un coup d’œil derrière lui, personne. Autour, de même. Devant, ce type. Que devait-il en déduire ? Que c'était pour lui ? Mais non. Non. Car il savait pertinemment qui c'était celui-là. Il s'approcha, tel un ami, écartant les bras. Un sourire effrayant sur le visage, visage d'ores et déjà orné d'une magnifique balafre sur le côté gauche. Seules les lumières pénibles des lanternes l'éclairait.

-Philippe ! On se retrouve enfin vieux loup de mer!

Il n'y avait, semble-t-il aucune tension entre eux... et pourtant, du côté de Vaas rien n'était jamais aussi simple.

-Alors l'Audacia et la Marie Sanglante auraient baignés dans la même baie, dans le même port, sur la même île ? Quelle coïncidence...

Il s'arrêta à quelques mètres de l'autre, et continua à garder ce regard qu'on lui connaissait si bien. Oh ! Philippe était probablement celui qui en connaissait le plus sur Vaas, et c'était précisément ce que quoi il s'agissait ici encore : leur passé commun.
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Philippe Jedidiah
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MessageSujet: Re: "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe]   "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe] I_icon_minitimeSam 13 Avr - 7:36

Le claquement des bottes sur le pont de l'Audacia se faisaient plus pressés, moins doux et dans un sens, reflétaient l'esprit d'équipe indéniable qui régnait sur ce fier vaisseau. Le vent dans les voiles était parfait et la mer houleuse ne l'était finalement pas tant que ça quand on savait exactement les manœuvres qu'il fallait faire. En un mot, le voyage se passait à merveille et rien ne pouvait semblait-il entraver le chemin des pirates jusqu'à leur destination. Quelle était-elle cette destination ? Bien simplement celle sur le chemin de l'Archipel, il fallait bien s'arrêter de temps en temps. Philippe avait déjà poussé son équipage à faire tout d'une traite, c'était difficile, des conditions presque intenable et des vivres qui ne pouvaient tenir bien longtemps. En tous les cas, tout le monde avait besoin de faire une pause sur cette mer agitée mais au combien amie et rêveuse. Le regard au loin, cela faisait bientôt une semaine que Philippe avait vu sous ses yeux les terres d'Ansemer s'éloigner et avec elle ses trésors les plus cher qu'il avait été contraint de laisser à leur propre sort. Tout se passerait bien, il savait, mais toujours subsistait cette gène de ne pouvoir profiter de sa famille. Bien sur que ses hommes étaient important pour lui aussi, mais ce n'était pas la même chose. Tout le monde avait bien remarqué l'humeur légèrement changeante du capitaine. Mais bien sur, personne n'aurait eu l'idée de lui faire remarquer, pas même son second qui avait pourtant rarement la langue dans sa poche avec son vieil ami. Autant Philippe avait l'habitude d'avoir une sale humeur que ses hommes comprenaient et acceptaient avec le sourire, autant là il ne fallait pas jouer avec les raisons de ses humeurs. C'était bien simple. Et si quelqu'un s'y risquait, nul doute qu'il se prendrait une remarque bien sentit. Il restait un pirate avant tout et le capitaine de son propre navire, il faisait régner la loi et bien qu'il ne soit ni un tyran ni un violent naturellement, il ne laisserait personne lui jouer sur le haricot. Fin jusqu'au bout Philippe, pas vrai.

Adossé au bastingage, ce n'est pas lui qui tient le gouvernail, mais il surveille de son œil attentif ses hommes s'occuper du reste. Dans ses mains une carte. Ce n'est pas pour la direction à suivre immédiatement puisqu'ils savaient tous où ils allaient. Non, Philippe réfléchissait déjà à leur prochaine destination. Il allait de soit que ce serait l'Archipel, mais où exactement. Prévenir immédiatement Allistair des nouveautés d'Arven ? Nul doute qu'il le savait déjà, du moins pour la chute de l'Empire, la mort de nombreuses personnes et des évènements étranges qui se produisaient. Dans les faits, il devait savoir le gros des choses, mais les dragons, c'était différent. Peu de personne savaient et Philippe portait la lourde tache de le savoir et devoir l'annoncer et avec lui le danger que cela représentait pour l'Archipel. Le Roi comprendrait, sa décision serait nulle doute réfléchie même si le capitaine de l'Audacia n'avait pas idée de ce qui pourrait être décidé.

« Tu rêvasses Philippe.

-Absolument pas. »

Il relève les yeux sur son ami qui lui sourit. Un homme bien, qui savait utiliser les mots avec son capitaine. Une petite phrase, cette amitié de pirate qui transcendait le temps et l'espace. Une confiance aussi forte que le bois des mats du navire.

« Nous arriverons en début de soirée sur l'île. Combien de temps y restons nous ?
-Peu de temps j'en ai peur.
-Qu'est-ce qui te tracasse temps Philippe ? »

Repliant la carte sur la table, le capitaine de l'Audacia ne répondit pas immédiatement. Alerté pour des histoires comme ça n'était pas nécessaire. Il n'était plus simplement question de Freyja et des filles, c'était plus compliqué, bien moins simple. Grattant la naissance de barbe qui poussait sur la peau de son visage, il posa sa main sur la barre, écartant son second sans un mot. Pourtant celui ci était resté à ses côtés, fidèle à son poste.

« Tu le sauras bien assez tôt je pense. »

Il ne parlait pas d'un cas particulier, il annonçait juste que bientôt cette histoire de dragon ne serait plus un secret pour personne. D'ailleurs, si l'on creusait un peu plus dans cette histoire, tout cela finirait par être évident. Finalement, seul ceux qui avaient été présent lors du mariage pouvaient le comprendre plus ou moins. N'était-ce pas affreux de se dire que des personnes abandonnaient leur liberté au profit d'un pouvoir plus grand, d'une espérance, d'un vœu... mais s'offrir aux dragons était selon Philippe une grosse erreur. Il était le genre de personne à croire en sa propre force et qu'avec assez de volonté et de force propre, on pouvait obtenir soit même ce qu'on voulait. Il n'était pas idéaliste pour autant, mais il fallait parfois croire en la folie pour ne pas désespérer. C'était ça les pirates. L'on pouvait représenter ça par une tempête en mer. Mais dans le genre une tempête violente, un ouragan, voire quelque chose d'encore plus fort. Là où même le ciel n'était plus qu'un amas de nuages noirs uniformes bourrés d'éclairs prêt à déferler sa colère sur les pauvres vaisseaux prisonniers d'une mer déchainée. Dans ce genre de cas, le marin à peu d'espoir, mais le pirate sait qu'il peut s'en sortir, parce qu'il croit en son vaisseau et son équipage. C'était une étrange façon de voir, mais Philippe avait déjà vécu cette situation au cours de ses nombreux voyages, et voilà le résultat, l'Audacia était toujours là, fier et fort sur la mer, sa réputation le précédent de quelques longueurs.

Le ciel avait justement commencé à s'assombrir, tendant à revêtir sa parure de nuit, dénué de nuage. Le temps était encore clair, c'était très agréable, et la chaleur des derniers jours de l'été se faisaient ressentir malgré le large de l'océan. Les mouettes battaient des ailes un peu plus en hauteur et depuis quelques minutes, la silhouette d'une île se formait à l'horizon. Silencieux, Philippe restait le grand capitaine veillant sur son équipage, ses enfants en quelques sorte, tel un père qui veille à ce que tout le monde aille bien. Pour lui c'était clair, il était capable de tout donner pour qu'aucuns de ses hommes ne se fassent tuer, en échange il attendait la fidélité et la parfaite obéissance. Et jamais il n'avait eu à se plaindre de cet équipage dont il était si fier. Jamais... peut être que si finalement, mais ce n'était que le passé, rien ne ramènerait ce temps révolu et c'était dans un certain sens tant mieux.
La baie immense de l'île semblait déjà abriter un autre navire pirate. D'un regard, Philippe su que cette silhouette n'était pas une bonne augure. La Marie Sanglante. Entre eux, les fiers sujets du Roi des Pirates n'avaient pas le droit de se faire la guerre, de s'entretuer et tout ce qui allait avec. Le capitaine de l'Audacia approuvait cette règle, parfaitement, mais il avait un fort doute concernant son homologue de la Marie Sanglante. Quand on connaissait la réputation de ses tueurs sans scrupules, il y avait raison de douter. Cela dit, il se devait de rester un respect mutuel. Aussi, rien ne retient Philippe et son équipage à mouiller au port de cette île.

Pied à terre, le capitaine de l'Audacia se retourna vers ses hommes.

« Vous savez ce qu'on vient faire là. Faite attention, certains ici seront moins attentionné que vous. »

Pas d'inquiétude à avoir là dessus, ses pirates n'étaient pas des tendres. Quoiqu'on en dise, même si ils préféraient ne pas faire de victimes inutiles, l'Audacia restait un bateau de pirate, de pilleur, de tuer et d'aventurier qui ne reculaient devant rien. Et Philippe en était la parfaite représentation.

Debout devant les quais, le regard sur la mer, il songeait. Étrangement seul, il n'était pas prudent pour un capitaine de s'aventurer sans escorte. Et pourtant il en fallait plus pour effrayer le vieux pirate qu'était Philippe. Son épée d'ailleurs pendait fièrement à sa ceinture, et sa main avait trouvé le chemin de la garde sertie de pierres précieuses. Même si il semblait ailleurs, il était bien là, attentif, le regard perdu mes les oreilles aux aguets. Les bruits de pas qui venaient vers lui ne lui échappèrent pas. Il se retourna, détaillant la silhouette d'un homme aux lueurs des lanternes brillant faiblement. Une homme qu'il n'avait pas cru revoir et qu'il croyait mort d'ailleurs.

« Vaas. Quelle surprise. »

Démontrait-il qu'il était content de le voir ? Non, pas objectivement. Et pourtant, ça ne déplaisait pas à Philippe de revoir une personne qui avait, pendant quelques temps, partagé la vie de son équipage sur l'Audacia. Peu de temps cependant, car quand on savait ce qui c'était passé, il n'avait été guère possible de considéré Vaas encore comme l'un de ses pirates. Trop différent, trop fou aussi. Trop de choses qui ne collait pas avec les règles de la fierté des mers, aussi il avait été nécessaire de le renvoyer. Philippe savait que malgré ce sourire, au combien faux, Lonero le détestait. Il n'avait jamais accepté ce renvoi. Qu'était-il devenu depuis ? Et bien il était resté un pirate, et semblait-il avait trouvé la famille qui lui correspondait.

« Force est de constaté que les coïncidences ne sont pas toujours tournées en notre faveur. Je vois que tu as vite trouvé un nouvel équipage. »

Ce n'était aucunement un compliment. Même si Philippe appréciait toujours, dans un certain sens, Vaas, il ne pouvait accepter cette violence qu'il représentait. Une force brute perdu au tréfonds de son propre esprit. C'était dommage, mais lorsque le capitaine de l'Audacia l'avait rencontré la première fois, quand ce n'était qu'un gamin, il avait toujours senti que Lonero n'était pas foncièrement net. Il n'avait pas eu une enfance commune, il fallait le dire, mais on ne pouvait pas toujours trouver des excuses à tout le monde.

« Comment vas tu ? »

Une manière détourner de demander si il était encore fou ? Toujours aussi violent ? Ou peut-être cela intéressait-il vraiment Philippe, lui même n'était pas totalement décidé sur le bien fondé de sa question.
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MessageSujet: Re: "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe]   "Donne moi tes raisons, que je sorte ma lame" [Philippe] I_icon_minitimeDim 12 Mai - 8:09

Vaas, une surprise ? Il y avait là de quoi rire, ou bien de quoi s'inquiéter. Car si Philippe connaissait Vaas suffisamment bien pour savoir que ce qu'il disait là tenait plus de la vérité générale que de la remarque intempestive, ce n'était pas le cas de tout le monde. Oui, Vaas était une surprise. Tant d'un point de vue caractériel que physique. Il était tout sauf prévisible tant il était instable et dégénéré. Les années passées sur les flots l'auraient changé à ce qu'on racontait sur le pont supérieur de la Marie Sanglante, sa nouvelle famille. C'était une sacrée surprise celle-la aussi. On n'avait pas prévu un tel pirate sur le navire, on n'avait pas prévu son arrivée, et on ne prévoyait assurément pas son départ. Lonero savait se rendre utile, presque indispensable, et nul doute que pour mener des troupes, il était un chef charismatique, audacieux et talentueux. Il n'avait jamais pu étudier les Arts de la Guerre, et c'était dommage, mais il avait ça dans le sang, il était fait pour combattre. Il était né avec le couteau dans la main, avec le sang sur les doigts, avec la mort sur la conscience. Qu'était-il, sinon rien ? Aux yeux du monde, Vaas Lonero n'était personne, il n'existait même pas. Le continent n'avait cure de sa présence sur la planète, et les pirates eux-mêmes attendaient qu'il trépasse, passe son chemin, ou prenne le pouvoir. Il n'était rien, et il en jouait. Quoi de plus difficile à appréhender que ce qui n'est pas considéré ? Le pirate n'était pas un grand intellectuel, loin de là, mais il n'était pas abruti non plus. Il savait comment parvenir à ses fins. Un gars rusé disaient certains. Vaas voyait là une simple façon de survivre en territoire hostile. L'Archipel était un endroit magnifique à n'en pas douter, c'était somptueux, sans égal, une véritable maison pour tout pirate de conviction, mais il régnait, cependant, sur chaque île, une atmosphère propre à la communauté y résidant. La mort, parfois, la torture aussi. Les pots-de-vin, les alliances, les complots, et la violence, encore et toujours. Car le monde des pirates était bien varié. Rien à voir avec ce que l'on pouvait lire dans les contes du continent, oh non ! On croisait de tout ici. Aussi bien des pirates fiers et élégants, comme ceux de l'Audacia, que des barbares assoiffés de sang comme la Marie Sanglante. Entre les deux, ça se valait plus ou moins, et on n'était, justement, jamais sûr de ce que l'on pouvait trouver. C'était en ce sens que Vaas était imprévisible, imprévu, car il n'avait d'allégeance qu'à lui-même et à son bon vouloir. Fier d'être de la Marie Sanglante, il restait un pirate solitaire au fond, et nul doute que si il devait s'éloigner du reste, il le ferait. Il n'avait pas peur d'être seul, car cette peur là, il ne la connaissait que trop bien. Il l'avait longtemps côtoyée, et aujourd'hui, il se servait de cette épreuve douloureuse pour remonter la pente, peut-être même pour parvenir au sommet si il le pouvait. Il n'avait besoin de personne, il était une surprise, et tout ça, Philippe en était bien conscient.

-Faut croire.

Il baissa les bras lentement, et les plaça derrière sa nuque, en croisant les doigts, dans un geste tranquille, relaxant. La nuit était fraîche, une légère brise océanique venait lécher son visage, et il appréciait ces ténèbres flottant sur l'eau. Il ne regardait plus Philippe, peut-être car il n'en avait rien à faire, ou simplement car il ne voulait pas s'agacer trop vite. Philippe, lui, qui avait osé le renvoyer du navire. Chien galeux lui aurait crié Vaas. Mais il savait qu'en l'attaquant verbalement, il ne pourrait se retenir de passer aux poings. Car ainsi fonctionnait Lonero. Un compte à rebours ne fonctionnant que sur le principe de la violence gratuite. Non, il ne cherchait pas d'excuses, il s'en fichait éperdument. Ce que désirait Vaas par-dessus tout, c'était cette menace constante qui planait au-dessus de chaque tête en sa présence. Il avait prêté serment de suivre les règles des pirates, et si il n'était pas contraint, par lui-même, à une autre loi, il le ferait. Cependant, il savait qu'il n'était pas net. Il savait qu'il faisait peur, au moins à ceux n'ayant pas assez de poids dans le pantalon pour s'opposer à lui. Il savait qu'il pouvait tuer, il l'avait déjà fait, et qu'il n'aurait aucun remords, aucun scrupules. Lonero n'était pas comme eux, il était différent, et il ne laisserait jamais quelqu'un lui dire le contraire. Sa différence était ce qu'elle était, on pouvait l'apprécier, ou non – et généralement on ne l'appréciait pas – mais il était loin de s'inquiéter du jugement des autres. La vie elle-même lui avait démontré petit à petit qu'il était préférable de s'inquiéter de soi plutôt que des autres. Car les autres nous déçoivent toujours.

-Vite n'est pas le mot. Mais j'ai su m'intégrer... à ma façon.
Il avait osé le tout pour le tout ce jour là, pour rejoindre l'équipage de la Marie Sanglante. Il avait provoqué, il s'était illustré comme l'espèce d'illuminé qu'il était. Ça gênait. Il gênait, car il n'avait pas peur du reste du monde, ni même de lui. Il n'avait peur que d'une seule chose : c'était de la mer. Mais là venait un problème plus complexe, plus difficile à saisir puisque c'était le fondement même de son amour pour cette dernière. La mer était sa mère, et la mer était sa seule et unique appréhension. Il guettait toujours l'eau, car il y voyait la fourberie même du Mal. Et qu'était-il, lui, sinon une autre forme du Mal ? Une forme humaine, oui, mais un Mal tout de même qui se voulait répressive et inquiétante. On aurait mieux fait de le tuer d'un coup d'épée à sa naissance plutôt que de le laisser vivre, mais l'erreur fut faîte, et aujourd'hui, c'était à tous ces chiens de payer leur inconscience. Alors, oui, il avait retrouvé un équipage, et ce ne fut pas de tout repos. Il avait dû impressionner pour rester, il avait dû s'imposer comme un dur à cuire, comme celui que l'on n'embête pas, comme celui que l'on craint. Car si le capitaine et son second créchaient dans de belles cabines, le reste du groupe de pirates, lui, dormait ensemble dans les cales, et c'était peut-être l'endroit le plus dangereux de l'Archipel, sinon du monde. Et Vaas avait frappé, plusieurs fois, pour se faire entendre, pour se faire comprendre, pour être craint, tout simplement. Et bien que les membres de l'équipage de la Marie Sanglante ne soit pas impressionnable – tout simplement – il avait réussi à montrer que lui non plus, et était, aujourd'hui, l'un des leurs à temps plein.

-Comment vais-je?

La question avait-elle du sens aux yeux de Vaas ? Il n'aurait pas su répondre. Il n'était même pas sûre de ce qu'il devait dire, de ce qu'il devait penser à ce moment précis. Comment allait-il ? Bien, mal ? Qu'importe au fond ? Il ne s'était strictement jamais posé cette question, et voilà que c'était Philippe, ce vieux Philippe, qui parvenait à lui foutre une colle. C'était osé. C'était même provoquant, mais c'était fin et délicieux tant Vaas n'avait jamais ressenti cela auparavant. Il tourna la tête lentement, posa ses yeux noirs sur Philippe, et laissa retomber ses bras le long de son corps. Lonero avait des bras épais, il était musclé, et sa tenue ne pouvait faire que ressortir ses muscles massifs sans qu'ils ne soient gênants. Il avança d'un pas tranquille, décidé, fier. Il contourna Philippe en le fixant longuement. Vaas réfléchissait, oui, mais il analysait aussi, et il appréhendait la suite des événements.

-Je pense que je vais bien. Je pense aussi que ma santé elle est bonne, mais qu'il en est tout autre pour mon esprit. Je pense, à juste titre Philippe, que d'être ici me pourri de l'intérieur, car la cohabitation n'est pas faite pour moi... ou peut-être est-ce simplement les appréhensions de tes marins qui me font frémir d'impatience de les croiser ? Quoiqu'il en soit, que j'aille bien, ou mal, je crois qu'il serait plus intelligent de demander à eux, à ceux que tu as mené ici, si ils vont bien. Car tu sais qui je suis, et tu sais avec qui je suis venu. Tu sais aussi que nous sommes sur une île excentrée du reste de l'Archipel, et tu sais que les rues sont sombres. Tu sais aussi que nous avons passés deux mois en mer, et que nous sommes à soif de... revivre ? Mais... moi je vais bien Philippe.

Il arrêta de marcher sur le pavé humide du quai et continua de fixer son ancien capitaine avec un regard à la fois amusé, fourbe, menaçant, et serein. Un regard qui en disait long sur sa santé mentale et sur sa capacité à improviser à tout moment. Il allait bien, oui...

-Et toi... comment vas-tu?

Mais il était encore fou.[/justify]

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