Sujet: My home is Your home ~ PV Svanhilde Ven 17 Juin - 6:10
Where I belong... With You.
Depuis le temps que nous sévissons sur la ville, les partisans d'Augustus commencent à apprendre à se prévenir des méthodes de la Confrérie Noire. Ils nous craignent toujours, mais nous devons nous adapter, chaque nuit, devenir plus agressifs, plus rapides, plus impulsifs et moins prévisibles, pour ne pas se faire prendre. Les risques s'accroissent, mais la tyrannie qui sévit sur Arven ne nous laisse pas le choix, alors nous acceptons toutes les missions qui nous rapprochent de notre objectif. Ce soir, je dois tuer un proche capitaine du souverain, et je suis tombé dans une embuscade.
A mes côtés, j'entends les cris de mon compagnon, qui se bat rageusement, répandant des gerbes de sang sur son passage. C'est une bonne recrue, il a une vingtaine d'années, et de l'énergie à revendre, des principes passionnés, qui le conduisent à des extrémités illimitées. Nous n'étions que deux, le meurtre devait être facile, discret, sans effusion. J'en suis au troisième garde, à qui je tranche sans remord la gorge à la moindre occasion, ne prenant pas le temps de contempler une seconde de plus son cadavre inanimé pour me lancer sur le suivant. Nous sommes dépassés, ils nous écrasent par le nombre, par leur position, qui nous condamne, encerclés. Ils ont tout organisé, comptant sur la surprise, et ils ont bien joué leurs pions. Seulement, ils ne savent pas exactement encore de quoi sont capables les fanatiques de nos escadrons, ils ne sont pas entrainés comme nous le sommes à tuer, ils ne partagent pas des idéaux assez forts pour leur sacrifier leur vie sans hésitation. Et dans ces moments-là, mieux vaut ne pas avoir de prises de conscience, ni même une fraction d'égarement, car un geste incertain peut être fatal. Ils l'apprennent à leurs dépens.
Celui avec qui je croise le fer est un coriace, je pares ses coups depuis quelques minutes, usant même du mobilier comme autant de projectiles contre lui, et il continue à se défendre, la cuisse profondément découpée pourtant, par mes soins. Je faiblis, je le sais, bien que mon esprit refuse d'abandonner, et que ma lame continue à contrer la sienne instinctivement. Les râlements de mon complice deviennent difficiles aussi, je les entends de loin, comme un rappel. Il est à bout de forces lui aussi. Nous devons trouver un moyen de nous échapper. Notre cible s'est déjà enfuie de toutes façons, et même s'il est toujours utile de tuer des sbires d'Augustus, les chances que notre acte serve vraiment la cause sont éphémères. Une prodigieuse claque, qui me projette contre le mur, me tire de mes plans d'évasion, et j'évite de justesse la dague qui se plante dans la tapisserie où mon dos a cogné quelques secondes plus tôt. Je crache une gorgée de sang en toussant, déséquilibré par le choc, avant de me retourner face à mon adversaire, qui m'écrase une fois de plus contre les pierres dures d'une cloison. Comme il a perdu son arme, ce sont ses doigts qui se resserrent autour de ma gorge, m'obstruant la trachée, me faisant rapidement suffoquer. Je pose mes paumes sur son visage, essayant en vain de l'écarter, de me dégager de son emprise, mais je sais qu'il n'y a aucun espoir que j'y parvienne de cette manière, je n'ai même plus assez d'énergie pour enfoncer mes pouces dans ses cavités orbitales, tactique très efficace habituellement - vous pouvez en croire mon expérience. Pourtant, il s'écarte soudainement en poussant des hurlements de douleur, tenant comme un dément ses joues désormais crevassées par le froid. Je sens les picotements sur ma peau, qui répondent à ma question silencieuse, avant de disparaitre.
La scène pétrifie un instant les autres gardes, et j'en profite pour inspirer une grande bouffée d'air et attraper le poignet de mon acolyte, l'entrainant contre sa volonté à travers une fenêtre dégagée. Le verre explose sous notre poids, et nous roulons sur les pavés en contre bas douloureusement, après une chute parmi les débris de glace qui nous laissent des coupures sanglantes - mais superficielles. Je me relève rapidement, invitant sans politesse l'assassin à me suivre. Nous rentrons à la Tour, et par le chemin le plus rapide, il n'y a pas une minute à perdre. Déjà, nos assaillants apparaissent dans l'ouverture que nous avons créée, brandissant de quoi nous atteindre, flèches et coutelas luisants dans l'obscurité. Nous échangeons un regard, et je comprends qu'il a vu, qu'il sait... Un éclair traverse l'air, et il tombe, une étoile tranchante plantée dans le dos. Je cours. Le hululement strident de mon faucon m'accompagne, me porte, et je me sens presque voler comme lui jusqu'à l'antre où je serais en sécurité.
Je sèmes les combattants qui se sont lancés à ma poursuite, bien avant de parvenir à me glisser dans un passage mystérieux, seulement connu de ceux de ma guilde, pour atteindre les intérieurs de la Confrérie. Une fois entré, je laisse enfin libre cours à ma respiration, je baisse les armes. Un peu plus, je me laisserais glisser au sol, et reposerais là jusqu'à retrouver mes capacités, mon esprit épuisé. Mais je ne puis, j'ai d'autres devoirs à accomplir, comme informer les miens du danger qui nous guette, et de la mort d'un de nos frères d'arme. J'arpente les couloirs avec détermination, mes jambes chancelants pourtant indiciblement, jusqu'à arriver à la porte des appartements de ma sœur, souhaitant avec appréhension qu'elle s'y trouve bien, et qu'elle n'ait pas été arrêté comme je l'avais été, ou pire. Je m'appuie un instant sur le bois lourd, puis me redresse. Frappe trois coups. Attends, le cœur broyé dans un étau de crainte.
La Sombre Mère
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Sam 18 Juin - 13:20
Frère. Sœur. Des mots communs, des mots creux. Galvaudés tant ils sont utilisés. Coquilles frêles et vides, bien impuissantes à transcrire l'intensité du sentiment qui me lie à Sigvald. Frère, oui, même si nous ne sommes pas du même sang – frère, et tellement plus que cela. Une moitié de moi, mon complice, mon confident, il m'est bien plus proche que n'importe quel amant. Le souffle qui m'anime, le cœur qui bat dans ma poitrine, le sang qui court dans mes veines, la foi qui scintille au crépuscule. Il est indispensable à ma survie : il a toujours été là, près de moi, ombre protectrice, ami fidèle. Toujours, aussi loin que porte ma mémoire. Je ne sais pas exactement ce que les Puissances ont vu en moi pour me doter d'un frère tel que lui – quoi qu'il en soit, que je le mérite ou pas, il est là, toujours. Toujours. Certes il a ses défauts, moi aussi : cela ne nous a jamais empêchés d'être aussi proches que deux membres d'une fratrie peuvent l'être. Sa discrétion, sa compétence, son assurance, la chaleur de son sourire : Sigvald est tout pour moi, et je me sens en sécurité en sa présence.
Mais il n'est pas là.
Ce soir, il n'est pas là. Il est parti en mission, il est parti sans moi. Bien sûr il n'a nulle besoin d'escorte, et l'apprenti qu'il s'est choisi est plus qu'adroit, mais je ne peux empêcher une pointe sournoise d'angoisse de me vriller les entrailles, comme à chaque fois. Je suis l'Oracle de la Confrérie Noire : tous les Écoutants comptent sur moi pour les guider, pour être leur flamme dans les ténèbres, leur étoile dans l'obscurité – une étoile sanglante, drapée de mort de d'horreur. Mes lieutenants sont prêts à me suivre dans toutes les folies, tous les suicides – je le sais, je peux le lire dans leurs yeux. Mais bien peu savent combien Svanhilde est démunie sans Sigvald. Bien peu savent la terreur qui m'envahit quand je l'imagine blessé, capturé, torturé – tué. Les Nightingale sont déjà bien peu nombreux en Arven – à part mon frère, il ne me reste que mon oncle fou, Hjalmar, celui qui siège aux côtés de l'Usurpateur. Même s'il n'est pas né de mon sang, Sigvald reste ma seule famille, mon seul refuge : la maison, pour moi, c'est l'endroit où il se trouve. Bien souvent j'ai essayé de mettre des mots sur ce sentiment puissant qui coule entre nous : je n'ai jamais su me décider entre la vénération et l'adoration. Sigvald, c'est mon dieu personnel, mon héros sans crainte, mon héraut de vengeance, mon champion invulnérable – mon frère.
Mais il n'est pas là.
Il devrait être rentré. Depuis des heures déjà. Je sens la peur m'envahir, une peur diffuse, sournoise, insidieuse – et soudain je n'y tiens plus. Je ne resterai pas dans mes appartements à tourner en rond, je dois savoir. Je me lève d'un bond, dans mon cuir sombre, et tends la main vers mon épaisse cape couleur de nuit, quand des coups légers résonnent à la porte. Je l'ouvre, et là, deux émotions si pleinement contradictoires qu'elles me font monter les larmes aux yeux m'envahissent. La première, celle qui prime, c'est un soulagement si profond que le souffle s'étrangle un instant dans ma gorge. Mais juste après, une seconde plus tard, je remarque le sang. Pas celui des autres – le sien. Je le lis dans ses yeux : il est blessé. Il souffre. Mon coeur rate un battement, hésite, puis repart, à toute allure. Je tends les bras, les referme sur mon frère – je le sens respirer, il bouge, il parle, il vit. Il est là, et tout va bien – mais ses blessures me perturbent. Je le fais entrer – la porte refermée, je l'installe sur le fauteuil qui trône près de l'âtre, m'agenouille près de lui. D'une main timide, presque fébrile, j'essuie le sang qui macule la commissure de ses lèvres. De mes yeux, je le dévore tout entier, m'assure qu'il ne porte pas de blessure grave, avant de braquer mes prunelles dans les siennes. Nous ne sommes pas issus des mêmes parents, et pourtant, pourtant ! Pourtant, nous nous ressemblons, tellement. Les mêmes yeux clairs, les mêmes mèches blondes – les siennes sont ébouriffées et constellées de gouttelettes écarlates, les miennes cascadent en boucles désordonnées. Une fois son visage un peu nettoyé, je m'apaise. Il n'a pas l'air trop amoché. Quelques éclats de verre coloré que je retire soigneusement de son front, de sa joue : rien qui ne laissera de cicatrices. Mais il a l'air bouleversé. Que s'est-il passé ? Ma voix est rauque de larmes que je n'ai pas versées, mais je trouve tout de même le courage de briser ce silence épais qu'aucun de nous deux n'a encore osé rompre, tant il est porteur de sérénité.
« Mon frère, raconte-moi. Je me réjouis de te voir revenu en vie – j'étais inquiète, Sigvald, tellement inquiète pour toi. Si tu savais... Raconte-moi. Que s'est-il passé ? Ta cible s'est défendue ? Comment as-tu été blessé ? »
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Lun 20 Juin - 0:28
Soulagement. Je comprends réellement le sens de ce mot lorsque Svanhilde ouvre la porte, et que je vois avec certitude qu'elle n'a rien. Contraste étrange, réaction bizarre surement de m'inquiéter de ses potentielles blessures alors que mon sang s'échappe concrètement goutte à goutte de mes blessures - mais ce constat me semble totalement anodin face à sa présence saine et sauve. Elle me prend dans ses bras, et je ferme les yeux, mes paupières un instant devenues trop lourdes, enfouissant mon visage dans ses cheveux, qui ont pour moi une odeur indéfinissable, mais intimement plus apaisante que n'importe quel philtre médical. Nous restons ainsi enlacés quelques secondes, avant qu'elle ne m'entraine dans son domaine, que je reconnais pour y avoir passé plus de temps surement que tous les assassins réunis. J'ai besoin d'être en sa présence, très souvent, même si nous nous occupons tout deux à des tâches différentes, même si nous ne parlons pas. Partager son air est un plaisir que je ne me refuse jamais; je me sens, dans une pièce à ses côtés, comme dans une véritable maison, ce qui m'apporte un sentiment de plénitude que rien d'autre ne peut compenser.
Je me laisse tomber sur le fauteuil près de la cheminée, siège qui pourrait être le mien, à force d'utilité, et où Svanhilde m'a conduit instinctivement. Ses doigts essuient le sang sur mon visage, découvrant des entailles éphémères, sans gravité. Je ne la quitte pas des yeux tandis qu'elle exécute ce petit rituel, retraçant les traits de son visage mentalement alors que je le sais déjà par cœur. Ses légères caresses et pansements semblent faire effet, son expression montre sa satisfaction, bien qu'encore inquiète, devant le résultat de son assistance. Je ne dois point être meurtri à en être défiguré, la bonne nouvelle. Mais je m'assombris en songeant à la mauvaise. Bien entendu, il va falloir que nous abordions le sujet, même si nous pouvons nous en dire beaucoup sans mots. Elle le fait, exprimant d'abord son inquiétude, que je m'empresse de calmer en glissant mes doigts dans ses mèches dorés, tendrement.
- C'était un piège, nous avons perdu un compagnon.
Un compagnon... Son nom n'a plus d'importance, puisqu'il doit être oublié. Y a-t-il une façon moins crue d'annoncer la mort ? Un mort reste un mort, celui-là est un manque pour notre camp. Je n'ai rien à ajouter de plus, et je me mure de nouveau dans un silence hanté. Je sais que Svanhilde ne m'en voudra pas, et que je n'ai fait qu'obéir aux ordres, auxquels elle aussi se plie parfois. Peut-être aurais-je pu néanmoins faire mieux. Si je n'avais pas utilisé ce don étrange qui me possède parfois, les choses auraient pu tourner autrement... Bien ou mal, je ne saurais le prévoir. J'enlève ma chemise tâchée de sang, avec une grimace de peine, puis la jette dans les flammes, et la regarde se consumer en silence. Ôter des vies est une malédiction que je porte bien, jamais ma lame n'hésite pour trancher la chair... Et pourtant, je crains de damner injustement une âme, j'ai peur de devenir un homme comme Augustus, pour qui rien d'autre ne compte que cette puissance enivrante de savoir qu'on est capable du pire.
Inutile de préciser que nous devrons être prudents, désormais. Mais ma cible court toujours, et cela ne peut être accepté, ou plus personne ne respectera la Confrérie Noire, et leurs missions ratées. Il va donc falloir qu'il périsse, et rapidement. Tout en réfléchissant, j'inspecte méthodiquement les plaies de mes bras et de mon torse. Traverser la fenêtre n'était certes pas l'idée la plus lumineuse de ma vie, de minuscules morceaux de vitre se sont jonchés ça et là dans ma peau, petites coupures que j'enlève un à un, doucement Je n'ai rien, dès demain je pourrais terminer ce que je n'ai pu accomplir ce soir. Un peu de repos, de préparation stratégiques, et il ne pourra pas m'échapper bien lmongtemps. J'irais seul, probablement, car la responsabilité d'une autre victime me pèse trop sur la conscience en ce moment. Je pose mes mains sur les joues de Svanhilde, y laissant quelques traces rougeâtres, et la fixe un moment en silence.
- Svania, petite soeur, promet moi de faire bien attention à toi.
Je lui aurais bien demandé de rester enfermée, mais je sais qu'elle ne le peut, comme moi même. Elle est de ceux qui sont trop passionnés pour vaquer des jours paisibles. Ce serait la rendre malheureuse que de lui enlever la liberté, et pour rien au monde je ne l'y contraindrais. Ainsi, j'adapte mes souhaits, pour qu'elle puisse y répondre sans culpabiliser de devoir me tromper plus tard. Je lui ai fait cette requête des dizaines de fois, surement, mais je ne voudrais pas qu'elle l'oublie, comme une enfant un peu volage, qui a besoin d'être rappelé régulièrement à l'ordre.
- S'il venait à t'arriver quelque chose, je...
Je secoue la tête, abattu. La simple pensée de notre séparation m'est impossible à supporter, et je ne tiens pas à en parler. C'est pourquoi la plupart du temps, les gens qui m'entourent m'imagine froid, et impassible. Je n'ai pas de mots pour exprimer mes émotions, je me contente de décrire les faits, de les analyser parfois avec sagesse - parait-il. Le silence me parait dans certains moment tout aussi évocateur.
Spoiler:
Désolée c'est vite fait, mais bon j'ai du mal sur mon ptit book dans la chambre d'hôtel xD
La Sombre Mère
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Sam 9 Juil - 15:41
Il vit. Je le sens, sous mes doigts : sa peau est chaude, alors que je nettoie ses blessures, panse les légères entailles. Ses yeux viennent capturer les miens et je me retrouve prisonnière de cet univers d'azur, comme à l'accoutumée. Étrangement sereine. Mon frère a toujours un effet apaisant sur moi : je sais qu'il veille à ma sécurité, et qu'en sa présence je ne risque rien. Cher, cher Sigvald. Il passe les doigts dans mes cheveux, et je sens, confusément, qu'il a une mauvaise nouvelle à m'annoncer. Les choses se sont très mal passées, je le vois bien, mais y a-t-il plus à dire sur l'échec de la mission ? Apparemment. Mon cœur se serre. Un compagnon tombé au combat... C'est toujours une immense perte. Les Écoutants ne sont pas très nombreux, et chaque vie soufflée dans nos rangs nous ampute d'une main pour frapper le tyran. Un instant, mon âme pleure pour ce compagnon sacrifié sur l'autel de la plus grande nécessité. Je ne le connaissais pas tellement, mais je sais combien Sigvald, sous ses dehors froids et distants, s'attache aux recrues qu'il forme.
Mon frère. Ses mains viennent encadrer mon visage et je sens le poids de son inquiétude alors qu'il m'exhorte à la prudence. Il a toujours veillé sur moi : toute petite déjà, je savais pouvoir trouver refuge dans ses bras, quel que soit l'ennemi qui me persécute : vils cauchemars, craintes irrépressibles, voire simplement pernicieuse mélancolie. Ce soir, je le sens à bout, nerveusement épuisé. La mission s'est vraiment très mal passée et la réputation de la Main de la Nuit est en jeu. Un étau de glace enserre mon cœur à la pensée affreuse que Sigvald aurait pu tomber ce soir, à la place de notre compagnon. Le perdre ? Folie, jamais je ne saurais y survivre. Sigvald est l'unique repère de mon existence, le soleil qui m'éclaire et me réchauffe. Mon frère, l'essence de ma vie toute entière. Sans lui, que suis-je ? Une coquille vide, un être inutile. Une promesse brisée.
« Cesse. Je vais bien, il ne m'arrivera rien – mais toi, toi qui sors sans m'en avertir, pour des missions périlleuses auxquelles je n'ai pas donné mon aval, je t'en prie, prends garde à ce qu'il ne t'arrive rien non plus. J'ai tellement besoin de toi, Sigvald – si tu devais périr, la Confrérie Noire n'existerait plus. Je n'aurai jamais la force de continuer sans ton soutien. Je t'aime, tellement, grand frère : alors continue d'aller bien, continue à prendre soin de moi. J'ai besoin de toi. »
A qui d'autre puis-je confier mes doutes, mes angoisses, mes peurs et mes craintes ? Jodhaa est bien trop folle pour les comprendre, Siegfried bien trop exigeant pour les accepter. Enguerrand est trop fantasque, et notre Mère, ma foi... Trop mystérieuse peut-être, pour que j'ose pleinement me livrer à elle. Sigvald est mon complément. Je sens son désarroi, sous mes doigts, alors que je termine de retirer les fragments de verre logés dans la peau de ses bras. Je retire également les lambeaux de sa chemise, lacérée, pour soigner son torse et son dos qui ont souffert également. Il est sûrement passé à travers une fenêtre – le connaissant, cela ne m'étonnerait pas. En tout cas, sa chair est bardée d'échardes de verre que j'ôte soigneusement. Son sang macule mes doigts, mais cela ne me dérange pas. Nous n'avons pas le même, mais nos cœurs vibrent à l'unisson dans cette mission qui nous réunit, et quelque part cette preuve de sa vitalité me rassure. Je nettoie ses épaules, puis sors une chemise propre de mes armoires. Il vient tellement souvent me trouver blessé, que j'ai fini par entreposer une partie de ses effets dans mes propres affaires. Une fois convenablement rhabillé, je saisis ses mains, le force à ses lever, puis l'enlace de mes bras et me blottis contre lui, le menton sur son épaule, et le nez dans son cou.
« Je te connais, mon frère. Tu vas te jeter dans les rues de Lorgol et retrouver ta cible, puis tu vas la massacrer – et tu vas sûrement te faire tuer par les gardes du corps qu'elle aura engagés. Je t'en prie, n'y va pas. Ou, si tu y vas, emmène Jodhaa, Mélisende, Enguerrand, Baudoin, Théobald, et même Siegfried. Je ne veux pas te perdre, Sigvald – reste là ce soir. Je t'en prie. »
Mes yeux viennent trouver les siens, le prier, le supplier. De ne pas s'en aller ce soir – de rester, en sécurité, près de moi. Je ne veux pas passer la nuit à m'inquiéter.
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Jeu 14 Juil - 2:30
- Shhh.
Je l'ai laissé me panser comme un enfant qui a fait une mauvaise chute, et qui nécessite une main aimante pour le relever. Pourtant ce rôle ne me sied guère très longtemps, et maintenant je veux reprendre le mien, en la faisant taire d'abord, car ses inquiétudes m'attristent. Je ne me veux jamais faible à ses yeux, je me veux le protecteur, non le protégé, même si en grandissant, Svanhilde a toujours tenté de prendre cette place. Ces blessures ne sont rien, comparées à celles que je pourrais endurer, s'il le fallait... Ce n'est pas de la prétention de ma part d'y croire, c'est une certitude, et je ne sous estime la capacité d'aucun être humain a éprouver cette résistance, animé des bonnes raisons. Je crois que chaque personne à être témoin des miennes y trouve une interprétation différente, et je ne sais moi même comment définir la profondeur des sentiments qui me gouvernent, sinon que j'y puise une force inépuisable.
Elle s'est blottie contre moi, ses yeux rivés aux miens pour me persuader, et elle n'y parvient que trop bien. Elle sait que je fonds devant ses prunelles, l'espace d'un instant où je ne vois plus qu'elle, et que rien au dehors ne semble plus avoir d'importance. Je soupire, amusé par ma volonté que je sens fléchir, pour une éphémère durée. L'exécution attendra demain, les brigands comme celui-ci ne perdent rien pour attendre, et du repos me fera le plus grand bien, d'autant plus si je sens la présence rassurante de ma sœur à mes côtés, saine et sauve.
- Vos désirs sont des ordres, Oracle.
Je me moque, gentiment, hochant la tête révérencieusement. Elle est peut-être l'Oracle de la Confrérie Noire pour les autres, mais pour moi, elle est avant tout l'enfant qui partageait mes jeux dans le Duché de Nightingale, la seule à savoir qu'il m'arrive de sourire ainsi malicieusement, aussi, derrière les aspects froids que je prends pour accomplir ma mission. Je m'écarte d'elle pour me diriger vers ses draps, où je me laisse tomber lourdement, tournant vers elle un regard provocateur. Mes paroles contredisent mes actes, et je m'autorise un outrage à la couche de celle que nous devons tous respecter ici, comme notre supérieure. Mais n'était-ce pas elle, la première, qui, des années plus tôt, me rejoignait en pleine nuit, pour trouver mes bras protecteurs, la prévenant de mauvais cauchemars ?
J'éprouve pourtant un pincement désagréable en songeant à ma réaction puérile, comme si ma conscience me tiraillait sur la légitimité de cet intrusion dans sa chambre à nos âges. Ce pressentiment me déplait, et je le chasse aussitôt. Nous ne faisons rien de mal, mes intentions sont aussi pures que l'amour que je lui porte. Notre proximité n'a jamais dépassée les limites de la convenance, et pourtant, elle dérange, autour de nous, déjà. Jamais je n'oserais entacher la réputation de Svanhilde, de n'importe quelle façon, mais mon cœur à son contact m'interdit toute raison. Il ne me semble jamais si terrible de lui montrer mon soutien avec chaleur, quand ses doigts se referment sur mes mains, qu'il y ait des témoins ou non à ces échanges.
- Dire que le plus grand assassin de Lorgol ne sait toujours pas faire son lit !
Je m'empare d'un des coussins de soie qui trainent là, et lui jette dessus, amusé, puisqu'elle ne semble pas vouloir bouger, peut-être surprise de mon audace. Ais-je été trop loin cette fois, en interprétant ses paroles pour m'inviter dans son intimité, en essayant de détendre un peu l'atmosphère ? J'ai bravé la mort ce soir, je l'ai encore esquivé de peu, sentant son souffle rauque sur ma nuque, frôlant son long manteau de désespoir, dont elle a recouvert notre compagnon. Je veux l'oublier désormais, j'ai besoin que Svanhilde m'aide.
La Sombre Mère
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Sam 16 Juil - 18:46
Il fléchit. Mes yeux dans les siens, je sens sa volonté se plier, doucement, devant la mienne. Sigvald a toujours fait preuve envers moi d'une coupable bienveillance, et il est rare que j'abuse de mon influence de petite sœur fragile – mais parfois, comme ce soir, la fin justifie les moyens. Je le veux vivant et en bonne santé : je le veux vivant, et à mes côtés. J'ai besoin de lui pour exister : il est ma lumière, mon oxygène, mon phare dans les ténèbres. J'ai peine à croire parfois que la même mère ne nous a pas portés, tant nos réactions s'opèrent en parfaite symbiose. J'ai eu peur pour lui ce soir, rétrospectivement, en songeant à notre camarade tombé au champ d'honneur, j'en tremble encore. Son sourire néanmoins allège considérablement mon angoisse : lui qui d'ordinaire semble si froid et impassible recèle en réalité des trésors d'allégresse, quand on sait où les chercher.
Il se moque de moi, me taquine gentiment, avant de s'affaler dans mon lit comme si c'était le sien. Me remettant d'une simple remarque malicieuse à ma place de petite sœur chouchoutée. Je voudrais aller le rejoindre, me blottir contre lui et m'endormir, sereine et protégée, certaine qu'il ne pourrait rien m'arriver en sa présence. Mais un frisson glacial me retient. Cette petite phrase prononcée par Siegfried Nibelungen, mon sénéchal et officier, un peu plus tôt dans la journée. « On commence à jaser sur ton frère et toi, petite. » Au début, je n'ai pas compris. Alors Siegfried m'a expliqué, que la proximité prononcée que j'affiche avec mon frère dérange et paraît déplacée. Démesurée. Contre-nature. Scandaleuse. Mes iris soudain agrandis ont su exprimer ma panique et mon désarroi : Siegfried m'a assuré savoir qu'il n'en était rien, et que nos liens fraternels n'étaient rien d'autre que le résultat d'un profond attachement familial. Mais j'avais lu le doute dans ses prunelles.
J'observe Sigvald. Je ne réagis même pas quand il me lance un coussin, taquin. Je l'observe, simplement. Son grand corps étendu entre mes draps froissés. Est-ce réellement mal ? De le vouloir près de moi à tout jamais ? Je ne sais plus trop quoi penser. J'ai toujours... Oui, aussi loin que porte ma mémoire, j'ai toujours eu le réflexe de grimper dans le lit de mon frère quand ça n'allait pas. Une déprime, un cauchemar, une angoisse d'enfant ou un doute d'adulte, une lassitude souveraine ou bien tout simplement un trop plein de solitude, tout cela déjà m'a conduite dans ses draps, entre ses bras. Ma tête sur son épaule, le nez dans son cou – ou bien l'oreille sur son torse, mes mèches blondes en pagaille, à écouter battre son cœur au même rythme que le mien. Et le réveil au petit matin, bras et jambes entremêlés, l'un et l'autre emplis d'une complicité renouvelée.
Aussi loin que porte ma mémoire. Et ce soir, tout semble chamboulé, pour quelques paroles de Siegfried. Une ou deux allusions émises par Enguerrand me reviennent confusément, une phrase de Jodhaa, un regard suspicieux d'Ingmar. Soudain tout me semble déformé, noirci, dénaturé. Pourquoi faut-il que ces soupçons viennent entacher l'amour inconditionnel que je porte à mon frère ? Dois-je désormais m'abstenir de le toucher, voire de le laisser entrer dans mes appartements à la nuit tombée ? Quand bien même j'ai un besoin absolu de sa présence, de ses étreintes, de ses sourires ? Indécise, je mordille ma lèvre inférieure, comme toujours lorsque je suis confrontée à un problème épineux.
Oh, et puis mince. Peu importe ce que l'on dit de nous – je ne sais pas exactement, au fond, de quoi est vraiment fait l'amour que je porte à Sigvald. Est-ce donc si essentiel ? Personne ne peut nous voir, et je me fiche bien de ce que le bon peuple peut penser. Secouant la tête pour chasser au loin ces contrariantes préoccupations, je me débarrasse de mon châle et file rejoindre mon frère, soufflant au passage le grand chandelier que j'avais allumé pour panser ses plaies. La lueur des veilleuses suffit. Je rassemble soigneusement les pans de ma robe de nuit et me coule entre les draps, la joue sur l'épaule de Sigvald et une main sur son bras – celui qui n'est pas enveloppé de bandages. Les paroles de Siegfried tourbillonnent dans les tréfonds de mon esprit, et soudain la question qui me trotte dans la tête me brûle les lèvres. Je la formule, à mi-voix, songeuse, avant même d'y réfléchir.
« Est-ce mal, ce que l'on fait ? »
Invité
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Dim 17 Juil - 3:32
Le doute que je vois passer dans son regard azur me blesse, autant que si elle avait voulu me renier, pendant une seconde qui me semble une éternité, avant de céder à son inclination naturelle. C'est injuste, cette méfiance que je ne mérite pas, alors que je lui offre tout ce qu'elle désire, et m'abstiens au mieux de tout geste qui pourrait l'offenser. Comme si je pouvais lui causer du tord, n'a-t-elle plus confiance ? Mais je ne lui en veux pas. Les autres, leurs basses discussions d'un ton venimeux, ont semé en nous un poison de discorde, ont souillés une complicité trop profonde pour leur entendement, peut-être. J'y suis enclin moi même. Il en va toujours ainsi, ce qu'il ne comprennent pas en devient anormal, rejeté. Pire, ils ont fait germé dans nos âmes une idée encore incertaine, qui n'aurait jamais du être poussée à s'épanouir. Tel un innocent à qui l'on montre pour la première fois sous son vrai jour le fruit défendu, je sens mon âme se déchirer doucement d'une tentation, éveillée par leurs soupçons, que j'avais jusque là enfouie au-delà de ma propre connaissance.
Ce que l'on fait ? Qui nous sommes, plutôt, non ? Ce que l'on ressent ? Car ce que l'on fait, si c'est être ensemble, me semble aussi essentiel pour moi que de respirer, et je ne saurais m'en passer, quand bien même cela irait contre tous mes principes de droiture. Peut-on qualifier de mauvaises des choses que l'on ne peut contrôler ? Dois-je m'abstenir d'éprouver ce qui me rend vivant, pour satisfaire les convenances, me plier au bon vouloir des regards ignorants ? J'ai suivis toute ma vie ce qui me paraissait les bons chemins, j'ai donné de ma personne, de mon sang, de ma détermination à accomplir tout ce que la Confrérie attendait de moi, relativement à mon rang. Je me suis tenu à ma place, sans ciller, et maintenant, ose-t-on m'accuser d'une chose que j'avais espéré hors d'atteinte ?
Une sourde colère s'empare doucement de moi, et un grognement de désapprobation s'échappe de ma gorge, alors que mon étreinte se resserre sur ma soeur. Je fronce les sourcils, mécontent du malaise qui s'est installé entre nous par la faute de langues trop aiguisées à détruire. Je la tiens plus près de moi, l'encourageant à s'abandonner sur mon torse comme elle en a l'habitude, par provocation pour ces témoins invisibles qui nous condamnent sans savoir, et aussi parce que je ne désire rien de plus... Est-ce que je ne désire vraiment rien de plus ? Cette nuit est-elle vraiment semblable à toutes celles, paisibles, qui l'ont précédées ? Ces pensées malsaines nées d'autres coeurs me pervertissent, et ma raison s'y perd. Le contact de la peau douce de Svanhilde me brûle presque désormais, comme si l'enfer me prévenait des flammes qui m'attendent, à trop songer à ces perversités dont je suis déjà coupable d'après le jugement tordu de la plupart de nos compagnons. Quoiqu'ils en pensent, je n'ai jamais voulu que le bonheur de Svanhilde, et peu m'importe les moyens employés, ou les sacrifices que je dois faire pour y parvenir. Si elle souhaite mon éloignement pour ne plus être soumise aux critiques dont découle évidemment sa question, je m'éloignerai.
Que lui répondre, alors ? Attend-t-elle l'avis de son sage conseiller ? De son implacable guerrier ? De son frère vertueux ? Je suis tout à la fois, et rien à cette instant n'est compatible, ne produit de sens ou de logique, pour constituer la moindre aide à ma réflexion. Je reste donc silencieux, mes prunelles rivées au plafond, pour me détourner des siennes, trop troublantes en cet instant.
- J'ai arraché le bras d'un homme ce soir, et tranché la gorge de son compagnon, parmi mes autres meurtres sanglants. Je n'ai pas hésité une seconde. Ni l'un ni l'autre ne m'étaient connus, ils étaient peut-être pères, sans doute entourés d'une foule d'amis qu'ils faisaient rire en d'autres occasions, probablement ne méritaient-ils pas le sort que je leur ai infligé. Dans ma quête, j'ai fait des orphelins, qui ne connaitront pas la chance que j'ai eu d'être recueillis par des parents aimants. J'ai fait des veuves, qui ne dormiront plus que des nuits froides et solitaires, en maudissant le bras qui les a privé de leur amant...
J'énonce mes crimes d'une voix calme, mon souffle berçant doucement la jeune fille allongée sur moi, comme je le faisais toujours lorsqu'il lui expliquait des choses sérieuses, pour lesquelles elle demandais mon opinion. J'ai l'impression que ces horreurs concernaient un autre homme, et j'en sens pourtant le poids sur mes épaules, doucement soutenues par les duvets du lit. Je marque une pause, avant de poursuivre ma démonstration. Je ne sais pas vraiment qui je cherche à convaincre, elle, ou moi même. Est-ce que je me donne des excuses, en lâche que je suis, faible devant la passion qui s'infiltre insidieusement dans mes veines depuis que j'ai pénétré ce domaine interdit aux inopportuns ?
- Si je dois un jour me repentir pour ce que j'ai fais de mal, Svanhilde... T'aimer ne sera pas parmi les griefs que je craindrais, et j'attendrai mon châtiment sans remords.
J'essaie d'y mettre un ton léger, pour la rassurer, mais la situation est sensiblement grave, presque pesante sur ma voix. Et puisqu'il fallait payer ce que nous avions déjà franchit de notre impudeur face à la morale, quelle douce compensation serait-ce de profiter de la bénédiction de l'intimité de cette chambre, où personne ne viendrait nous montrer du doigt... Je ferme les yeux, pour oublier ces pensées, qui risqueraient de briser l'harmonie qui existe entre nous. Je ne les rouvre que pour les plonger dans les siens, renouant ce lien qui m'enivre et que je ne peux décrire, qui me rend presque plus fiévreux que mes blessures à présent.
- Tu n'as qu'un mot à dire, tu le sais, pour que je fasse taire comme il te conviendra ceux qui te peinent ainsi.
Ordonne leur mort, prévois mon départ de Lorgol, demande mon union avec une autre... Ce que tu voudras, Svanhilde, mais fais le vite, avant que je n'ai plus la force de quitter ces draps, et que j'ose prendre mes propres décisions, que j'obéisse aux commandements de mon coeur qui essaie de me gouverner malgré ma volonté.
La Sombre Mère
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Dim 17 Juil - 13:19
Il n'est pas content. Ma question l'a contrarié. Je me tends, inconsciemment, alors que je sens ses muscles se raidir sous l'effet d'une colère rentrée que je devine forcenée. Je n'aurais pas dû laisser parler mes doutes et mon incompréhension. Au fond de moi, je sais bien qu'ici, en ces lieux où fort peu sont admis et où nous sommes seuls pour le moment, rien d'autre ne compte que notre affection. Je regrette de l'avoir troublé. Il devrait se reposer, dormir, récupérer ses forces pour le long combat qui nous attend encore jusqu'à la justice et la liberté. Au lieu de ça, voilà que je lui ajoute des préoccupations : voilà bien quelle sœur égoïste je suis. Son bras se resserre autour de moi, et je pose la tête sur son torse, écoutant les battements de son cœur résonner. D'une main j'effleure les bandages que j'y ai posés. Il a été blessé, sur mon ordre, ce soir, et je m'en veux affreusement. Je veux m'en excuser, me faire pardonner, mais son regard me fuit. Il contemple les dalles du plafond, semble s'éloigner de moi. Je n'aime pas que ses pensées m'échappent – je veux qu'il pense à moi, qu'il m'écoute, qu'il me parle. Qu'il me regarde. J'aime cette sensation grisante, quand nos prunelles se rivent les unes dans les autres – j'ai l'impression d'exister, dans son regard. D'y devenir, l'espace d'un instant, celle que je suis née pour incarner. Est-ce mal ?
Il parle, et toujours ses yeux me fuient. Le rejet me blesse plus que tout le reste. Grand frère, si je t'ai contrarié, dis-le moi – ne me rejette pas, pas comme ça. Il parle, lentement, calmement. M'explique, comme il sait bien le faire. Mais ce soir, étrangement, ses arguments semblent plus destinés à le convaincre, lui-même. Est-ce moi qu'il cherche à persuader ? Ou est-ce sa conscience qui le tourmente, tout comme mes doutes m'obsèdent ? Je n'en sais rien et cela m'effraie quelque peu. Je le sens peu sûr de lui, faible presque, vulnérable, d'une certaine manière. Comme si mon hésitation à le rejoindre, comme si ma question à peine formulée, avait cassé quelque chose entre nous, quelque chose qui ne pourrait être réparé qu'au prix d'un grand sacrifice qu'il semblait lutter pour ne pas consentir. Il parle de m'aimer – et ce mot sonne étrangement. Pas comme d'habitude. Ce mot sonne de travers et pourtant, pour la première fois, il éveille un écho particulier en moi. Un écho tout aussi déformé, tout aussi tordu, mais nettement authentique. Tellement qu'il m'en effraie, par son intensité.
Il me regarde, à nouveau, et ses iris aussi clairs que les miens m'absorbent toute entière. Un mot à dire, pour faire taire ceux qui médisent et colportent d'infâmes ragots ? Ses paroles semblent violentes, ses yeux, eux, murmurent une toute autre chanson. Presque une supplique. Deux en fait : la première, de l'éloigner. De l'envoyer au loin, de l'écarter de moi, pour tuer dans l'œuf toute rumeur. De me priver de lui, de vivre seule, de m'amputer d'une part de moi : je ne pourrai jamais survivre sans mon frère, je ne pourrai jamais supporter de perdre Sigvald. Alors, je m'intéresse à son autre prière. Celle qui se cache dans la brume azur de ses prunelles, celle qui se dissimule, s'enfuit et se dérobe. Demande sauvage, désir inavoué, enfoui, étouffé sous le poids des convenances. Le rouge me monte aux joues. Je pense savoir – j'ai peur d'avoir raison. Si j'ai bien deviné, si son cœur s'incline vers moi plus qu'il ne le devrait, alors je vais devoir le chasser. Hors de mes draps, hors de ma chambre – et quelque part, hors de ma vie.
Le puis-je ? Je sais bien que non. Je ne le veux pas – au contraire. Et si ma propre inclination rejoint la sienne – et je sais que c'est le cas, même si je l'ai toujours profondément enfoui au plus sombre de moi – alors, qu'il en soit ainsi. Les gens peuvent bien dire ce qu'ils veulent : ici, dans l'intimité confidentielle de mes appartements, nul ne pourrait attester de ce qu'il en est vraiment. Peut-on me reprocher d'aimer trop ? Sûrement pas. C'est ce qui fait de moi un être humaine, une femme sensible, et un excellent assassin. C'est par amour que je tue : pour la sécurité de mes êtres chers, pour la bien-être des personnes que j'aime. Et Sigvald en a toujours été le premier. Toujours... Je lève la main, la pose sur sa joue. Je ne veux pas qu'il me fuie à nouveau – je ne veux pas qu'il me fuie. Jamais.
« Ne t'en va pas. Reste – par pitié, reste avec moi, Sigvald. Je.. Je veux, que tu restes. »
Murmure à peine esquissé, souffle voilé par cette rougeur de mes joues que j'assume et reconnais comme ce qu'elle est. Oui, j'aime mon frère, je l'aime même... beaucoup. Est-ce mal ? Mes doigts tremblent à peine, sur son visage – mais les larmes menacent au coin de mes paupières. Qu'il s'en aille et me laisse seule – et je ne réponds plus de rien. Je veux qu'il reste où il est – sa place est près de moi. Et advienne que pourra.
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Dim 17 Juil - 14:45
Elle me demande de rester, et je comprends qu'il ne s'agit plus d'un de ses caprices d'enfant, je réalise à cet instant que nos décisions sont désormais prises en adultes, avec toutes les conséquences que cette responsabilité implique. Sans le savoir, elle nous condamne peut-être, et je lui ai présenté l'arme pour le faire. Qui subira la rétribution de nos fautes ? Devrais-je être celui contre qui retomberont tous les griefs, que foudroieront les jaloux et les bien pensants ? J'ai peur pour elle, pour les effets sur sa rôle d'une chose que j'ose à peine entrevoir, que commettre nous précipiterait. Est-il encore temps pour fuir ? Ce sentiment qui me semblait auparavant assez fort pour porter tous les sacrifices de la Confrérie, me parait à présent trop puissant pour s'exprimer sans en briser toutes les fondations, et détruire d'un geste interdit l'avenir d'un royaume. Une impression prétentieuse sans doute, mais qui me tétanise, me retient une fraction de seconde, encore indécis.
Mes doigts se crispent de colère et de doute dans le tissu de sa robe, en faisant doucement remonter l'étoffe sur ses jambes nues, alors qu'elle se tient toujours blottie contre moi. Est-ce ainsi que j'honore mes devoirs, en me glissant dans la couche de ma propre soeur, incapable de refouler des affections déplacées ? J'ai honte pour mes parents adoptifs, les siens, qui m'ont élevé comme leur fils, et à qui je songe à infliger pareil outrage, avec une impatience qui m'effraie. Je suis déjà allé trop loin pour ne plus pouvoir soulager ma conscience, je sais que mes principes se heurtent déjà aux seuls mots que j'ai prononcé. Je l'aime, et malgré tout ce que j'ai pu affirmer, malgré la banalité de ces paroles lorsqu'elles sont lancées à tords et à travers au quotidien, je pèse leur importance à cet instant, leur secret, leur sentence. C'est mal.
- Svanhilde...
Trop tard pour lui demander grâce, trop tard pour redonner à son prénom toute l'innocence illusoire qu'il possédait dans mon coeur. A présent, ces sons qui traversent mes lèvres y déposent le goût du péché, et la prière devient réclamation ardente. Je ne peux plus feindre l'indifférence devant le trouble qui m'anime. Je me redresse légèrement, dérangeant son repos devenu lourd contre mon torse, pour me pencher sur elle, voir pleinement son visage, qui a pris des couleurs que je ne lui ai jamais vu pour moi. Je pose ma main sur sa joue sur laquelle s'apprête à couler une larme, et la caresse tendrement, éprouvant toute sa douceur comme si c'était la première fois que je la touche, et découvre cette sensation.
- Tu es chaude... Sans doute malade...
Derrière quelles excuses suis je en train de me cacher ? En ai-je vraiment besoin ? Une lueur dans ses prunelles que je ne quitte plus m'indique qu'elle n'est nullement dupe, et qu'elle sait tout comme moi d'où vient cette maladie qui n'en est pas une.
- Laisse moi prendre soin de toi, Svania... J'ai tellement envie... J'ai besoin...
Je ne sais plus dans quel délire je m'emporte, si peu habitué à perdre la raison, noyé dans des arguments sans fondements comme je le fais à présent. Je suis fin stratège, toujours maitre de moi et déterminé, en dehors de ses bras. Jamais un mot de trop, sans une suite logique dans les idées. Mais je me sens novice ici, et je le suis à cette passion, ne sachant comment la libérer sans la rendre violence, la contenir sans la garder frustration. Ma bouche rejoint mes doigts sur les rougeurs dont je n'ose prétendre être la cause, et je me permet l'effleurement d'un baiser timide sur sa joue, qui en entraine un autre, et un autre, chacun trop fugaces pour être honnêtes, en appelant toujours plus.
La Sombre Mère
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Mer 27 Juil - 10:33
Il hésite. Je le vois : l'espace d'un instant, le geste qu'il esquisse se fige, dans une infernale seconde où j'ai largement le temps de me demander quel anathème j'ai appelé sur nos têtes. Les gens parlent, et je ne veux que qu'il souffre à cause de ma faiblesse : je ne veux pas qu'on le pointe du doigt, qu'on le méprise et le rabaisse, parce que je suis celle des deux à avoir exprimé la première cette émotion contre-nature, la première à avoir désiré rompre l'interdit. Je cherche dans mes souvenirs – quand mes sentiments ont-ils pris une direction aussi divergente de celle exigée par les bonnes mœurs ? Je ne saurais trop le dire. Mais jamais nos parents n'ont semblé s'en préoccuper, pas même quand Mère me trouvait dans le lit de Sigvald au petit matin après une nuit d'orage, agrippée à lui et profondément endormie dans l'étreinte de ses bras protecteurs. Mais ce n'était pas pareil. Je le sens bien. Enfant, je ne ressentais pas ce tremblement intérieur quand il posait les doigts sur ma joue. Toujours inséparables : Sigvald et Svanhilde, aussi blonds l'un que l'autre. Personne n'aurait su dire lequel de nous était né de nos deux parents Nightingale, tant nous nous ressemblions, avec nos mèches claires et nos yeux bleus. Le même sourire, le même éclat dans nos prunelles, les mêmes goûts ou presque. Je me suis toujours sentie proche de Sigvald : il a toujours été une composante primordiale de ma vie.
Trop, peut-être ? Je ne sais pas. D'étranges pensées me traversent alors qu'il se tient là, légèrement en hauteur, à baisser le regard sur moi, ses doigts sur mes joues brûlantes. J'entends à peine ce qu'il me dit, tant le sang bat fort à mes tempes. Suis-je malade ? Non. Non, pas vraiment – juste folle, un peu. Mais n'est-ce pas notre lot à tous, dans cet univers qui marche sur la tête ? Nous sommes soumis à un tyran impitoyable, nous vivons dans la peur, nous respirons clandestinement pour ne pas qu'il étouffe notre souffle. Que nous reste-t-il, à part cette mission sacré hérité de notre ancêtre, ces dons mystérieux qui coulent dans notre lignée depuis la nuit des temps ? Que nous reste-t-il à part le sang et la mort, à part l'ombre et l'oubli, à part le crime et la damnation ? Je cherche la réponse dans ses yeux clairs, et la réponse y est évidente. Il ne nous reste que nous, et ce vent de liberté qui nous porte loin de l'oppression. Si c'est mal de l'aimer trop, alors je suis coupable – mais assurément, est-ce là criminel ? Si pour être libres nous devons être damnés, alors soyons-le, et doublement. Une part de moi s'en fiche totalement. Je suis déjà chargée de bien des meurtres, je n'ai plus cure de ce que l'on dit de moi, et je sais très bien ce qui m'attend une fois la mort venue. Point de rédemption pour les assassins, alors pourquoi me préoccuper d'un péché aussi dérisoire qu'un inceste – avec un homme, après tout, qui n'est pas de mon sang ? Non, plus j'y réfléchis, moins je vois d'obstacles – et les lèvres de Sigvald sur mes joues m'aident à percevoir la vérité de ce que nous faisons.
Les sirènes de la tentation sont fortes. Il a toujours pris soin de moi. Toujours. Et je sens, confusément, qu'à ses côtés je ne risque rien. Ma confiance lui est totalement acquise : instinctivement, j'ai cette envie démente de me laisser aller dans ses bras, de perdre pied avec la réalité. Le sent-il, cet abandon sur le seuil duquel j'hésite encore, alors qu'il parcourt mon visage de baisers légers qui me font frémir de la tête aux pieds ? L'innocence de l'enfance est oubliée – nous sommes adultes maintenant, et c'est en adultes que nous agissons désormais. Il n'y a jamais eu d'homme, dans ma vie. Mon frère le sait bien, lui qui a hanté chacun de mes pas depuis mes premières années. J'ai toujours refusé de m'attacher à quiconque que je pourrais être amenée à tuer, un jour. Mais avec Sigvald, point d'inquiétude, n'est-ce pas ? Il me sera toujours fidèle, je le sais : son cœur appartient à la Main de la Nuit, il la porte en lui, il me porte en lui, comme une épine fichée dans sa chair. Comment n'en ai-je jamais pris conscience avant ? Est-ce la perspective d'avoir frôlé la mort qui me le rend infiniment plus cher, tellement plus précieux à mes yeux ?
« Tu as toujours pris soin de moi. Je ne veux pas que tu arrêtes. Continue... »
Ne cesse pas. Continue à être là, continue à veiller sur moi – continue à m'embrasser comme tu le fais. Vois-tu mon émoi ? Mon souffle se heurte dans ma gorge alors que chaque effleurement de ses lèvres sur ma peau fait bondir mon cœur. Mes mains tressautent – je voudrais les poser sur ses épaules, sur son visage, le tenir près de moi, mais un reste de doute me retient, me paralyse. J'ai l'affreuse impression que l'indécision me tuera. Puis-je risquer la complicité totale que j'ai toujours eue avec Sigvald, pour un appétit de luxure peut-être passager ? J'essaie de rationaliser mon désir, mais je sais bien qu'il n'en est rien et que ses racines sont bien plus profondes qu'une quelconque fièvre charnelle ponctuelle. Je l'aime – de quelle manière, je n'en sais rien, et au final, frère ou amant, est-ce important ? J'ai juste besoin de lui, besoin de sa présence. Et comme si cette pensée avait déclenché ma reddition, mes mains bougent d'elles-mêmes, comme si elles savaient exactement où aller. L'une sur sa joue, l'autre sur son épaule. Du bout des doigts, je joue un instant avec ses mèches aussi dorées que les miennes, perdant mon regard dans le sien. Il ne sait pas non plus où tout cela nous mènera, j'en suis persuadée. Nous sommes en équilibre sur la corde raide, et le moindre faux pas nous fera sombrer dans l'abysse – mais m'y enfoncer ne serait pas si grave, si c'est avec lui.
« Cesse de te torturer. Tu réfléchis trop... Sigvald. J'ai confiance en toi... »
Grand frère, dis, que se passe-t-il entre nous ? Ces baisers qui me rendent presque folle, sont-ils vraiment adaptés à notre position ? Mais ici, personne ne nous voit. Personne ne jugera. Je veux juste oublier, quelques temps, ce poids affreux qui pèse sur moi, sur toi, sur nous deux. Le destin ne nous a pas réunis pour rien – et mon frère, j'ai besoin de ta présence, besoin de ton attention, soif de ton approbation, de tes sourires... De cet éclat dans tes yeux, quand ils se posent sur moi. Je ne veux pas perdre ça. Je ne veux pas te perdre, toi...
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Sujet: Re: My home is Your home ~ PV Svanhilde Mer 27 Juil - 23:43
Que dis-tu, ma Svania ? Te rends-tu seulement compte de la gravité de mon état, du tiens peut-être, de notre situation toute entière ? Ces mots sont une torture, ils m'ordonnent au péché, et faible que je suis, ou trop habitué à répondre à ces demandes, je cède doucement. Les derniers lambeaux de ma conscience se déchirent sous ses doigts qui se posent sur ma joue, mon épaule. Je ne souhaite plus qu'une chose, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas là, qu'ils glissent sur ma peau, pour y propager la brulure, qui de toute façon m'est inévitable. Je ressens alors à cet instant toute la douleur d'une attente que je n'explique pas, que je subis en retenant mon souffle, comme si le silence était de mise, notre condition impliquant la discrétion des assassins que nous sommes. Un besoin qu'il me faut combler, et qui devient sur le moment une nécessité absolue, me guide cette fois, vers des territoires que je ne connais pas, que je découvre avec l'innocence d'un enfant, et la puissance d'un homme.
L'une de mes mains, mue par un instinct ancestral, s'est posée sur la hanche de Svanhilde, et l'attire tout contre moi, raffermissant notre étreinte, faisant monter encore la tension qui s'y accroche. Mes lèvres descendent sur son cou, affamées, tandis que ma main libre leur ouvre le passage de sa gorge, mes doigts arrachant presque brutalement les liens de son corsage, si s'en est un, car je ne sais plus rien distinguer sous le désir qui m'aveugle. Je crois que je tremble, je ne sais plus si la fièvre est sienne ou mienne, ou si la folie s'est déjà emparée de mon esprit - surement, car quel principe m'entrainerait sur cette voie, sinon ? Je n'en ai plus aucun, les dernières barrières que m'imposaient ma raison se sont écroulées. Elles n'ont tenues guère de résistance, finalement, écrasées par la vague des sentiments que j'y avais emmurés trop longtemps. Je n'ai qu'une certitude à présent, je mourrais en ayant aimé une seule femme, si pleinement que cet amour ne laisse place à rien d'autre dans mon coeur, et que braver les interdits pour une chose si belle et pure ne me semble pas un crime.
Cette émotion, j'espère la transmettre à Svanhilde, lui faire éprouver les frissons qui m'assaillent, les peurs qui me hantent, le plaisir qui me transporte à être dans ses bras, libéré enfin des chaines que je m'étais toujours imposées, et qui commençaient à me blesser, sans que je le réalise. Mes lèvres ont atteint la chair tendre de ses seins, et s'y attardent, goûtant avec délice les réponses de son corps à mes caresses... Je crains de la brusquer, l'effrayer, qu'elle s'échappe soudain, me reprochant tout à coup mes ardeurs. Aussi, je me redresse légèrement, interrompant mes attentions malsaines pour lui jeter un regard interrogateur. Voir dans ses prunelles parfaites notre complicité brisée me tuerait. Elle dit avoir confiance en moi, et je n'en doute pas, mais je n'ai plus confiance en moi-même. Et si j'allais trop vite, trop loin ? Suis-je juste comme tous les hommes, gouverné par le désir de posséder, égoïstement, sans me soucier qu'elle en soit consentante vraiment ? Elle en a l'air pourtant, mais ne simule-t-elle pas uniquement parce qu'elle ne veut me vexer ? Elle a eu, maintes fois par le passé, le réflexe de se sacrifier, à des détails plus ou moins importants, pour moi. Est-ce pareil aujourd'hui ? Je sais qu'elle me donnerait beaucoup en se laissant aller, je ne suis pas certain de mériter tant.
Et l'idée pourtant qu'un autre puisse la toucher comme moi, m'est insupportable. Cette pensée traversant mon esprit, je plonge sur sa bouche avec une rage sauvage, réglant de ce simple geste toute l'ambiguité qui peut régner encore. Car ce baiser n'a rien d'amical, rien de fraternel. Il balaye d'une union langoureuse toute notre enfance, tous nos jeux sans troubles, il éloigne brutalement tous souvenirs qui pouvaient encore nous retenir. Ma langue cherche celle de ma soeur adoptive, mon sang qui n'est pas le même bout à leur rencontre, à ce contact que je veux prolonger, avidement. Mon bassin se presse contre le sien, suivant le mouvement, et je ne fais plus aucun effort pour empêcher la nature de mes désirs s'exprimer à travers mon corps tendu.
- Que dois-je faire ?
Ma voix est hésitante, et je ne sais pas trop au fond ce que je veux dire par là. Je suis perdu, me découvrant capable de réactions que je ne pensais pas avoir. Bien sur, j'imagine comment se font ces échanges, j'ai souvent perçu leurs conséquences, j'ai entendu des murmures étouffés, des plaisanteries salaces, et toutes autres informations, qui me semblent à présent bien trop éloignées de la réalité pour être utiles. Qui m'aurait prévenu que mon coeur serait sur le point d'exploser, que respirer deviendrait difficile à ce point, qui aurait pu me décrire les émotions poignantes qui me tordent le ventre, et que je vis avec la certitude d'être le seul à avoir jamais éprouvé une attirance si puissante et contradictoire ? J'ai urgence d'actions sur lesquelles je ne puis mettre de mots, car ils ne font surement même pas parti de mon vocabulaire. Je me désespère, car je voudrais être en tout ce que Svanhilde pourrait trouver de mieux - pointe d'orgueil un peu puérile certes dans pareil moment, mais c'est ce que je souhaiterais pour l'unique femme qui occupe mes pensées, et les comble si bien que j'ai tenu sans manque jusqu'à... Maintenant. Maintenant, je réclame ce qui devrait m'appartenir, ou inversement, car je suis plus à elle que je ne suis à moi-même.