Explorer le village.

Vers la taverne, mon ami !

Au tenancier.

Commander, sourire aux lèvres.

Un dragon. Un réel dragon. Vous aviez entendu, Laurent et toi, la rumeur, alors que vous partiez du domaine Erebien où se trouvait sa belle-sœur, et où sa tante vous avez rejoint. Tu avais encore les yeux pleins d’étoiles, des merveilles que tu avais vues, enfin, en quittant ta petite bourgade de Bellifère. Tu ne cessais d’en découvrir, au fur et à mesure de vos pérégrinations. Rien ne te comblait plus que le plaisir de la connaissance enfin mise en pratique en voyant réellement tout ce que tu avais pu étudier précédemment, Laurent excepté.

Cependant, cette nouvelle-la te dépassait. Des dragons ? Créatures mythiques, irréelles, à tes yeux. Comment, alors, des villageois pouvaient-ils être persuadés que l’une d’entre elles s’était présentée à eux, détruisant le fruit de leur labeur ? Le soleil leur aurait-il tapé sur la tête, alors qu’ils s’échinaient dans leurs champs ? Peu probable, en novembre… Tu avais décidé, par conséquent, de mener ta propre enquête en interrogeant de prime abord les villageois.

Te baladant dans la bourgade, qui avait au demeurant l’air fort joli, tu pouvais constater des rues désertes, des étals délaissés, qui devaient accueillir des commerçants. Tu sens des regards curieux, à travers les volets entrebâillés, et tu meurs d’envie d’aller frapper à des portes, pour les interroger. Mais tu sais aussi que ce serait bafouer les règles de bienséance, que de t’imposer chez les gens, aussi tu te diriges vers la taverne. C’est, probablement, la solution la plus simple pour écouter des conversations et glaner innocemment des renseignements.

Qu’elle n’est pas ta surprise, de constater que celle-ci est vide, à l’exception du tenancier, bien à son poste et à l’air affable, et d’un homme esseulé à une table, qui te laisse perplexe. Le sourire du propriétaire t’encourage à aller lui parler pour lui demander des informations. C’est donc, plaçant toi aussi un sourire engageant sur ton visage, que tu t’en approches, commandant malgré tout un plat pour ne pas entrer dans le vif du sujet de manière très belliférienne, très agressive. D’autant que, malgré la sympathie qu’il affiche, sa manière de se tenir indique une tension que tu ne voudrais guère exacerber. Cela a suffit, et le bel appétit dont tu fais preuve malgré le fait que tu n’aies pas réellement faim, à délier sa langue.

Tu repars donc, repue, un peu ballonnée, en apprenant que cette rumeur ne date pas seulement d’aujourd’hui, mais qu’en deux semaines, les habitants ont eu le temps de se terroriser mutuellement, et de craindre plus qu’il ne semble possible, en observant les lieux. Tu n’es toutefois pas tellement satisfaite, persuadée qu’il y a plus à apprendre, alors tu te décides à observer les abords du village.

Se diriger vers les vergés dévastés.

Aller chercher des indices dans les décombres.

Rester au cœur du verger.

Chercher au sol.

Fleur, dans son insatiable curiosité, n’était que peu satisfaite des informations données par le tenancier de l’auberge. Bien sûr, elle avait pu glaner quelques informations, mais elle était persuadée de pouvoir en savoir bien plus. Elle avait donc décidé de s’éloigner du village, pour enquêter sur les lieux du sinistre. Peut-être pourrait-elle en apprendre davantage, et découvrir ce qui se tramait dans cet étrange lieu. Pas si étrange, avec sa rivière, ses montagnes délimitant probablement Sombreciel et Erebor, montagnes passablement inquiétantes qui auraient pu sans problème accueillir un dragon, et ses vergers… s’ils n’étaient pas partiellement brulés. Tout le paysage à sa portée la laissait méfiante, mais elle jugeait plus sécuritaire les vergers à découvert, et s’y dirigea donc.

La vue n’était guère flatteuse : plus aucune récolte possible, tant tout était dévastée. Les souches victimes du feu, noircies, donnaient une apparence sinistre au lieu de récoltes, dévastant l’âme généreuse de la belliférienne. Elle ralentit le pas, des fois qu’elle se brule à l’aide d’un sol pas encore refroidi. Son pas lent, prudent, lui permit de voir à l’avance la cabane du gardien – étrange bâtiment, debout, pas dévoré par les flammes. Cette idée lui faisait froid dans le dos, tant il lui semblait étrange qu’elle soit là, debout, intacte. Elle décida donc d’observer les décombres, et de n’aller qu’en dernier recours près de cette cabane.

Ce spectacle désolant la touchait plus qu’elle ne l’aurait dit – et si le dragon existait réellement, s’il s’attaquait à tous les petits villages sur sa route, s’il finissait chez elle, en Béllifère ? Elle n’aurait souhaité, malgré son mépris évident, pour rien au monde que sa famille ne succombe. Elle envisagea un instant de fuir, de s’épargner cette vision douloureuse pour son imagination trop fertile. Mais elle n’était pas faible, n’était pas lâche, elle ne pouvait renoncer. Elle demeura là, bien déterminée à observer les rangées d’arbres calcinés, dans l’espoir d’y découvrir un indice, n’importe lequel. Une preuve qu’au fond, les dragons n’existaient pas. Son esprit partiellement rationnel ne pouvait se résoudre à admettre leur existence. Elle se pencha donc, pour chercher au sol, n’importe quoi.

Un éclat blanc, l’aveuglant temporairement sous la lumière du soleil, attira son œil. Cela semblait tellement surnaturel, au milieu de ces terres brulées, où n’aurait du être visible que des couleurs sombres en adéquation avec la tragédie passée encore bien présente. Elle saisit l’objet, avant de reconnaître une pièce d’échec – blanche, gracieuse, en tant que Reine. Qu’est-ce qu’un tel objet pouvait faire là ? Un tel objet, d’aussi belle facture ? Il ne provenait, de toute évidence, pas de ce village. Elle la ramassa, bien décidée à ne pas la laisser trainer ici, et partit rejoindre Laurent, Freyja et ses petites, convaincue que ces lieux ne lui apporteraient rien de plus.