Les derniers jours avaient été éprouvant. À vrai dire, il n'était pas certain d'avoir connu de pire moments comme ceux là depuis ses premières années passées à la cour de Lorgol et accueillir à chaque jours les moqueries et insultes des nobles repoussés par son ascendance honteuse. Les choses étaient pourtant bien différente, et si l'on avait du dire à Hiémain un jour qu'il aurait à souffrir d'un chagrin d'amour il aurait sans doute rit avec dédain et mépris, lui qui n'avait eut pour ce sentiment que peu d'intérêt. Bien sur, tout cela c'était avant de connaître Mélusine et d'accepter une bonne fois pour toute ce qu'il ressentait vraiment pour la jeune femme. Et pire encore, il avait fallu qu'il comprenne trop tard, quand celle-ci faisait le choix d'épouser un autre qui avait su – à son grand regret – prendre soin d'elle dans les moments difficiles là où il n'avait rien fait. Rectification : qu'il n'avait pu rien faire. L'ignorance est une arme redoutable et un fléau impitoyable, et sans s'en rendre compte véritablement, Hiémain était tombé dans son piège et fini comme sa parfaite victime. S'il s'était attendu à un refus de la part de Mélusine lors de sa rencontre avec elle deux semaines plutôt, il avait encore beaucoup de mal à le supporter et même à l'accepter. Il avait mal, il souffrait à chaque jour un peu plus et l'envie de continuer à avancer ne trouvait grâce à ses yeux. Depuis déjà quelques temps, l'on ne voyait plus le baron de Sylvamir se présenter aux réceptions de la cour de Nightingale, attisant par là même les racontars et l'étonnement des divers nobles de l'assemblée qui avait toujours vu en lui quelqu'un de fidèle au poste et toujours présent lorsqu'on avait besoin de lui. Et pourtant, déjà une semaine s'était écoulée depuis qu'il était de retour dans le pays et qu'il s'était cloitré dans ses appartements sans aucune explications et au grand étonnement de ses domestiques qui n'avaient pu lui faire cracher le morceau sur la raison de cette soudaine envie de solitude. Tout le monde avait pourtant bien vu ses yeux cernés, son teint dénué d'éclat et l'aura de tristesse qui l'entourait presque constamment. On ne connaissait certes guère Hiémain comme un homme avenant malgré son attitude et ses bonnes manières parfaites, mais cette fois-ci il avait clairement fait comprendre son refus de voir quiconque, et ce depuis sept jours complets. Il s'était renfermé et les quelques personnes qui avaient passé la porte des appartements s'étaient froidement faite rembarrées et n'y étaient pas revenues malgré l'aspect pressé des affaires à régler. Que lui importe, il n'avait plus envie de s'en occuper. Il n'avait plus envie de rien, il ne voulait voir personne et encore moins avoir à discuter politique et gestion... par toutes les puissances, qu'on daigne le laisser en paix, il n'était pas d'humeur et ne risquait pas de retrouver celle-ci dans les semaines à venir si la situation restait telle qu'elle.
Il était déprimé. Cela résumait très bien. Pas déprimé de cette manière grotesque à vouloir combler les vides par d'infamantes manières et blagues de mauvais goût autour d'une compagnie qui ne plaisait guère. Non, cette déprime qui était loin d'être passagère et qui plongeait le sujet dans un état quasi second, si bien que Stellaire et Obéron réunis n'avaient réussi à faire décrocher deux mots à Hiémain qui ne cessait de ressasser ces souvenirs de cette fameuse soirée. Il avait d'abord été très énervé, plein de rage et de colère envers Mélusine d'abord, puis Denys, et finalement contre lui même. Il avait ensuite été triste, et encore, il semblait que le mot soit un peu faible pour décrire l'état dans lequel il s'était retrouvé une fois ses appartements devant lui et la solitude l'accablant de toutes parts. Il avait bien entendu ses deux protecteurs lui dire de se joindre à quelques réceptions pour se changer les idées, mais rien n'était parvenu à véritablement faire envie à Hiémain, et résultat des courses, il n'avait pas bougé. Et lorsqu'une semaine fut écoulée, il lui semblait être dans état proche du néant, sa barbe avait poussé et l'on pouvait attester n'avoir jamais vu le seigneur de Sylvamir dans un tel état. Il fut heureux de se rendre compte qu'il ne sortait pas du lit quand la porte de l'entrée de ses appartements claqua, et qu'il ne fut pas non plus en pyjama – fallait pas pousser non plus – pour accueillir l'invité de marque qui s'invitait jusqu'à lui sans... lui demander son avis. Mais lorsqu'il s'agissait de Castiel de Sombreflamme, l'on cessait de s'en étonner. Malheureusement, on ne pouvait pas dire que Hiémain accueillait la présence de sa royale majesté avec beaucoup de plaisir, moins encore lorsque celui-ci sauta les deux pieds dans le plat pour évoquer le sujet qu'il ne plaisait guère au baron d'entendre. Et encore une fois, ce n'était pas surprenant. Ce qui le serait sans doute, c'était le peu de conviction que mit le baron dans sa réponse, assit négligemment sur l'un des canapé, l'œil toujours aussi fatigué et l'envie de faire quoique ce soit toujours aussi éloignée.
« Non pas que l'envie de voir le palais d'Edénia flamber me soit déplaisante, j'ai le regret de vous dire que je n'ai aucune intention de participer à ce projet, intéressant certes, mais qui ne me concerne aucunement. Je n'ai aucune envie de risquer les affaires politiques de Nightingale pour la dame de Séverac. Je suis navré que vous ayez fait tout ce chemin pour rien. »
Parler de Mélusine était clairement la dernière chose dont il avait envie. Penser à elle, son visage, sa voix, les souvenirs qu'il partageait... et cette dernière nuit où ils s'étaient vus... non, il ne pouvait y repenser tant la douleur était intense. Non, il ne voulait pas refaire face à tout cela, il avait parfaitement compris le désir de Mélusine de ne jamais le revoir. Après tout elle avait menti et c'était sciemment détournée de lui tout en portant sur sa personne tous les maux du monde. La colère lui revenait, et avec elle cette envie irrépressible de tout envoyer bruler. Non, il ne participerait pas, quand bien même cela ne plaise pas à sa majesté Castiel. Il ne voulait plus souffrir. C'en était trop.
« Vous devriez partir Castiel, je ne suis pas très bien ces dernières semaines. »