Un bal masqué.

La petite fille qui se cache quelque part en toi a toujours adoré ce genre de frivolités, mais la femme responsable que tu es devenue n'a jamais trouvé le temps d'y assister. Et voilà que cette année, tu te trouves parmi les invités, un loup de velours dérobant tes traits, dans une robe de soie et de satin noirs qui froufroute au moindre de tes mouvements. Elle est magnifique, d'ailleurs, cette tenue que tu t'es faite coudre sur mesure : des mètres et des mètres de tissu dans les jupes, un corsage givré d'argent et émaillé de multiples perles scintillantes, des manches amples brodées de fil d'argent elles aussi qui s'en viennent recouvrir tes mains gantées et souligner le moindre de tes mouvements. Tes boucles blondes sont retenues par un diadème d'argent lui aussi rehaussé de perles, et d'autres encore cascadent dans ton décolleté. Tu es moins haute en couleur que la plupart des nobles dames présentes, mais la somptuosité de te tenue, toute de noir, d'argent et de blanc, attire l'œil et retient l'intérêt. Ce soir, aux yeux de tous, tu es Marie-Amélie des Armoises, accompagnée par son frère en quête l'un et l'autre d'un bon parti – mais pour les Lames de la Nuit présentes sous couverture elles aussi, tu es l'Oracle de la Confrérie Noire, venue abattre les fidèles appuis du Roi.

Ce soir, plusieurs assassins, et plusieurs cibles. Sigvald et toi vous dirigerez du côté du jeune Martial de Bellifère – Siegfried et Jodhaa s'occuperont du maître des lieux, Castiel de Sombreflamme. D'autres, Baudoin et Mélisende, exécuteront Pénélope de Flauvaire et d'autres dames parmi les fidèles. Dans la salle de bal, tu les repères, ces nobles femmes qui ouvrent leur lit au tyran, ces femmes qui espèrent le voir épouser leurs filles, ces hommes qui lui vendraient leur enfant sans remords... Ta lame, dissimulée le long de ta cuisse dans un fourreau de cuir, réclame et appelle le sang des coupables pour laver les larmes des innocents. Mais des innocents, il y en a, et tu as donné des consignes : personne ne doit toucher un cheveu de la petite duchesse d'Outrevent, pas plus qu'à la dame de Lagrance et sa suivante. Néanmoins, tu sais bien comment ce genre d'entreprises peut dégénérer, et tu t'inquiètes pour Cyselle et Asma. Le maître de céans n'est pas encore là – l'Empereur et sa favorite non plus. Tu escomptes qu'Augustus et Gaétane se retireront dans la nuit, et vous frapperez à ce moment-là avant de vous enfuir – mais pour le moment, des heures de danse et de musique t'attendent, et, le bout des doigts posés sur le poignet de ton frère qui t'escorte, tu vas prendre place parmi la foule d'invités qui s'éparpillent le long des buffets, attendant l'arrivée de Castiel et d'Augustus au son des violons qui jouent en sourdine.

Ce soir c’est le grand bal…

La nuit présageait d’être longue, une subtile éternité que le jour chasserait sans l’ombre d’un remord. Mon éternité, ma lumière au milieu de l’obscurité. Ma simple présence hors des murs du palais royal m’emplissait d’une douce sensation de fraîcheur, Lorgol m’étouffait, me tuait à petit feu tandis que je restais prisonnière d’une existence sans saveur, dénuée de charme et de candeur. L’Empereur lui-même m’avait arraché ma frêle innocence, capturée pour me glisser dans ses draps de soie, desquels il ne m’avait plus jamais laissé m’échapper. Devais-je haïr mes parents du sort qui fut le mien ? De l’inconscience désuète qui les faisait espérer que je puisse un jour devenir impératrice à ses côtés ? Mais ce ne serait qu’une abomination, plus encore s’il me contraignait à porter sa progéniture. Il finirait par se trouver une épouse, et peut-être alors me laisserait-il partir. En attendant, je le haïssais de toute ma frêle existence. Je le haïssais pour toutes les horreurs qu’il commettait. Et plus égoïstement, je le haïssais de me garder prisonnière de sa vie, de venir quérir du plaisir à mes lèvres, de guetter la moindre jouissance entre mes cuisses.

Mais ce soir, le rideau se lèverait une nouvelle fois, et j’offrirais au monde ma plus totale soumission à celui qui me faisait horreur, mes plus doux sourires à mes détracteurs. Je devrai apprécier ma place et faire honneur à notre précieux empereur. Que ne ferais-je pour lui ? Si peu en vérité, souhaitant plus que tout sa chute, mais il n’en avait conscience. Simplement songeuse, je me glissais aux côtés de Castiel, lui offrant un léger sourire du rose de mes lèvres, l’étrangeté de mes yeux vairons qui fascinaient tant l’Empereur, et que ma tenue faisait ressortir à la perfection. L’argenté bleuté de ma robe, agrémentée de fines perles de diamant, contrastait avec l’or de mes atours. Une robe faite sur mesure, mousseline de soie au décolleté de dentelle brodé d’or… j’étais fière de cette dernière qui m’offrait aux regards environnants, tandis que mon loup de velours dissimulait mes traits. Peut-être m’offrirait-il l’illusion de ma liberté chérie… Peut-être même une nuit sans Augustus s’il trouvait une égérie d’une nuit, à moins qu’il ne craigne... Rien au fond. Prisonnière éternelle, je ne faisais qu’imaginer, quand le doux esprit de Moïra toucha le mien à distance, comme pour se rappeler à mes pensées. Elle était avec moi. J’entrai alors dans la salle de bal ;

« Magnifique ! » fut le mot qui me vint à l’esprit et que je soufflai du bout des lèvres à mon si énigmatique ami, qui avait infiniment de goût, je devais en convenir. Mais je restais hautaine, le port de tête noble, une élégance subtile s’exhalant de mon être, tandis que les regards s’orientaient dans notre direction. Temporairement, je n'étais pas au bras de l'Empereur, et peut-être qu'à cet instant, je pouvais être n'importe qui à certains yeux. Ou peut-être que non. Certainement pas à tous.

…Mets du fard sur tes idées pâles.

Accoudée à la fenêtre de l'élégante suite qui m'avait été attribuée, j'observais par la fenêtre la nuit tomber sur Euphoria. D'ici bien peu de temps - trop peu à mon goût - débuterait le bal du Solstice et cette pensée n'était guère faite pour me réjouir. Après presque deux mois passés loin de la cour, retranchée en mon cher duchée, il m'allait falloir reprendre part à ce jeu de dupes. Le dîner de la veille avait déjà été éprouvant, la soirée promettait de l'être tout autant. Ignorant les remontrances d'Yseult qui ne cessait de répéter qu'à ce rythme, je ne pourrais être prête à l'heure, je laissais mes pensées divaguer. Des masques. Quelle idée, quelle intention pouvait bien être à l'origine de ce choix ? Nul n'était plus enclin à l'imprudence et la sottise que le visage masqué, assuré de toute impunité jusqu'au lever du jour. Tant de choses pouvaient se passer sous le couvert d'un loup...

Bien que les heures à venir ne soient pas de nature à me réjouir, je finis par me laisser entraîner par ma dame de compagnie dont la nervosité allait croissant, la laissant m'apprêtant sans réellement y prendre garde. Il était vain de chercher à repousser cette échéance et en cela, je ne pouvais que lui donner raison. Un quelconque retard n'aurait fait qu'attirer sur moi l'attention et je tenais, autant qu'il le serait possible, à passer inaperçue. Il allait me falloir être sur mes gardes. Le moindre problème, le moindre incident imputé aux rebelles pourrait m'être fatal. Et si la Confrérie Noire comptait oeuvrer ce soir, je n'avais plus qu'à espérer pour mon salut qu'ils revendiqueraient leurs actes.

- Vous êtes prête, ma Dame.

Relevant la tête pour croiser mon regard dans le miroir tout proche, je du convenir que je l'étais, en effet. La robe rouge qui me vêtait mettait en valeur ma silhouette, d'une manière qui ne m'était pas familière, moi l’habituée des toilettes confortables plutôt qu'élégantes. Mais en telle circonstance, je ne peux me contenter de moins. J'ai pourtant bien du mal à me reconnaître en cette jeune femme qui me fait face dans la glace. Cheveux relevés et tombant en boucles sur mes épaules, tenue seyante. Un masque de velours vient s'apposer doucement sur mes traits, noué avec délicatesse derrière a nuque par les doigts habiles d'Yseult. Je dois avouer que cette image que je renvoie me plait assez. Il me reste un rôle à tenir et j'entends faire honneur ma lignée. Alors, la tête haute, je franchis la porte pour me diriger vers la salle de bal, au travers des interminables couloirs du palais du duc de Sombreflamme.

Force m'est de reconnaître la splendeur des lieux, décorés avec goût pour accueillir l'évènement. Nombre de courtisans zélés étaient déjà présents, sans doute désireux de ne pas perdre une miette de l'arrivée de l'usurpateur. Un tel empressement me dépasse. Suis-je la seule que la pensée de demeurer non loin de lui toute la soirée durant indispose ? Solitaire pour le moment, je tâche de repérer une présence amie mais perdue au milieu de cet océan de riches tissus, je suis bien en peine d'identifier les uns ou les autres. Sans doute à la conversation, le son de leurs voix m'informera-t-il.

Des bruissements dans l'assemblée me font tourner la tête et je découvre notre hôte au bras de la jolie favorite. Deux personnes que j'aimerais autant éviter, l'une parce que son inconstance me déroute et l'autre parce que son comportement me révulse. Oubliant que mon masque dissimule déjà mon visage, je plaque une expression de profonde indifférence sur mes traits avant de m'éloigner du lieu leur arrivée, à la recherche d'une connaissance dont l'apparition m'agréerait.

La nuit sera belle.

La domestique qui t'aide à passer tes riches habits s'affole autour de toi, tandis que tu ne quittes pas ton reflet de tes yeux. Tu as tout préparé, jusqu'au moindre petit détail, et tu espères bien que cette nuit sera parfaite. Elle doit l'être, puisque qu'elle sera ton passeport pour revenir définitivement en Sombreciel. Ainsi, tes généraux verront que tu es prêt à prendre le pouvoir et à tenir les rênes de ton duché sans craintes, malgré tes folies et tes extravagances. Ainsi est la lignée de Sombreflamme : fantasque et hallucinée, prête à tout pour le confort et les jeux de l'esprit. Tu n'en es que le fier héritier, bien à l'image de ceux dont tu as le sang. Tes parents, s'ils étaient encore vivants, seraient bien fiers de voir leur progéniture réussir si brillamment. Finalement, peut-être que cette cure de deux ans à Lorgol n'a pas été si nocive... Tu entends déjà les bons mots de l'Empereur résonner à tes oreilles et un doux sourire illumine tes traits. Il arrivera plus tard, au cours de la soirée, désireux de faire une entrée remarquée. C'est donc à toi que revient le privilège d'entrer au bras de Gaetane de Salvemont, la favorite d'Augustus. C'est de bonne guerre. Elle ne peut que partager ton goût de liberté et d'évasion et elle seule verra, comprendra, que tout cela n'a été mis en place que dans ce but ultime de fuite.

Un dernier rajustement et la domestique s'écarte de toi, te laissant t'admirer dans le miroir. Splendide. Ce soir, tu as osé. Les meilleures étoffes, venues expressément de Lagrance, puis confiées aux meilleurs couturiers. Ton pantalon est de soie noire comme la nuit, et le blanc de ta chemise lacée quasi irréel, presque bleu d'être blanc. Une courte veste d'un violet foncé, aux accents de rouge, sur laquelle de fines feuilles d'or et d'argent ont été appliquées, créant de délicats dessins sur le tissu. Une ceinture noire pour cintrer le tout, un élégant noeud de soie pourpre noué au cou, des bottes d'un cuir noir et fin et sur ton visage pâle, bientôt un loup noir qui ne laissera que ton sourire malin et tes yeux brillants. Tu sens le tabac boisé et les lys blancs, parfum qui te ressemble tant. La simplicité apparente de tes habits n'a pour complément que la prestance de ta posture, que ta couronne ducale posée sur tes cheveux désormais courts, que tout ce qui émane de toi presque violemment.

Pourtant, quelque chose cloche.
Tu regardes la domestique, qui baisse poliment les yeux. Une jolie Cielsombroise, encore jeune, sans doute prise au palais pour faire le ménage en attendant le retour de son duc. Tu laisses doucement tes doigts glisser sous son menton, qu'elle relève timidement, ses yeux pâles capturant les tiens. Elle tremble.

« Tu peux disposer. Tu diras au maître des domestiques que tu as fait un excellent travail, mademoiselle...
- Elisia, sire.
- Bien. Vérifie si ces dames de la cour n'ont pas besoin d'une domestique de plus. Sinon, tu es dispensée pour la soirée. »

La jeune fille s'incline, murmurant un « Merci, sire » plein de respect avant de te laisser seul dans ta suite.
Pas tout à fait seul, cela dit.
Tu te retournes vers ton lit où ton persan est couché, dans une position offensive. Il ne veut pas que tu ailles au bal. Tu l'entends te parler, brusquement, fermement. Non. Tu grondes, toi aussi, à voix haute, ne te souciant pas que ceux hors de ta suite t'entendent – tous te pensent déjà fou. Et pourquoi donc ? Ce bal est le mien. C'est un piège. Il est de mon devoir, en tant que duc, d'assister aux cérémonies que j'héberge entre les murs de mon palais, peu importe ce qui arrivera. Cela ne fera que mettre un peu de piment dans notre vie. Elle est là. Elle ne devrait pas. Ils attendent. Ils te tueront. Sottises. Fais attention. Prends l'arme qu'elle t'a donné. C'est un bal, diantre ! Pas une bête fête dans une taverne des bas-fonds d'Ansemer, un bal dans mon palais ducal ! Saab sera là, ainsi que la garde mise en place par Martial de Bellifère. Je ne vais pas me pavaner dans un taudis. Ce bal est ma porte de sortie. Tout doit se passer comme il se doit. Et je dois être là. Prends-la. Furieusement, tu te retournes et ouvres un des tiroirs de ton mobilier, jouant quelques instants avec celui-ci afin d'en faire ouvrir le double-fond, qui révèle un fin poignard. Pas même ouvragé, rude, mais à la lame aiguisée. Personne ne le verra. C'est tout à fait ridicule. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit, Castiel. »

Tu souffles. Tu sais qu'Il a raison. Tu t'es attaché à Lui et tu sais que cet attachement est réciproque. Tu prends donc l'étui donné avec le poignard, glissé dans ton lit une nuit par une femme qui un jour a partagé tes draps, attachant l'arme contre ton torse, invisible sous ta chemise et ta veste. Une précaution, comme elle disait, pour que jamais une telle arme ne vienne trancher ta douce gorge blanche. Un ronronnement de contentement s'échappe de Sa gorge et tu te rhabilles consciemment, posant ton loup sur ton visage en dernier lieu, avant de quitter, seul réellement cette fois, ta suite. Il restera à veiller, au loin, dans tes pensées, ce bal auquel Il ne te veut pas.

Cette soirée est la tienne.

Tu arrives tout juste avant Gaetane, à peine quelques minutes avant que son pas léger n'alerte tes sens vifs. Splendide. Si gracieuse dans cette robe légère, d'un argent bleu qui rappelle si bien les éclairs surprenants de ses yeux envoûtants. Oui, chaque fois tu comprends pourquoi l'Empereur s'est entiché de l'aînée des de Salvemont, mais à chaque fois, tu te rappelles également que c'est cette beauté délicate et vive qui l'a emprisonnée, bien malgré elle. Tu lui tends ton bras avec plaisir :

« Quel homme chanceux suis-je ce soir de vous avoir à mon bras. »

Vous entrez enfin dans la salle de bal et tu ne peux que sourire de plus belle, dévoilant ta dentition blanche et acérée comme celle des carnassiers. Magnifique. C'est la réaction que tu espères obtenir de tous. La décoration est soignée, grandiose, et cette soirée sera la bonne. Les nobles se retournent sur votre chemin, vous saluant respectueusement, faisant la révérence pour ces dames et ces messieurs, tandis que Gaetane et toi circulez aisément dans la pièce, jusqu'à ce qu'un domestique vienne vous proposer quelques rafraîchissements, avant que vous n'alliez vous installer à la table réservée aux invités d'honneur. Tu refuses poliment, ton esprit est étrangement clair ce soir. Et tes yeux détaillent chaque invité, tentant de reconnaître les traits de celle qu'Il t'a dit qu'elle était là. Ô douce invitée aux sombres desseins, que venez-vous faire en ces lieux ?

Spoiler:

J’avais souri au commentaire de Castiel me concernant, lui adressant un infime signe de tête qui devait simplement le remercier de sa flatterie. Même si la magnificence de mon vêtement se devait de faire honneur à l’Empereur avant tout. Car après tout, il avait été payé avec son argent, ses pièces d’or gorgées du sang de ceux qu’il avait écrasé pour les posséder. L’histoire… mes parents avaient toujours veillé à ce que je n’en sache qu’une infime partie, celle qu’ils avaient décidé. Celle qui arrangeait l'Empereur. Mais depuis que ma situation avait évoluée, depuis la seconde où j’avais connu les étreintes malsaines d’Augustus, tout autant que sa douloureuse manière de percevoir le monde et la façon dont il devait tourner, telle une horloge maigrelette et brisée. J’avais laissé mon regard s’égarer sur des récits, des traités, des parchemins… que la bibliothèque avait choisi. Mais la rue, les marchants ambulants, avaient toujours été moins regardants.

Néanmoins, le passé était éphémère, même si j’avais conscience de la présence de la Confrérie Noire, même si j'ignorais tant de choses. Sigvald avait compris que je n'étais pas aussi heureuse de ma position que je le prétendais. Peut-être même que celui sur le bras duquel mes doigts reposaient en avait véritablement conscience également. Être qui refusa sciemment un rafraîchissement, tandis que l’envie de n’être plus une personne tellement en vue me tourmentait. Certes, je pouvais m’enorgueillir d’une telle chose, mais pas ainsi, pas avec une telle abomination au pouvoir, pas au futur bras d’un tel monstre. Je voulais ma vie, ma liberté. Mais plus que tout, je désirais retrouver ma sœur.

« Mon cher Castiel, ces lieux sont magnifiques, aussi me pardonneriez-vous de vous abandonner pour en arpenter quelques recoins ? Je brûle de me laisser porter par les invités avant que mes doigts ne doivent rejoindre un autre bras que le votre ? » murmurais-je à l’oreille de mon compagnon, après m’être penchée pour que lui seul soit en mesure de percevoir l’étrange accord de mes paroles, fardées d’un frêle souffle de vent sinuant dans l’interstice infime d’une caverne. Je savais qu’il me comprendrait, saisirait mon besoin de me noyer dans la masse sournoise des nobles, comme si ici, il était possible que je ne sois plus que la digne héritière de Salvemont. Et non plus la prisonnière suppliant sa liberté de l’étreindre une nouvelle fois. Et puis j'avais remarqué ses recherches du regard.

Nous en avions soif tous les deux, même si je n’irais pas jusqu’à lui confier à quel point je pouvais souhaiter qu’une lame s’enfonce dans le cœur rendu mortel de l’empereur. L’entendre agoniser et souffrir de son trépas. Mes propres talents m’avaient toujours préservée de mes pensées les plus fourbes, car je ne souhaitais que sa chute, et il ne pouvait que l’ignorer. Tous ces regards qui m’entouraient… ces visages dissimulés… Même sans loups, sans masques, j’aurais été bien incapable de juger à qui je pouvais accorder la vérité de mes pensées.

D’un petit sourire arrogant, d’un dernier remerciement… je m’éloignais déjà de Castiel, adressant, saluant quelques paroles de-ci, de-là, jetant par instant quelques regards en direction de la porte. Avant de m’isoler dans cette apparente solitude que l’on me connaissait en m’avançant sur l’immense terrasse, savourant le contact salvateur de l’air frais sur ma peau, à contempler un paysage que je ne voyais pas véritablement, plongée dans mes pensées. Où était Gabrielle à cette seconde ? Que faisait-elle ? Regardait-elle ce même ciel ou s'endormait-elle déjà ?

Le carton d'invitation que tu tends à l'entrée de la salle de bal du palais ducal est froissé, entre tes mains, et le domestique qui le prend grimace de dégoût en le dépliant, avant d'acquiescer et de te faire entrer. Tu ne voulais pas venir, ce soir, mais tu es bel et bien là. Faut-il que tu paraisses en public, maintenant que ton destin est lié à celui de la duchesse héritière d'Outrevent, et ainsi signifier que les flots ne t'ont point englouti, ramenant à elle un de ses enfants. Tu as accepté de venir à ce bal, plein de mauvaise foi, te déplaçant jusqu'à Sombreciel par la voie de la mer au lieu de celle de la terre, hésitant à faire quitter le Bel-Ami pour le large et ne jamais revenir. Ce serait si simple. Malheureusement, les gardes postés sur ton pont t'ont découragé de tenter quelque manoeuvre que ce soit. Ta mère te connaît trop.

L'exercice de ce soir sera déplaisant au possible, sans aucun doute. Tu rencontreras probablement ta fiancée, première fois après tant d'années sans vous voir. Tu devras te pavaner sous les regards inquisiteurs des nobles, les chuchotements curieux. Et tout cela te rebute, te dégoûte, t'énerve.

Tu entres dans la salle de bal de ton pas vif, tes yeux d'un bleu sombre cherchant Lisbeth pour ainsi mieux l'éviter. Tu ne remarques pas la fine décoration de la salle, ni les invités déjà arrivés et parés de leurs plus beaux atours, tu ne vois que ton reflet dans un des immenses miroirs. Ce reflet qui n'est pas toi. Est-ce toi, cet homme dans ces vêtements élégants, neufs, taillés sur mesure pour ta solide carrure ? Ce pantalon de lin clair, cette chemise blanche, cette veste rouge, ce loup qui dissimule une partie de ton visage ? Tu recules légèrement, presque horrifié par ce reflet. Toi qui n'a vu ton reflet que dans les cuillères d'argent rouillé pendant des années, qui t'est habitué à la saleté de ton visage et au regard indifférent de tes hommes, tu ne te reconnais pas. Ce toi dans ces miroirs, cet homme qui paraît si bien dans ces riches habits, c'est celui que tu as toujours fui. La chemise est raide aux coudes, le pantalon râpe tes genoux, la dague glissée dans tes bottes neuves te dérange. Ta barbe rousse n'est qu'une ombre de flammes sur ton visage, tu as catégoriquement refusé d'entièrement la sacrifier, tes boucles auburn cachent ton front et effleurent ton masque. Et tout ce corps qui est le tien, tu ne le reconnais pas, engoncé dans ces vêtements qui ne te ressemblent pas.
Qui es-tu ?
Tes yeux dérivent et tu aperçois, dans le miroir, une jeune femme vêtue de rouge. Que son dos et quelques boucles sombres. Aussitôt, tu t'éloignes. Tu comprends subitement pourquoi ta mère a insisté pour que tu portes du rouge. Traître. Tu bouscules presque le duc de Sombreciel, reconnaissable malgré son masque, en te dirigeant totalement à l'opposé de celle que tu crois être Lisbeth, bien que tu n'aies vu que son dos. Ton instinct est fort, après tout, et tu sais qu'une confrontation avec ta fiancée ne ferait que de mettre de fort méchante humeur, toi qui est déjà maussade ce soir. Elle serait sans doute bien heureuse de te voir là, cela dit, puisqu'elle ne s'attend pas à ta présence et désire tant cette union qui te répugne. Puisses-tu ne pas lui faire le bonheur de t'apercevoir, ou de te côtoyer ce soir.

Je ne sais pourquoi mes pas m'ont mené jusqu'ici. Peut-être est-ce la volonté de percer le cœur du souverain, peut-être est-ce le manque de ce monde que j'ai quitté, peut-être est-ce ma peur pour les êtres qui me sont chers qui m'a fait venir les surveiller... Après tout, le seul moyen de se protéger du danger n'est-il pas de l'affronter ? C'est ce que j'ai toujours fait. Je ne pouvais ce soir rester au fond d'une auberge comme un manant alors que toute la cour était réunie en ce lieu de rêve et de luxe. Peut-être bien des gens, à ce bal auraient préféré être ailleurs. Peut-être bien des gens auraient voulu être chez eux... Moi même, il y a dix ans, n'imaginais pas que ces ennuyeux dîners me manqueraient. Pourtant, aujourd'hui, le temps a passé... Je suis devenu cet homme que tout les rebelles respectent et suivent aveuglément. Je suis devenu cet homme fort, symbole du combat contre le tyran... Mais j'ai perdu mon duché. J'ai perdu mon titre. J'ai perdu ma famille. J'ai perdu mes amis. J'ai perdu ma vie. De duc, j'ai été déchu à un général d'armée de l'ombre, un homme que nul ne veut voir sous son toit pour ne pas risquer la prison, ou pire... Ma trahison n'a jamais été vaine, pourtant, souvent, je regrette mon geste insensé... Ce souverain qui depuis si longtemps nous nargue et survit à chacune de nos tentatives de le destituer semble ne jamais vouloir descendre du trône. Et si mon destin, jusqu'à ma mort, n'était que d'être cet homme renié de tous ?... Je ne puis le supporter... Aujourd'hui, j'ai besoin plus que jamais de participer à ce bal, première occasion de participer, masqué, à une fête mondaine depuis bien des années...

Les marchands n'ont pas posé beaucoup de questions quand j'ai acheté mon costume. Ils en ont vendu tellement, ici et là, qu'un de plus ou un de moins... Je me suis fait passer pour un serviteur, dissimulant un peu mon visage. J'ai obtenu ce costume bleu roi brodé de coutures noires. Un costume assez sobre, somme toute, pour passer inaperçu, sans toutefois faire tâche au milieu des nobles. Un costume commun, simple, mais riche et bien cousu. Mon loup, des mêmes couleurs, dissimule parfaitement mon visage.

Par les passages secrets découvert hier, j'entre en ce palais déjà familier. La salle de bal est grandiose et magnifique, superbement décorée. La folie et le faste des Sombreflammes ne cesseront jamais de m'étonner. Je me mêle à la foule, invisible, discret, méconnaissable. Je croise quelques vieilles connaissances, mais parle le moins possible, pour ne pas me démasquer. Je profite du bon vin et échange quelques mots avec des gens qui, j'en suis certain, ne me connaissent pas, et ne risquent donc pas de savoir à qui appartient cette voix. Tranquillement, je me fond dans la masse et observe avec attention ce qui pourrait se passer ce soir. J'aperçois ma sœur, que je pourrais reconnaître en toute circonstance, mais ne veux courir le risque d'aller lui parler. Je n'arrive à repérer Cyselle dans la foule, et m'inquiète un peu de son sort... Je reconnais aussi Gaetanne de Salvemont au bras de Castiel de Sombreflamme. Le duo rivalise de faste et de splendeur. Gaetanne, surtout, me coupe le souffle. Sa robe, assortie à ses yeux magnifiques qui brillent doucement sous leur masque et font d'elle une personne reconnaissable entre toutes, met aussi en valeur la grâce de sa silhouette et la légèreté de ses mouvements. Gaetanne, si douce et fragile, à qui j'aurais peut-être jadis donné ma vie... Mais le destin en a décidé autrement. J'ai sombré dans l'oubli pendant qu'elle rejoignait le tyran, poussant le vice jusqu'à partager sa couche, abandonnant toute vertu, devenant l'objet d'un homme qui ne méritait pourtant ni son respect ni son amour... Pourquoi a-t-elle sombré, je l'ignore encore, mais je ne sais pas si j'ai vraiment envie de le découvrir...

Pourtant, quand je la vois s'éloigner sur une petite terrasse, je ne peux empêcher mes pas de la suivre, vérifiant auparavant qu'il me serait facile de m'éclipser sur le côté si quelqu'un venait à s'engager dans notre direction. Je reste un peu en retrait, parle bas, lui glissant à l'oreille quelques mots que j'ai sur le cœur :

« Qu'il est dommage de voir une si belle rose se dépérir en de si mauvaises mains... »

Je souris tristement. Mes mots de blasphème, je le sais, sont dangereux pour moi. Si elle est véritablement corrompue, elle appellera la garde, et je n'aurais plus qu'à disparaître comme je suis apparu. Pourtant, mon instinct me souffle qu'avec elle, je peux être franc.

Cependant, de toute façon, quelqu'un vient. A peine sa réponse a-t-elle franchi ses lèvres que je me suis déjà écarté, telle une ombre qui disparaît des les ténèbres. Je me fond à nouveau dans la foule tout en surveillant la terrasse et mes arrières.

Mauvais présage. Tu le sais. On t’a mise en grade. Tu as mis des heures à te préparer. Tu crains pour la vie de ta maitresse. Tu portes une robe en voile blanc, des motifs ornent ton corsage qui cache dans ton dos une fine lame offerte par l’Oracle de la Confrérie Noire. Tu t’es entrainée sans relâche le soir à la sortir si vous étiez menacées. Tu es prête. Tu ne sais pas de quoi tu es capable mais tu n’es pas sans défense. Une broche blanche relève tes cheveux bouclés. Une robe simple, sans manches, tu n’as pas totalement suivie les conseils de la duchesse déchue rencontrée une nuit où la lune était en sang mais tu as fais au mieux. Tu portes un masque blanc ornait de plumes, ton teint pale se marie bien au rouge de tes joues. Tes yeux verts ressortent à travers ton masque éclatant. Ta robe seras moins recherchée, moins travaillée que celles des nobles présentes dans à la réception mais à ton niveau c’est tout à fait convenable pour une suivante. Une fois, prête. Tu vérifies une dernière fois que ta lame passe inaperçue, tu la touches oui tu peux l’atteindre. Tu vas aider Cyselle de Lagrance à se préparer, toutes les servantes s’affèrent autour d’elle. Elle est sublime dans la robe que tu es allé chercher pour elle. Tu fais ton entrée derrière elle, discrètement. Tu ne la perds pas des yeux. Quoi qu’elle fasse, tu seras là. Tu visualises les invités, les décorations. Le duc de Sombreflamme nous en met pleins les yeux, ce soir, avec sa décoration des plus raffinées. Ton cœur bat la chamade. Tu sais qu’il va se passer quelque chose. Tu le sais, tu ne sais pas quoi exactement mais tu sais que ce bal ne sera pas de tout repos. Tu fais une révérence comme les autres invités quand le Duc de Sombreflamme et Dame de Salvemont passent devant toi. Tu sais que Svanhilde Nightingale est là, c’est obligé ! Dissimilée parmi les invités, elle a forcément une cible, laquelle ? Tu la cherches du regard mais ne la voit pas. Ton attention ne quitte pas Cyselle, tu es prête à tout pour elle. Elle ne veut pas te perdre, mais tu sais que s’il le fallait tu devrais… La duchesse doit ester en vie malgré les regrets. C’est tout ce qui importe. Sa vie. Comment feras-tu ? Que se passerait-il ? Dame de Salvemont est peut-être la cible ? Tu la sais proche du roi, sa favorite. Le maitre de ses lieux également. Ton regard parcoure les invités, les buffets alimentaient par des serveurs se vident et se remplissent. A ce moment-là, tu peux être n’importe qui. Cachée derrière ton masque, tu pourrais être une noble duchesse. Tout en n’étouffant pas Cyselle, tu restes près d’elle. Tu déclines en baissant légèrement la tête car un serveur vint à ton tour te proposer des rafraichissements. Tu ne perds pas une miette de tout ce qu’il se passe ici.

Tu es prête. Euphoria, va s’enflammer ce soir. Le sang coulera. Le sang salira le sol du palais. Tu te l’ai jurée ca ne sera ni le tien, ni celui de ta maîtresse.

Chapitre 1 ¤ Event 01.
le Bal d'Hiver
Décembre, An 801.
Palais du Duc de Sombreflamme.

A ce bal où les nobles sont tous conviés, plus que jamais, je ne me sens pas à ma place. J'ai beau revêtir les habits adéquats, et adopter la démarche qu'il faut pour me fondre dans la foule, je me sens étranger à l'effervescence des lieux. Peut-être est-ce à ce moment que je réalise de façon brutale que je ne fais pas partie de ce monde, et que le destin m'a joué un drôle de tour en m'y conduisant, presque de force. Enfant des rues, je n'avais pas eu vraiment le choix que d'accepter la tendresse que me proposaient les Nightingales, et je leur en avais toujours été infiniment reconnaissant. C'est en leur nom que je suis dans cette salle ce soir, en espérant finalement le laver des offances que lui a causé l'empereur Augustus.
Et après ? Je n'imagine pas de futur, après la vengeance. Etrange sensation.

J'ajuste ma veste de velour mordoré, que ma soeur a affirmée seyante, et je m'avance, confiant, caché par mon masque sombre tissé d'or. Je n'oublies ni mon rôle ni ma mission, et si l'une me conduit à badiner frivolement avec la première venue, l'autre me tient en alerte constante, guettant furtivement mes compagnons du regard. Je sais les deviner, parmi les autres silhouettes inconnues - j'ai appris leurs costumes, et même sans cette information, j'aurais su les distinguer entre mille, pour les avoir observer des heures et des heures à mes côtés.


- Oui, oui, c'est charmant... Répondis-je à une demoiselle, dont le loup cache surement bien l'âge avancé, avec un ton neutre, qui ne laisse paraître pas moins d'enthousiasme qu'il n'en faut pour être crédible.


A vrai dire, je ne saurais expliquer de quoi cette conversation est faite, car je ne l'écoute pas vraiment. Castiel de Sombreflamme vient d'entrer, m'offrant un parfait échappatoire pour éviter une suite embarrassante à cet entretien qui me décourage.
Gaëtane, la favorite, et mon amie, si je puis dire, est à son bras. Je ne sais si elle me distingue parmi ses admirateurs, mais en tout cas, sa présence ne m'est pas indifférente, et je tenterais de la protéger de la suite des évènements... Elle connait mes intentions.
Avec de la chance, elle sentira le signal et se mettra à l'abri. Sa vie est bien plus précieuse qu'elle-même ne le pense surement, et qu'Augustus ne peut l'envisager.
Non seulement elle occupe un poste stratégique qui nous est utile, mais elle est aussi une femme d'une grande force d'esprit, une femme comme Arven en aura besoin pour se reconstruire, lorsque l'Empire retrouvera sa liberté.

Levant les yeux vers les miroirs qui me font face, sur le mur du fond, mon regard se pose sur Svanhilde, attendant patiemment le moment fatal où nous feront basculer la soirée. Attiré irresistiblement, mes pensées toutes focalisées sur elle, et ébloui par la beauté dont elle m'illumine, je décide de la rejoindre, ou plutôt, ce choix m'est imposé avec une puissante à laquelle je ne peux me soustraire. Me faisant discret, je traverse la pièce, sans me rendre compte immédiatement que mon habileté à fendre les bourgeois dénote des aptitudes qui s'élèvent de cette catégorie. J'essaye de réajuster mon pas avec moins de souplesse, en voyant l'air troublé d'un riche marquis que je viens de contourner avec une grâce peu commune sans doute pour un homme de salons.

Tard dans la soirée, Solveig avait quémandé une servante pour venir l’aider à enfiler sa longue robe aux multiples jupes et dentelles vertes émeraude. Zibkine s’était alors rendu invisible, mais Solveig avait pu encore l’apercevoir du coin de l’œil, jouant avec curiosité dans la neige du balcon. Evidemment il avait fait quelques traces, quelques empreintes minuscules dans l’immaculée étendue, mais la neige était venue aussitôt recouvrir son insouciance d’un masque léger et frivole.

La domestique, avec un sourire, lui avait amené la robe de soie, que la jeune Gallienne avait passée par les bras, glissant le long de ses épaules pour venir finalement avantager sa mince silhouette d’un frisson vert. Ses cheveux enroulés en un chignon natté, orné d’or par fils perdus entre les lourdes mèches brunes de la jeune femme, sa robe cintrée, flottante et légère autour de ses chevilles, Solveig ne s’était tout d’abord pas reconnu. En fait, elle avait vu sa mère dans le miroir d’argent qu’avait doucement tourné vers elle l’aimable domestique. Mais elle s’était auparavant préparée à cette nouvelle image, la jeune fille ressemblant à sa défunte maternelle un peu plus jour après jour. C’est ainsi qu’elle s’était détourné impassiblement du reflet que lui avait renvoyé la glace, pour attraper lestement son loup de velours sombre, entre le vert sapin et le noir, moiré à souhait, bordé d’entrelacs d’or. Elle l’avait appliqué soigneusement sur ses traits concentrés, pensant à la soirée qui l’attendait alors. Elle avait été satisfaite de son image ; elle renvoyait celle d’une jeune fille de bonne lignée, jeune noble sans grand intérêt, mais simplement jolie, sans en rajouter trop pour attirer les regards curieux sur elle. Elle faisait en tout cas honneur à sa maison ainsi mise, du moins, elle l’espérait…

Solveig avait alors décidé, au vu des rires et conversations qui retentissaient déjà depuis la salle de Bal, qu’il était temps de rentrer en scène. Avec un sourire, elle avait congédié simplement son aide et appelant Zibkine par un jet de pensée, elle était sortie de sa chambre, suivie de la domestique. Elle allait devoir entrer dans son arène à elle, bien loin des lices semblables à celles que fréquentait Ailen… Elle avait entamé les longs corridors d’un pas étrangement peu assuré, la servante bifurquant peu après vers les quartiers des gentes dames, servantes et domestiques. Solveig était seule… enfin presque, puisque son écureuil la suivait à peu de distance de sa traine, d’un pas léger et désinvolte.

Enfin, la salle - immense- de bal, fut en vue. Elle n’était que draperies et lumières, mets appétissants et chandeliers en or. Les jupes des nobles damoiselles froufroutaient joyeusement, croisant au passage les jambes élancées de ces nobles et charmeurs messieurs. Certains semblaient s’amuser comme des petits fous, d’autres s’ennuyer à mourir. Solveig balaya la salle du regard. Ce soir, personne ne connaissait sa véritable identité, et elle n’en avait aucune à donner. Seul son loup serait son équivalence, son indice, son seul et unique visage… Bien sûr, il y avait Siegfried, son cher ami, et Svanhilde Nightingale, sa très respectée duchesse, mais également Lisbeth, sa nouvelle amie. Mais rien n’indiquerait leur présence et aucun indice ne serait laissé pour lui faire savoir qu’ils n’étaient pas loin et qu’ils la saluaient… Dans chacun des cas, Solveig savait pertinemment qu’elle ne devrait sous aucun cas interférer dans leurs affaires ce soir.
Ce soir… Solveig fit quelques pas, saluant d’un air détaché quelques nobles l’épiant, puis sortit précipitamment sur un frais balcon. Elle n’était véritablement pas à l’aise au milieu de tout ce monde. Elle se tiendrait alors à l’écart, n’en profitant que plus pour observer faits et gestes de chaque invité… Qu’il soit rebelle ou non.

Mais elle n’eut pas le temps de faire le tour patient de la salle que de glorieuses trompettes retentirent, fracassant un silence déjà bien rompu. On annonça le « roi ». Ce roi de pacotille, ce roi de rien du tout, ce tyran au pouvoirs sanguinaires, au cœur vide et creux, plein d’horreur, de cris et de crissements de poignards sur les centaines de corps innocents… Sur tellement d’innocents… Les poings de Solveig se serrèrent d’eux-mêmes, mais elle reprit rapidement le contrôle de ses émotions. Elle ne devait pas se mettre en danger, elle n’en avait pas le droit. Pourtant, elle brûlait d’un feu ravageur, sauvage, désirant créer tout à coup une lance mortelle cristalline, de glace luisante et meurtrière, pour l’enfoncer dans la poitrine de cet homme inhumain... Le paradoxe du monstre.
Les murmures s’élevèrent au fur et à mesure dans la salle, comme une trainée de poudre, et elle se retira dans l’ombre d’une fenêtre. Elle guettait d’ici l’entrée du tyran. Son rêve, son cauchemar, comment dire (?), allait enfin se réaliser. Voir cet homme serait sa délivrance. L’identifier, le repérer, le traquer, le faire souffrir, enrager, angoisser… puis le tuer enfin, insensiblement, comme il avait tué sa douce mère. Mais pour l’instant, la jeune Gallienne en était à épier les conversations et à repérer quelques actions à effectuer, ou tout simplement profiter de la soirée comme elle se l’était promis en Lorgol… Le roi attendrait. Il n’en valait même pas la peine. Sa traine couleur émeraude flottait sur le parquet, et elle sourit, d’un sourire carnassier, en pensant aux proches du roi qui allaient tomber ce soir. C’était sûr, les assassins n’étaient pas ici pour inaugurer les chrysanthèmes…

Perdue dans mes pensées, je n’avais même pas remarqué cet homme qui se glissa si près de moi qu’il aurait pu me poignarder, mettre un terme à mon existence sans que je ne remarque rien. J’étais à des lieux de cette salle, de cette fête, m’égarant sous la vision de Gabrielle et moi lorsque nous étions plus jeune, avant que je ne laisse mes pas et mes parents me mener jusqu’à la cour. J’étais si impatiente de rencontrer le roi, tellement émerveillée que je puisse attirer son attention, que je n’avais saisi que trop tard ce que l’on attendait de moi, dans l’immoralité de la concupiscence nullement justifiée par les liens sacrés du mariage. A cette seconde, j’avais juste désiré faire comme si j’étais en mesure de remonter le temps, de chasser d’une main invisible les dernières années de mon existence. Aussi suspendis-je mon souffle, surprise par celui qui fit une remarque qui ne seyait en aucune manière à ces lieux.

« L’Empereur punit pour bien moins que cela, mais j’imagine la jalousie qui taraude votre être dans vos paroles. Qu’elle femme n’envierait pas la position qui est la mienne ? Je suis fière de le servir de la manière dont il le désire et le souhaite. » soufflais-je en réponse à ce murmure égaré à mon oreille, paroles qui paraissaient sincères et pleines d’orgueil, mais qui n’étaient que le pâle reflet d’une vérité que je haïssais. Dernières paroles qui m’offrirent l’audace de me retourner pour croiser ces prunelles océanes, sans même percevoir la tristesse de ses lèvres. Il n’y eut que ce regard qui captiva le mien, comme un murmure brumeux s’esquivant, folâtrant avec l’obscurité songeuse que ses iris trahissaient pourtant. Ils m’entraînaient dans des songes devenus trop douloureux pour ne pas y perdre ma joie. Mon cœur s’étouffa d’un battement, me tirant, m’entrainant bien des années plus tôt, sans l’once d’une certitude. Car la vision ne dura que l’ombre d’une seconde ; il y eut des pas. Pas qui le laissèrent disparaître avant même que je puisse être certaine de ce que je venais d’entrevoir.

Mes lèvres s’entrouvrirent comme pour le rappeler…
{Thilie !} gronda la voix de Moïra dans mon esprit chamboulé, brisant le timbre de ma voix avant même qu’il n’en vienne à s’échapper de mes lèvres entrouvertes, tandis que je me détournais à nouveau, esquissant quelques pas, mes mains venant se lover sur la rambarde de la terrasse. {Et si ce n’est pas lui ? Tu ne peux pas te permettre de l’appeler ! Tu ne peux pas prendre ce genre de risques ! Pense à ta vie, à ta sœur, ce serait risquer la colère de l’Empereur ! Et si c’est lui, tu le mettrais en danger ! Reconnais…
- Je sais Moïra. Je ne suis même pas sûre de savoir ce que j’ai vu… Je le hais tellement que je m’entoure de chimères pour lui échapper. Liam… ce ne pouvait être lui de toute façon. Ces masques me jouent des tours… je m’étonne de ne pas avoir imaginé que l’une de ces têtes blondes soit Gabrielle tant j’espère la revoir… }

J’esquissais un simple soupir à la fin de mes paroles échouées à mon âme, mais déjà je sentais celle de l’hermine se lover spirituellement contre la mienne, m’offrant sa douce chaleur, sa présence et sa force. Elle était là, je n’étais pas seule, même si la vie me paraissait si fade, je pouvais affronter la nuit et les évènements à venir. Je devais vivre pour Moïra, pour Gabrielle, pour voir enfin la chute d’Augustus. Les raisons semblaient vouloir augmenter… me garder en vie. Alors que je n’avais jamais été suicidaire, juste lasse… mais pas ce soir. A cette pensée, les hérauts firent résonner leurs trompettes, annonçant l’arrivée imminente de l’Empereur. Aussi, me détachai-je de la balustrade pour retourner à mon tour dans la salle de bal, me glissant à nouveau dans ce rôle qui ne m’avait quitté qu’à l’ombre de mon esprit. Sigvald et les autres devaient déjà être là, je devais être attentive… car la nuit ne faisait que commencer.

D'autres invités passent les portes et à chaque fois, tu peux observer sur leurs visages masqués l'émerveillement. Ton sourire ne quitte pas tes lèvres, tant que tu es content de l'effet que provoque cette salle, cette soirée, sur tes invités. Un murmure à ton oreille te fait te pencher légèrement vers ta compagne et tu acquiesces d'un léger signe de tête à sa requête, l'effleurement de ses lèvres contre ta peau faisant naître un frisson sur ta nuque. Tu n'oserai jamais poser la main sur elle, elle ne t'appartient pas et votre relation est dépourvue de toutes ces concupiscences, mais cela ne t'empêche pas de réagir à son contact. Tu t'éloignes d'elle et la laisse dégager son bras du tien, lui faisant une courte révérence avant de lui souffler, de la même voix basse que la sienne :

« Profitez bien de votre liberté, chère amie. »

Tant qu'Augustus n'est pas là, tant que son masque cachera ses traits, elle sera libre.

Tu t'éloignes également, après avoir observer sa silhouette se fondre dans la foule des nobles, cherchant des connaissances du regard. Cherchant si tu connais quelqu'un, dans cette foule maquée. Certaines postures, certains gestes, certaines voix te rappellent des personnes que tu connais. Cette déesse blonde serait-elle Cyselle de Lagrance ? Tu n'en es point sûr, mais peu importe qui soit-elle, elle est magnifique. Un homme te bouscule accidentellement en marchant brusquement et tu ne peux mettre un nom sur ce haut personnage, jusqu'à ce que tu vois une jeune femme à la robe aussi rouge que sa veste. Oh. Oui. Tu te souviens. Tu étouffes un rire pour toi-même et t'approches de ladite jeune femme, aux sombres boucles élégamment remontées, mais alors que tu vas pour l'aborder, les hérauts sonnent les trompettes. L'Empereur. Déjà arrivé ? Peut-être pas. Peut-être seulement veut-il vous tenir sur le qui-vive. Rien ne te surprend de la part de cet homme. Tes yeux noirs fixent les portes de la salle, qui s'entrouvrent, puis tu détournes ton visage pour regarder la demoiselle à la robe rouge, dont l'expression d'indifférence t'amuse.

« J'espère que cette soirée et ses surprises sauront faire naître un sourire sur votre charmant visage, ma dame. »

Si elle savait ce qui se prépare, d'ailleurs. Tu crois avoir reconnu la duchesse héritière d'Outrevent et si tu as visé juste, tu aurais presque envie de lui dévoiler la... surprise qui la concerne. Un clin d’œil de malice à peine contenue et tu continues d'évoluer entre les invités.

Tout avait été visiblement fait pour assurer à chaque invité la meilleure des soirées. De la magnificence des décorations à l’envoûtante symphonie qui vient charmer nos oreilles. Et je ne doute pas que les rafraîchissements, plats et divertissements qui nous serons proposés par la suite seront tout aussi recherchés. Que ne ferais le duc de Sombreflamme pour contenter son seigneur et maître ? Sans doute est-ce là ce qui me retient de profiter réellement de la fête qui s'annonce. Je ne puis regarder le faste déployé sans songer que se dissimulent derrière une soumission sans bornes à un empereur tyrannique. Nul doute qu'en d'autres circonstances, j'aurais probablement goûté aux agréments que me promettent les heures à venir. Mais en attendant, il me faut continuer de faire bonne figure. Si je ne parviens à appréhender ce bal avec plaisir, il me faut au moins plaquer sur mon visage masqué une expression souriante et aimable, propre au rôle que je tiens.

Alors, usant de toute l'aisance que peuvent apporter des années passées à la cour, ce sourire de circonstance définitivement plaqué sur mon visage, je m'affaire à circuler d'un groupe à l'autre, saluant et conversant à mi-mots avec les différentes personnes que je croise. Toutes me sont indifférentes quand elles ne me sont pas déplaisantes. Mais à celles et ceux que je considère comme des amis ou alliés, je n'adresse pas un mot. Il est certain qu'il ne faudra guère de temps avant que chacun soit en mesure d'identifier les différents convives et il est des sympathies que je ne souhaite pas laisser voir. Ainsi n'échangeons-nous qu'un simple signe de tête avec Cyselle, accompagné d'un sourire poli. J'irais certainement la voir quelques instants - ainsi qu'il est de rigueur entre deux duchesses héritières - mais plus tard. A la valse superbe qu'elle exécute, je devine qu'elle n'a pas choisit son cavalier au hasard. Tout comme je suis rebelle, elle est espionne et que je sois déchue si elle n'aspire pas à davantage que lui soutirer quelques compliments sur sa grande beauté. Quant à la jeune baronne d'Ibelin, il n'est pour le moment souhaitable que nous affichions une quelconque connivence qui pourrait trahir nos récentes relations.

Non, il ne fait décidément nul doute que m'en tenir à d'innocentes conversations de cour. Les pantins d'Augustus présentent au moins l'avantage d'avoir des discours similaires qui me permettent d'observer et de retenir. Ne pas connaitre les lieux dans lesquels je me trouve me déplaît. Il est indispensable que je sois en mesure de réagir quoi qu'il advienne. Pour le bien d'Outrevent. Aussi je tente de rendre mon examen de la salle aussi minutieux que possible.

Le soudain son des trompes me fait sursauter et recentre mon attention sur la porte par laquelle l'usurpateur devrait apparaître d'un instant à l'autre. Rien encore pour le moment. Mais à la seule pensée qu'il sera bientôt parmi nous, mon sourire courtois vacille. Et son absence est aussitôt déplorée par notre hôte. Le faisant réapparaître au plus vite, je le salue d'un léger signe de tête malgré toute mon envie de laisser la foule m'emporter loin de lui.

- Mes hommages monsieur. N'ayez crainte, si le brusque éclat des clairons m'a surprise au point de m'en faire perdre mon sourire, il ne saurait rester absent bien longtemps devant tant de splendeur et d'agrément. Ces préparatifs ont du demander un temps et des efforts considérables. Vous pouvez être fier de votre réalisation.

A nouveau j'incline à demi la tête, comme une reconnaissance accompagnant mes mots. Rien, de mon maintien à mon ton, ne traduit la véritable nature des sentiments qui m'assaillent au contact du futur duc, cet homme tour à tour fuyant ou carnassier, au comportement plus que déroutant. Et mon envie de mettre de la distance entre lui et moi n'a d'égale que le malaise que me provoque son sourire narquois. S'il est aussi parfaitement maîtrisé que le mien en terme d'hypocrisie, il n'en contient pas moins une imperceptible part d'amusement que je ne parviens à déchiffrer. Apercevant non loin ma très chère Denise au bras de son époux, je prétexte la volonté d'aller les saluer pour prendre congé, tout en guettant la seconde qui verra paraître le tyran.

Comment quitter ce regard ?...

Elle se retourne, et mon esprit s'échappe. Ses mots ont été durs et violents, mais ses yeux, eux, ne le sont pas. Ils m'entraînent loin d'ici, en un temps où une telle réception n'aurait été que banalité, en un temps où nous pouvions parler sans crainte, en un temps où nous étions libres... Cela fait longtemps que l'un comme l'autre, nous avons renoncé à cette liberté. Même si je me targue d'être libre, je suis enchaîné au combat que je mène... Elle, je ne sais pas, autant ses mots étaient d'une perfection sans faille dans l'estime qu'elle a du souverain, autant ses yeux, ses yeux magnifiques où se lisent surprise, douleur et joie, me disent tout l'inverse.

Je cesse un instant de respirer, noyé dans mes souvenirs, noyés dans un autre temps, un autre lieu... A-t-on vraiment partagé ce baiser dont mon cœur se souvient ?... Il me semble... C'était avant que le devoir me rappelle à l'ordre. C'était avant que mon mariage avec Cyselle ne dusse me voler mon amour, c'était avant que je commette l'irréparable. Tout se mêle en cet instant en une brume houleuse où le temps et l'espace n'ont plus d'emprise.

Mes pas me guident d'eux même vers la sortie. Comme un automate, je disparaît pour échapper à une menace dont je ne connais même pas les contours, mais ma méfiance est bien trop présente pour rester là. Fantôme, ombre d'un souvenir. Je ne suis plus. Je ne fais plus partie de ce monde. Du moins, tant qu'Il vivra... Je m'échappe, laissant là cette femme dont je ne sais que penser. Mon cœur, en cet instant, me souffle de toute ses forces qu'elle se bat. Je voudrais pouvoir le croire.

Trompettes. Réveil. Le souverain arrive. Rappel à la dure réalité. Je m'efface un peu plus sur les côtés de la foule. Je ne suis pas un espion. Je ne suis pas Cyselle, qui doit être là quelque part à tromper les gens, les séduire ou les écouter, pour leur soutirer des informations... Je ne suis pas ma sœur, qui est capable par ses mots de laisser penser à tous qu'elle est du côté du souverain alors que son frère même mène la révolte. Je ne suis pas Svanhilde, malgré mon caractère aussi trempé, le poignard n'est pas mon arme de prédilection, préférant me battre au grand jour. Je ne suis pas ces hommes et ces femmes qui ont rejoins le souverain par lâcheté ou par vice. Enfin, je ne suis pas un simple Rebelle, qui peux se permettre d'être pris. Je suis l'une de ces pièces maîtresses qui ne devraient pas être là. Alors, pour une fois, je vais essayer de me faire discret. J'ai déjà fait beaucoup trop de bruit en bien peu de temps, inutile de continuer. Je reste près des sorties, secrètes ou non, que j'ai repérées.

Dans la tranquille couverture de la foule, j'observe. Je cherche à mettre de des visages sur les masques, et n'y parviens que trop rarement à mon goût. Un sombre pressentiment m'atteins... L'atmosphère, malgré la musique et les danses, est lourde, glauque et menaçante de tensions bien trop longtemps contenues. Je n'aime pas ça.

Le sang coulera ce soir, au bal d'hivers. J'en fais le sinistre et terrifiant paris.

Le bal masqué.
Mon époux s'avança vers moi pour me tendre nos invitations. Le regardant d'un air lasse, je lui faisais par de ma réticence quant à ce genre d'évènements. Il en avait marre, disait-il, que je me plaigne tout le temps. Attrapant le carton dans mes mains je passais mes doigts sur les reliefs de l'écriture sans même lire quoique ce soit je lui demandai si Nereïa pourrait venir. Il me répondit que non, ce bal n'était pas pour une enfant. J'étais déçue; encore une fois. Le seul intérêt que je puisse trouver à ce genre de soirée était la beauté de ma fille s'entraînant à danser. Le regardant tout en tournant des talons je lui fis par de mon mécontentement. Sans même me répondre il me signifia juste de me préparer, et me taire si possible.

Je me dirigeai donc vers la chambre, sortant une magnifique robe dans les tons de beige, et cherchant dans un placard un de ces fameux masques noir et doux laissant entrevoir la prunelle de mes yeux sans dévoiler les traits de mon visage. Voyant une domestique entrer, je la regardai en souriant. Je n'aimais pas me faire habiller, peut-être parce que dépendre des autres me pesait déjà bien trop. Je la laissais pourtant faire son travail, sachant pertinemment qu'en m'y opposant je courrai à sa perte et non à la mienne. Discutant tranquillement avec elle faisant les derniers accords de ma robe, la porte s'ouvrit et une petite silhouette fit son apparition à mes pieds. Elle me disait qu'elle ne voulait pas rester avec les autres enfants ce soir, elle voulait voir sa marraine. Lui expliquant que ce n'était hélas pas dans la mesure du possible, je lui promettais de rendre visite à Lisbeth le lendemain. La domestique me proposait de garder ma fille. Avant de prendre une quelconque décision je vérifiais quelques points auprès d'elle. Lorsque je fus rassurée quant à sa fidélité aux rebelles et non aux traîtres je lui confiais ma chair et mon sang avec plaisir.

Enfin prête; Dolph vint me chercher pour nous rendre au bal. Le voyage me laissa me perdre dans mes pensées, au plaisir de mon époux qui ne m'entendit pas du trajet. Arrivée à l'entrée de la salle je fus blasée de voir le monde. Je détestais ça, faire des courbettes aux idiots sbires du Roi. Observant un peu plus attentivement je vis des présences rassurantes. Mais comment avais-je pu oublier? Ce soir il allait se passer quelque chose, et la présence des membres de la Confrérie Noire je pensais désormais à réagir quoiqu'il advienne. Il allait se passer quelque chose ce soir, quelque chose d'énorme, et mon mari ne devait pas s'en douter pour un sou. Observant la salle afin d'y reconnaître des visages familiers ma tâche s'avérait difficile avec la présence des masques.

C'est le bruit sonnant l'arrivé de sa Majesté qui me sortit de mes pensées. Tournant la tête vers mon époux je vis qu'il s'était arrêté de parler avec un de ses merveilleux amis pour observer l'arrivé de son précieux Augustus. Ayant un sentiment de dégoût à cette image, je vis Lisbeth s'avancer vers moi. Sauvée. Enfin. Souriant à mon époux qui vit Lisbeth s'avancer il me laissa le loisir de m'écarter de lui, ce qui nous faisait autant plaisir à l'un qu'à l'autre.

Observant toujours du coin de l'oeil l'arrivée tant attendue, je prenais le temps de tourner les yeux vers mon interlocutrice pour constater sa gêne complète et son air apeuré. " Que vous arrive-t-il mon amie, vous n'avez vraiment pas l'air bien...? N'ayez pas peur, nous ne sommes pas seules." Me voulant rassurante je ne l'étais pourtant pas moi-même. N'ayant pas réellement peur pour nous, nous sachant bien protégées, j'avais peur pour nos amis qui risquaient leur vie ce soir.

Spoiler:

Dans ton satin et tes soieries, tu évolues lentement de table en table, inclinant la tête de ci, de là, répondant aux sourires et aux saluts adressés par des inconnus. Tu te sens vulnérable et exposée, même emballée dans des mètres et des mètres de tissu, et tu peines à contenir ta nervosité. Dans un coin de tes pensées, Arius, ton Familier, s'inquiète et s'agite. Resté à Lorgol, à l'abri de la Tour Noire, il enrage de ne pas être à tes côtés, mais tu as préféré te déplacer seule. Du coin de l'œil, tu aperçois Sigvald avancer vers toi. Il est fort séduisant dans cette tenue que tu l'as aidé à choisir, et ton épiderme frémit encore au souvenir de ses caresses et de la nuit qui vous a réunis. D'un geste dégagé, tu saisis son bras. Vous attendez l'Empereur, et vous n'agirez pas avant que la nuit n'avance de quelques heures. Quelques moments, vous évoluez côte à côte, rendant inclinations du buste et signes de tête, sous vos noms d'emprunt. Vous croisez Siegfried sous son masque, plus loin Jodhaa dans sa robe écarlate sur laquelle le sang ne se verra pas, et Mélisende tout au fond là-bas, qui suit Gaëtane de Salvemont à la trace, innocemment.

Là-bas, les mèches blondes de la Dame de Lagrance – et derrière elle, la silhouette menue de sa suivante. D'une pression de la main, tu indiques à Sigvald de diriger ses pas vers elle, l'air dégagé, continuant vos saluts. Arrivés près d'elle, tu t'inclines comme son rang l'exige envers celui que tu prétends avoir, malgré ta couronne de duchesse que bien évidemment tu ne portes pas ce soir, puis tu te relèves et tu passes à côté d'Asma dans un geste naturel et innocent.

« Bonsoir, Asma. »

Deux mots inoffensifs, un signe de tête – tu sais qu'elle t'a reconnue, à tes intonations, et qu'elle a compris le message dissimulé dans tes paroles. Soyez vigilante, Asma – car ce soir, tout peut arriver. Dans la foule, alors que vous vous éloignez de Cyselle, tu croises un regard sombre que tu as déjà vu quelque part – des yeux déterminés, porteurs de funestes présages, qui te rappellent le chef des Rebelles. Se pourrait-il que Liam d'Outrevent soit là ce soir ? Vos espions ont révélé la présence de Lisbeth, mais rien concernant son frère. Si c'est bien lui, alors, la soirée sera intéressante... Focalisée sur cet être énigmatique, tu t'arrêtes au bras de Sigvald, une main sur la sienne. Il finit par croiser à nouveau ton regard, et tu es presque sûre de ton fait, malgré le masque, et tes yeux lui envoient une ardente prière – ne faites rien, Liam, pas ce soir, laissez-moi agir, et protégez votre soeur... Concentrée sur ta mission, tu tournes la tête alors que les trompettes sonnent et résonnent, et tu te laisses mener par Sigvald là où il veut t'emmener avant l'entrée de l'Empereur.

Poser les yeux sur ton ennemi de si près, voilà un moment que tu attends depuis longtemps.

Dans ton éloignement, tu ne portes pas d'attention à l'endroit où tes pas te mènent. Ton seul but est d'éviter ta fiancée, qu'elle ne sache même pas que tu es là ce soir. Oui, si tu pouvais être invisible, le temps de cette soirée, ce serait parfait. Malheureusement, tu ne l'es pas, et tu es également bien physique. Tu bouscules réellement un homme, qui grommelle que tu devrais faire attention où tu mets les pieds, et tu ne prends même pas la peine de t'excuser. Tu t'éloignes jusqu'à te diriger sur le balcon, immense, qui surplombe les jardins glacés du palais. Ce palais immense et décadent est à l'image de son étrange duc et de toute sa lignée : il est si grand qu'une armée entière pourrait y loger et y être à son aise, et il n'est, en vérité, habité que par un seul occupant et une horde de domestiques. Tu t'abandonnes un instant à la contemplation du paysage de glace qui s'étend sous toi avant de te retourner, le bruit des trompettes interrompant le fil de tes pensées. Probablement une façon comme une autre d'annoncer l'arrivée prochaine de l'Empereur. Tu vois les nobles s'agiter, plusieurs retourner à l'intérieur pour ne pas manquer ce moment apparemment très important dans leur minable petite vie faite de parfum et de bains de lait, mai rien ne se passe. Personne n'arrive.
Un sourire narquois, cynique, étire tes lèvres, et tu laisses échapper un petit rire amer. Tout ce cirque t'énerve, t'échappe. Tu ne comprends pas l'intérêt de ce jeu et tu t'appuies donc contre le mur qui sépare l'intérieur de l'extérieur, ne prenant pas garde à la présence d'une toute jeune femme dans une robe d'un vert sombre. Le murmure que tu prononces est irrévérencieux, moqueur :

« Sans doute a-t-il fait sonner les trompettes pour prévenir l'arrivée de son ego, si immense qu'il le précède. »

Oups ?
Tu prends conscience de la jeune femme près de toi. Peut-être as-tu fait une gaffe. Avec un peu de chance la demoiselle est-elle favorable à la cause rebelle, ou sinon, a-t-elle un sens de l'humour qui peut rejoindre le tien. Encore heureux que tu n'aies point fait cette remarque près des oreilles de Martial de Bellifère, au risque de perdre toute ta langue. Imprudent personnage qui ne fait que dire tout ce qu'il pense fais-tu. Un petit sourire, hésitant, pour la jeune fille.

Quelques instants plus tôt tu te trouvais dans ta chambre le visage rivé sur la silhouette d'une femme qui se dessinait sur le miroir. Une femme ravissante aux courbes fortement souligné par la robe rouge qui accentuait la pâleur de son corps. La robe en question était plutôt simple et pourtant porté par cette femme elle pouvait rivaliser avec bon nombre des tenues les plus luxueuses. Les lèvres de la femme ressortaient vivement, ses yeux d'un merveilleux brun, étaient mis en valeur par des traits sombres l'entourant. Se posant enfin sur son visage de porcelaine un masque noir cachant ainsi le centre du visage de la belle. Encadrant ces doux traits une chevelure brune parfaitement ondulé retombé sur ses épaules. Oui... Elle était ravissante... Et cette femme, c'était toi : Amra.

Tu te tenais maintenant au milieu du couloir, le temps semblait pour toi comme aller au ralentit. Tu ne savais plus pourquoi tu portais une tenue aussi luxueuse, ni pourquoi tu te tenais dans les couloirs du Palais du Duc Castiel...A dire vrais la raison du port d'une robe d'un rouge profond, d'un masque et d'une courte dague dissimulé à ta cheville, n'était autre que le Bal du Solstice. Tu devais t'y rendre et tu le savais fort bien. Voilà pourquoi tu avais quitté Lorgol il y a quelques jours pour te rendre à Euphoria. La veille tu avais eu rendez-vous avec le Duc Castiel, il était tout à fait normal que tu te rends à son bal. Et puis, cela te donnais une seconde possibilité de croiser la route de ta cousine, Asma... Un sourire mauvais apparut au coin de tes lèvres pendant qu'avec délicatesse tu plaças le masque sur ton visage et que tu t'avançais vers les grandes portes qui te cachaient la salle de bal.

Tel un Phœnix tu fis ton entré, personne ne pouvait savoir qui tu étais -le masque jouait fort bien en ta faveur- seul les personnes les plus proches pourraient te reconnaître sous cette tenue. Tu parcourus la salle du regard te fondant parmi les invités tous plus riches les uns que les autres. Quelques fois un visage caché par un masque te semblait familier, mais tu n'allais certes pas vers eux. Après tout, ils n'avaient qu'à venir a toi... Soudain, tu entendis que les trompettes sonnaient, l’Empereur sera bientôt là… Toute l’assistance semble prête, tout comme toi…

Tes yeux de princesse étaient emplis de centaine de merveilles. Les toilettes de ces dames étaient plus que magnifiques. Tu te sentais toute petite face à certaines. Quand la duchesse de Nightingale dissimulait sous de faux traits passa à tes côtés, et te salua que ton sang se glaça. Elle était là, tu l’avais su dés ton entrée dans la pièce. Elle était belle dans sa robe, qui était-elle sous ce masque ? Tu inclinais la tête dans sa direction, pour toi elle était une noble et ce soir elle ne devait pas être déchue. Ton cœur battait, et tu appréhendais la suite des événements. Tu savais qu’il allait arriver quelque chose, tu devinais quelles étaient les cibles mais sous ces masques tu ne reconnaissais pas tout le monde. Tu restais parmi la foule. Tu te fondais au milieu des autres invités, prenais part aux réjouissances pour ne pas attirer les regards vers toi.

«Bonsoir Ma Dame. »

Svanhilde ne resta pas longtemps près de toi, une nouvelle mise en grade. Tu pris une longue inspiration pour gonfler ta poitrine et sentir le poignard dans ton dos. Oui, il était là. De plus en plus, la peur envahissait chacun de tes membres. Tu n’avais pas le cœur à la fête quand tu savais que les pièces de l’échiquier se mettaient peu à peu en place. Tu frissonnais. Tu pris une coupe sur une table en passant que tu bu d’une traite, tu plissais les yeux. Perdit un instant ta duchesse du regard, avant de la retrouver sans son cavalier. L’empereur était là également. Tu avais l’habitude de le voir plusieurs fois à la cours. Tu t’inclina quand il fit son entrée, et prit sa favorite par le bras. Par contre, ton regard se posa sur une jeune brune qui portait une robe étincelante. Rouge sang. Ton sang sans nul doute. Amra… Tu la reconnaissais malgré son masque, ça tu en étais sûre. Une Angham. Tu t’approchais d’elle, différentes jusqu’au bout des ongles et pourtant, physiquement pareilles. Elle, dans une robe rouge. Un phénix qui avait renait de ses cendres. Toi, dans une robe blanche. Un oiseau blanc, délicat, et qui ne cherchais pas nécessairement à faire du mal autour de toi.

«Bonsoir Amra, fais attention à toi hein... »

Tu lui lançais un petit sourire. Tu savais que tes rapports avec ta cousine n’était pas des plus excellents, tu te demandais même ce qu’elle faisait ici. Elle te suivait ?! Tu n’avais pas prévu l’éventualité, qu’elle ferait partie de tes ennemis ce soir. Tu devais déjà protéger ta duchesse et ta personne… l’arrivée d’Amra te préoccupait. Tu applaudissais à l’annonce de Castiel de Sombreflamme, qui était terriblement séduisant. La musique retentit encore plus fort, et une valse débuta. Ton cœur battait au son des instruments. Ton cœur s’emballait.

Le bal des poignards allaient commencer. Tu ne savais pas jouer aux échecs, mais ce serait un coup de main à prendre !

Chapitre 1 ¤ Event 01.
le Bal d'Hiver
Décembre, An 801.
Palais du Duc de Sombreflamme.

Solveig avait observé les mouvements divers que la foule s’appliquait à effectuer dans l’attente ridicule de ce tyran odieux qu’est Augustus. Les couples se cherchant, les valses s’interrompant, les murmures rebelles ou partisans s’élevant parmi la cohue. Soudain une silhouette avait passé devant ses yeux concentrés. Un jeune homme, d’allure noble, mais naturelle.

Sans lui prêter une grande attention, elle s’était placée à son côté pour mieux voir les immenses portes qui s’apprêtaient à accueillir le tyran. Sans réellement s’y attendre, le jeune homme tout de pourpre, affichant une barbe mal rasée d’ailleurs -observation qui fit sourire la jeune Gallienne-, lâcha dans un souffle cette désopilante remarque :

« Sans doute a-t-il fait sonner les trompettes pour prévenir l'arrivée de son ego, si immense qu'il le précède. »

Surprise par l’audace du monsieur et l’humour de son ironie, Solveig ne put alors s’empêcher de rire, étouffant ce brusque éclat dans sa main, espérant que personne autour d’eux n’aurait entendu ; ni le jeune noble, qui serait alors en danger, ni elle, que l’on fusillerait alors violemment du regard un peu partout… Mais non, son rire incontrôlé passa heureusement inaperçu… Pour la première fois depuis des mois, elle riait sincèrement et avec insouciance. Le noble lui sourit, vérifiant sûrement au passage l’allégeance de la jeune fille. Qu’il ne se fasse aucun mouron, je crois que si je pouvais le clamer en l’inscrivant largement sur une bannière, je le ferai ! pensa-t-elle, lui souriant en retour. C’était un sourire de complicité, mais qui cherchait à le réprimander pour sa négligence aussi peut-être.

Cher monsieur, ce n’est peut-être pas prudent d’agir ainsi en présence de tant d’invités de marque fidèles à l’actuel régime…. Mais je me permettrai d’ajouter que, si son égo précède de loin son apparition, c’est assurément son imposante bedaine qui suit ce même égo de près... Nous risquons d’attendre encore longtemps l’arrivée en toutes pièces de notre cher souverain !

Solveig avait glissé un ton et un sourire fortement amusés dans cette phrase qu’elle avait murmuré tout près de l’oreille de son voisin à barbe. Détournant le regard comme si de rien n’était, son sourire ne quittait cependant pas son visage… Elle appréciait enfin cette soirée. Elle riait intérieurement de ces nobles qu’elle trouvait si ridicule, heureuse de trouver enfin un jeune rebelle à qui confier sa solitude du soir, en ce bal.

Pourtant elle surprit tout à coup le jeune homme à regarder dans une drôle de direction. Il lui attrapa soudainement le bras pour l’entraîner à l’extérieur, sur le spacieux balcon. Prétextant une valse, il la tint plus fermement et l’attira à lui. Solveig ne sachant que dire le suivit, emportée dans ses grands pas peu assurés. L’homme sentait la mer. La jeune Gallienne fut surprise par cette révélation : l’iode, le sel, le sable, les bateaux pleins de marchandises aux saveurs exotiques… Un marin ?
Solveig, oubliant ces impressions, rougissante et choquée par ce brusque accès d’elle-ne-savait-quoi de son cavalier, repoussa un peu le jeune marin et tenta de regarder vers cette chose qu’il tentait de fuir. Suivant son regard irrité, ses yeux éthérés et curieux tombèrent sur une silhouette toute en flammes écarlates qui lui semblait étrangement familière... Mais elle ne dit mot et interpella le jeune homme qui avait alors interrompu ses pas dansants.

Monsieur… ? Dites moi, qu’est-ce qui vous amène en ces lieux bondés ? Il semblerait que vous cherchiez à éviter certaines personnes, au point que vous preniez la fuite en emportant en otage une jeune fille sans défense !

Ce jeune noble lui était sympathique, elle évoqua alors ce curieux agissement avec humour et sincérité. Solveig désirait réellement savoir d’où venait ce jeune homme au goût de sel et d’océan…

Il allait répondre lorsque, d’un même mouvement, l’assemblée toute entière rassemblée à l’intérieur de la salle de bal se courba vertigineusement. Solveig et l’inconnu firent précipitamment de même, à contrecœur cependant. La Gallienne serra les dents avec force, tandis que son compagnon semblait également bien importuné de ces manières. Après un court silence durant lequel Solveig et le jeune homme regagnèrent silencieusement les invités, une voix, chaude et enjouée, demanda un moment d’attention. Solveig entendait ses paroles clairement, et elle reconnut dans le discours le nom de son amie, la digne et courageuse Duchesse d’Outrevent ; Lisbeth d’Outrevent. A ce nom, son voisin marin frémit. Solveig aperçut de loin son amie, cette même fière silhouette évoluant avec grâce qu’elle avait vue un peu plus tôt depuis la terrasse. Ne comprenant pas, le Duc de Sombreciel combla bientôt son manque d’informations :

…c'est à moi que revient l'honneur d'annoncer les prochaines fiançailles de dame Lisbeth d'Outrevent avec le marquis héritier, que dis-je ?, le capitaine !, Louis de Brunante.

La masse imposante d’invités se retourna d’un bloc vers la duchesse, puis vers Solveig et son compagnon. Celle-ci leva des yeux étonnés, et peut-être un peu atterrés, sur le marin à la barbe mal rasée, aux effluves de sel de mer, branlant sous le poids des innombrables regards. Elle applaudit tout de même à l’unisson des centaines de nobles, toujours sous le coup de la surprise…

Bientôt le Duc lança une valse, et c’est apparemment forcés que les deux jeunes fiancés durent ouvrir cette danse. Solveig sourit à son amie qui l’avait reconnue en s’approchant, et à ce marin, dont elle savait à présent le nom et la provenance. Capitaine, Ansemer, Brunante… Louis de Brunante. Remarquable gaillard, certainement, mais très peu pour l’ardente Lisbeth… Confrontée sans cesse aux poids de la cour, que ferait-elle d’un mari -marin- … ? Et lui, sera-t-il heureux en cette cour, coupé de sa chère mer … ? L’inquiétude pris le pas sur la joie de Solveig, mais elle n’eut le temps de se pencher un peu plus sur ces sentiments car, agréablement, un autre marin venait à présent lui proposer une danse. Ma foi, les effluves que Louis avait laissées sur sa large jupe attireraient sûrement plus d’un fou d’océan !
Solveig accepta gracieusement et rejoint les tourbillons étoilés des couples évoluant sur la piste luisante.