(c) Hallow Art

Le petit Hiémain regarde l’étalon se débattre sous les cordes des palefreniers, qui tentent de maîtriser la bête en colère. La puissance de ses membres lestes le fascine et l’enfant grimpe sur la clôture de bois, son épée de bois dans la main. Plus loin, son frère Siegfried joue avec d’autres gamins. Quelques minutes plus tard, il l’entend l’appeler, alors que Hiémain a toujours les yeux rivés sur l’animal. Contrairement à son frère, il arrive que ces jeux guerriers le désintéressent subitement. Le petit daigne tout de même fixer Siegfried, qui accourt avec les autres enfants. Souvent dans sa tête, Hiémain peine à s’intégrer pleinement parmi les jeunes de son âge. La plupart se battent et vantent les Ducs tandis que lui reste bien silencieux là-dessus. Il n’a pas leur verve, mais cela ne l’empêche pas de les aimer. Et puis, il n’est pas de leur sang et il le sait, mais les Nibelungen l’ont aimé comme un de leur fils. Pour cela, le petit leur voue un amour sans bornes. Mais il commence à se poser des questions et aimerait bien que sa famille adoptive l’éclaire sur ses origines. On a beau l’accepter, certains chuchotent sur son compte. Quelques fils de noble se montrent même désagréables à son égard. Hiémain, malgré son jeune âge, n’est pas dupe. Dans ses silences, il observe et pense. Son cerveau fonctionne à toute allure et des réflexions de toute nature ne cessent de pleuvoir dans son esprit.

Pour rire, son frère le pousse en bas de la clôture et le nargue de son épée de bois. Un sourire se dessine sur le visage délicat de Hiémain et joueur, il se jette sur Siegfried pour se bagarrer avec lui. Il a beau parfois être dans son monde, le petit garçon a besoin d’échanger quelques coups non dangereux avec ses comparses masculins. Les deux frères rient alors que les autres gamins les encouragent de vive voix.


« Ces terres sont à toi Hiémain. Tu es le dernier de leur lignée. Elles te reviennent donc de droit ». Le vieux Edvard Nibelungen, perché sur son palefroi docile, observe Hiémain de son regard fatigué. Ils ont chevauché plusieurs minutes pour venir jusqu’ici, mais malgré sa vieillesse, Edvard respire encore l’énergie. Hiémain devenu homme le fixe longuement, sans doute troublé de constater qu’il possède tout cela. L’animosité que les gens jugeaient immuable entre les deux branches s’est enfin calmée, perturbant sans doute le jeune homme qui la croyait aussi éternelle. Le vieux noble se rappelle cette soirée où Hiémain avait demandé qu’on lui explique tout. Il n’avait que 7 ans à l’époque, mais Edvard savait que le petit était d’une sensibilité et d’une intelligence remarquable pour quelqu’un de son âge et qu’il était prêt à comprendre son histoire. Près du feu, il lui avait narré ses origines et le conflit qui avaient noirci les coeurs des deux branches familiales de Sylvamir. Le petit s’était tout de même renfermé davantage après ces révélations. Aujourd’hui, c’est un Hiémain encore plus distant qui se retrouve à ses côtés, mais Edvard sait qu’il prendra les bonnes décisions. Il a toujours eu de bonnes intentions. Hiémain pousse son cheval au pas, désireux de parcourir ses terres. Néanmoins, Edvard sent que son fils ne s’emporte pas autant en liesse qu’il ne l’aurait cru. Il est songeur, comme si certains tracas lui taraudaient l’esprit. Edvard saisit peu à peu que ce n’est peut-être pas ce qu’il souhaite. Même si c’est lui qui l’a élevé, il sait que Hiémain est imprévisible et c’est pourquoi il décide de ne point avancer de scénario. « Père, bien que je les ai obtenus suite à un triste dénouement, c’est un cadeau inespéré pour mes 20 ans que d’êtres maintenant maîtres de ces terres. Mais surtout, c’est un soulagement immense de savoir que ma lignée pourra enfin vivre en paix ». Un sourire flotte sur les lèvres d’Edvard; l’équilibre dans tout, un désir qui a toujours animé son fils adoptif, malgré sa naissance aux circonstances chaotiques. Il ose tout de même poser la question qui lui brûle les lèvres: « A voir tes traits ainsi troublés mon fils, je présume que tu avais d’autres plans ? ». Le vieux noble avait dit cela d’un ton dénué de venin. Hiémain baisse le regard et un sourire minime fend ses lèvres. Edvard le connait assez pour savoir que quelque chose occupe ses pensées en ce moment. « Il est vrai que je n’avais pas songé à cela comme possibilité. Mon coeur me porte vers Lorgol, là où je pourrai trouver ma place et me comprendre un peu plus. Je vous demande conseil Père. Que feriez-vous à ma place? ». Edvard émet un rire et se penche un peu plus vers son fils: « Tu laisseras un bon nombre de femmes en pleure si tu pars cher Hiémain, mais ce qui importe, c’est ce que tu veux réellement. Pars à Lorgol faire honneur à ton sang si c’est ce que tu souhaites ». Le jeune homme regarde son père adoptif, plus soulagé. Ainsi, il fera les démarches pour trouver un intendant apte à gérer ses terres en son absence. Néanmoins, Hiémain espère qu’il trouvera sa place là-bas et qu’il aura les réponses à ses questions.

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Le jeune noble fixe le Fils de l’Ombre, émeut que ce dernier se retire après tant d’années de service. Il l’avait annoncé à tous hier et nombreux l’avaient applaudi pour ses bons services. Aujourd’hui, il avait demandé à le voir et Hiémain s’était donc présenté quelques minutes plus tôt. Maevin, simple fils d’un riche marchand, a gravi noblement les échelons de la guilde jusqu’à atteindre le poste ultime. Pour cela, l’homme a toujours eu le respect du jeune voleur, mais il se fait vieux ou du moins, ses préoccupations semblent ailleurs maintenant qu’il a tout donné à la guilde. « Tu te rappel lorsque tu nous as ramené le pendentif de notre fondateur avec Balian? » Hiémain rougit et hoche la tête. La mission avait été ardue, mais son compatriote et lui avaient bien réussi, malgré la récente arrivée de Hiémain dans la guilde à cette époque. « Tu es fait pour être voleur et cette mission me l’a prouvé. Aujourd’hui, je sais que tu es celui qu’il me faut pour me remplacer ». Maevin lui prend alors la main comme un père le ferait à son fils. Un sourire fend ses lèvres et le nouveau Fils de l’Ombre le fixe, ne sachant quoi dire.

Cela fait maintenant six ans qu’il déambule dans les couloirs du palais ou les rues et qu’il ne ressent toujours pas la flamme impériale ou rebelle brûler en lui. Il se contente de vaquer à ses occupations et évite le plus possible les discussions politiques. Si au début Hiémain n’en était pas incommodé, il commence à sentir l’urgence de faire un choix. Pourquoi donc l’a-t-il choisi alors qu’il ne sait pas lui-même ce qu’il en est de son allégeance? Comme si Maevin lit dans ses pensées, il s’empresse de le rassurer: « Peu importe tes choix Hiémain, tu es celui qui doit détenir les clefs de notre tour. Je le sais au plus profond de moi. Tu as une place importante à la cour, mais tu sais oeuvrer dans la discrétion. Tu as aussi cette sensibilité et cet amour pour tes frères de l’Ombre qui te permettra de les diriger adéquatement. Accepte ce nouveau titre, pour l’amour de ta guilde ». Il flanche alors après cette supplique. Pourtant humble, il ne fait pas trop état de sa joie quant à cet immense honneur. Il se contente de prendre les épaules de Maevin et de lui souffler un merci plein de chaleur. Peu importe les embûches qui le terrorisent, l’ancien Fils de l’Ombre était parvenu à lui insuffler un minimum de courage.

Hiémain est un homme qui parle très peu de lui. Peu réussissent à le cerner entièrement, mais cela ne l’empêche pas d’être un homme de nature franche et sincère. C’est un noble au coeur torturé, qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut et cela se perçoit dans son regard distant. Néanmoins, aucune froideur ne se dégage de lui. Il est seulement de nombreuses fois en introspection et se coupe volontairement des gens, une habitude qu’il a gardée de son enfance tourmentée. C’est un solitaire à l’âme rêveuse, mais aussi un éternel opportuniste qui, malgré son histoire chaotique, souhaite la stabilité. Il veut prendre les meilleures décisions, ce qui l’empêche souvent de s’engager complètement dans quelque chose, préférant tâter le terrain avant de foncer tête baissée. Il n’en reste pas moins un excellent Fils de l’Ombre, qui fait de son mieux pour préserver sa guilde. C’est donc un observateur plutôt qu’un grand loquace. Toutefois, ce trait de caractère fait en sorte qu’il a un bon instinct et qu’il sait déchiffrer les gens. Plutôt ironique quand on est quelqu’un comme lui qui peine à se connaître lui-même. Malgré ce silence, Hiémain n’est pas un homme coincé ni gêné. Au contraire, il sait charmer et se faire apprécier d’un bon nombre de rebelles et de loyalistes de l’empereur.