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 Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir

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La Sombre Mère
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MessageSujet: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeLun 26 Nov - 14:38

Le cuir me réchauffe la peau. Il fait une chaleur torride pourtant, en ces derniers jours d'août – la température est étouffante le jour, mais le soir la fraîcheur du crépuscule envahit Lorgol, et je suis bien dans mes cuirs d'assassin. Cela fait presque six mois que je me contentais de robes de cour et d'intérieur, plus confortables pour mon ventre de future mère que l'étroitesse ajustée de ma tenue sombre, et l'enfiler ce soir m'a fait comprendre combien les choses ont changé en quelques semaines. Mon ventre à nouveau plat n'en est que le signe extérieur – et la fatigue immense qui pèse sur mes épaules n'est que le sommet émergé de l'iceberg. Oui, je sens le cuir sur ma peau, et la présence réconfortante du poignard familier contre ma poitrine, et celle solennelle de ma lame d'assassin contre la hanche. Cape noire pour dissimuler mes traits, me voilà en train d'arpenter les rues de Lorgol comme la marcheuse d'un rêve éveillé, à mi-chemin entre l'irréel et la réalité. La capitale est vide, les festivités du lendemain découragent toute activité nocturne tant il faudra d'énergie pour la fête mémorable qui s'ensuivra – et j'avance, à la frontière de l'imaginaire, héraut de l'Apocalypse aux ailes teintées du sang des innocents. A ma droite, Théobald, et à ma gauche Enguerrand – deux ombres félines, aux aguets dans l'obscurité qui nous couvre de son doux manteau. Une garde d'honneur digne de ce nom pour la Reine de Nightingale, deux chevaliers dignes de ma confiance pour la mission étrange que je me suis fixée. Au-dessus de nous, une ombre plane, silencieuse et majestueuse – Arius vole gracieusement sous le firmament chimérique, ma beauté du ciel, mon parfait complément, et dans le noir ses yeux étincellent doucement, étoiles parmi les étoiles. Oui, c'est vrai – ce soir, des étoiles marchent parmi l'humanité.

J'en tiens une au creux de mes bras. Blottie contre moi, bien au chaud dans les remplis de ma cape, lovée contre mon cœur qui bat pour elle désormais, Sigal est là, paisible comme la perfection qu'elle incarne. Son poing minuscule refermé autour d'une de mes mèches blondes, ses tous petits doigts cramponnés à l'une de mes boucles, elle dort. Impassible, immuable, sereine. Elle dort, cher ange – elle dort, ignorante du destin qui se trame ce soir autour d'elle. Ma fille. La chair de ma chair, l'héritière de mon sang, et de celui de son père. Elle est tout ce qu'il me reste de Sigvald, elle est son être et sa flamme, et j'ai pour elle le même amour profond que celui que j'ai pour lui, un amour irrépressible et dévorant, qui flamboie haut dans les ténèbres, ardent témoin de la passion de mon âme qui s'épuise petit à petit de trop vivre. Sa naissance aura marqué le début de ma vie de mère et la fin de ma vie d'enfant – cette nuit-là, j'ai grandi, j'ai mûri. Je suis pleinement devenue celle que j'étais vouée à être, et depuis, je vois les choses plus clairement. Oh, chère enfant, ma toute petite – je me rappelle le premier regard que nous avons échangé, et la vague intense d'amour pur qui a déferlé sur moi, noyant sous son assaut tout ce qu'il subsistait de désespoir en moi. Pour toi, je sauverai Arven – pour toi, je me ferai la championne de cette magie que tu respires depuis ton premier souffle.

Nous voilà devant l'entrée secrète qui mène à la suite condamnée depuis deux siècles des ducs de Nightingale. Théobald ouvre la marche et Enguerrand veille sur nos arrières – les uns derrières les autres, nous empruntons la volée de marches dissimulée dans la muraille qui mène vers l'aile des têtes couronnées. Dans la suite, Joséphine nous attend, et c'est à elle que je confie Sigal le temps d'enfiler les vêtements de Cour qu'elle nous a apportés, aidée en cela par son poste de suivante de la marquise de Sinsarelle. Elle ne m'apprécie guère, c'est une évidence, mais elle tient ma fille comme si c'était un trésor : personne encore n'a su résister aux yeux outremer de la petite princesse de Nightingale. Doucement mon bébé remue, s'éveille, gazouille – tendant ses tous petits poings, elle joue avec les boucles brunes de ma Lame qui la berce en chantonnant à mi-voix quelque berceuse cielsombroise dont je préfère ne pas comprendre les paroles. Une fois Théobald et Enguerrand vêtus de la tenue sobre mais élégante des gardes du corps royaux, et ma propre personne engoncée dans une robe de soie d'un noir profond, je fixe à mes épaules une épaisse mante de velours dont je rabats le capuchon pour dissimuler la coiffure équivoque que j'ai adoptée pour la visite de cette nuit.

Ombres parmi les ombres du couloir, innocents en apparence et trop discrets pour être remarqués, nous avançons vers notre but. Je récupère ma fille le temps pour Joséphine de se glisser dans une suite pour en endormir l'occupante à l'aide d'une vapeur fournie par les empoisonneurs de la capitale, tandis qu'Enguerrand et Théobald attirent dans l'antichambre de la luxueuse suite le garde du corps qui montait la garde dehors. Troussé comme un poulet, bâillonné et incapable de remuer ne serait qu'un orteil, le pauvre homme me suit d'un regard furieux alors que je m'avance vers la porte de ce que je sais être le boudoir de son maître. Nous l'y abandonnons au pied d'un grand canapé. Au passage, je me penche vers lui, effleurant sa joue de ma paume gantée de noir, le rossignol d'argent étincelant à mon doigt. Aucune parole, pas un soupir – rien qu'un sourire profondément désolé de ce mauvais traitement, et une prière de pardon au fond de mes yeux. Ce n'est, après tout, qu'un serviteur zélé. Dans la chambre, de l'autre côté de la porte, un bruit étouffé se fait entendre – Arius me fait savoir qu'il vient d'entrer en se posant sur le lit monumental de l'occupant des lieux qu'il salue mentalement. Confiant Sigal qui s'est rendormie aux bras attentifs de Joséphine, laissant mes trois Lames en compagnie du serviteur ligoté, je pousse la porte pour entrer dans le sanctuaire du duc régnant en cette suite adaptée à sa démesure.

Devant moi, une panthère noire feule doucement. Les ailes repliées, hors de portée, Arius lui parle – je peux l'entendre saluer la créature que j'identifie au premier regard comme un Familier. Rejetant en arrière le capuchon de ma mante, dégageant mes épaules, j'avive d'un geste et d'un sort la flamme des chandeliers pour allumer un peu plus de clarté dans cet univers de pénombre, éveillant mille reflets changeants sur la couronne argentée d'Astrée qui est le symbole de ma souveraineté. Ce soir, c'est en Reine de Nightingale que je me présente, et c'est en Reine que je salue l'homme encore allongé, surpris dans son sommeil par l'entrée virevoltante d'Arius.

« Bonsoir, Castiel. »
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeMar 27 Nov - 16:49

Cauchemar.

Tu t'éveilles à chaque minute, il te semble, en sursaut. Tu es nerveux, Il est nerveux. Il fixe la fenêtre et est incapable de rester à tes côtés comme il le fait habituellement pour te réconforter dans tes rêves sans fin, dans tes problèmes. Ce soir, tu n'as même pas pris une bouffée de ta pipe et tu t'es couché étonnamment tôt pour toi – le soleil était lui-même encore levé, réchauffant Lorgol de ses rayons. Le mariage de Lisbeth d'Outrevent avec son maraud de marin est le lendemain, tu te dois d'être présentable. D'espérer que tes cernes aient disparus de ton visage pâle que ton expression ne soit plus tirée, mais bien reposée.
Depuis le mariage de Chart et Gaetane, tu dors peu.
Tu rêves souvent.
Tu rêves de Dragons et tu t'éveilles en larmes sans te rappeler d'eux, de leurs voix, de leurs regards qui voient au plus profond de ton âme blessée. Tu rêves de fantômes, d'un Fantôme, de cet homme qui est mort de ta main sans même que tu t'en rendes réellement compte. Tu rêves d'Aliénor, tu rêves de ses yeux doux, de son sourire, d'Anthim – tu rêves d'une épée qui traverse le ventre d'un homme et dont le visage change entre celui du Fantôme et celui de l'héritier d'Erebor. Tu rêves de la Vie, de cette Vie qui a grand au centre de la Mort. Tu rêves d'un passé, d'un présent, et même d'un avenir, qui te volent ton sommeil et ta tranquillité, qui laissent à tes yeux une ombre angoissée qui ne te ressemble pas. Castiel de Sombreflamme depuis tant de jours discret, furtif, dont l'étincelle ne brille qu'avec hésitation.

Dont le brasier attend seulement un souffle pour être ravivé.

Cette fois, tu as trouvé sommeil. Depuis une heure, peut-être ? Tu ne Le vois pas attendre sous la fenêtre et dès qu'une ombre noire s'y présente, l'ouvrir d'un coup de patte adroit pour ensuite reculer et prendre sa forme la plus imposante, la plus noire, couché à tes côtés. La voix du cygne résonne, basse, et tu ne peux Le voir répondre à ce salut d'un respectueux signe de la tête. Il ne parle pas encore, il détourne ses yeux pour te regarder t'éveiller sous le poids du cygne posé sur ton lit. Dans ton esprit également se fait entendre une salutation que tu perçois – un Bonsoir poli, irréel, qui n'est pas de Lui. C'est cela qui t'éveille surtout. Il descend gracieusement de ton immense lit et feule devant l'apparition qui a passé la porte de ta chambre. Les lumières des chandelles s'avive et dévoile la dame qui est entrée – et tu ne sais comment tu réussis à parler, laissant ta voix posée répondre à sa salutation :

« Bonsoir, Svanhilde. »

Elle est si belle.

Elle est si belle que tu sens les larmes monter à tes yeux. Elle est cruellement belle. Ce mot est même creux en comparaison à ce qui monte en toi. La couronne posée sur ses boucles blondes jette mille reflets et tout en elle reflète ce qu'elle est vraiment – une Reine. La Reine de la Nuit, la Reine de Nightingale, la Reine de la Mort, la Reine de ton propre coeur malmené, déboussolé, tout à elle en cet instant.
Et tu es nu.
Tu dois te vêtir. Tu ne peux pas accueillir Svanhilde dans cette... non tenue. Tu es certes Cielsombrois et donc fort peu dérangé par ta nudité, sans doute que dans un autre contexte tu aurais parfaitement pu prendre une tasse de thé avec elle sans même te vêtir, mais là, tu ressens le besoin de t'habiller. « Je suis bien peu présentable, ma Reine. Si vous voulez bien détourner le regard, l'espace de quelques secondes... » Ta voix est posée, encore, et tu n'as pas demandé ce qui motivait sa présence dans ta chambre – tu n'es même pas surpris qu'elle ait réussi à entrer sans être vue. Elle est l'Ombre, après tout, elle peut se faufiler n'importe où sans que les yeux ne la voient. Tu sors de tes draps de soie et te diriges sans plus de honte jusqu'à la pièce qui contient une fraction de tes riches tenues. Tu pourrais être en simple peignoir, mais non. Tu te sentirais sale, honteux. Tu ne serais pas qui tu es. La présence de Svanhilde dans ta suite, dans ta chambre, redonne des couleurs à tes joues et tu te vêts rapidement, restant toutefois pieds nus. De noir, tout comme elle – les miroirs te renvoient l'image d'un jeune homme aux yeux encore ensommeillés, mais curieux. Allumés. Les cauchemars ont disparu, ne sont plus que des brumes dans ton esprit. Ta main caresse ton menton à la barbe rugueuse, tu vas devoir t'afficher devant cette dame dans tes pires dispositions décidément, replace tes cheveux et reviens à ta chambre. Il est assis devant Svanhilde. Tu ne sais pas qu'Il ne l'a pas quittée des yeux, n'a pas cillé, s'est contenté de la regarder. D'attendre.

« Pardonnez ma brève absence. J'espère ne point être vêtu trop familièrement pour vous accueillir. » Tu n'as après tout point ta couronne sur ta propre tête – celle-ci veille sur son coussin de soie, sur son présentoir dans ta chambre. Tes yeux se détournent brièvement pour la regarder, tu te demandes une seconde si tu dois la mettre puisqu'elle a la sienne, mais tu reviens bien vite à Svanhilde. Cette nuit, elle est de Lumière – elle est la Lumière qui te réchauffe. « Je suis entièrement à vous. »

Et plus encore.


Dernière édition par Castiel de Sombreflamme le Mar 27 Nov - 21:59, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeMar 27 Nov - 17:29

Ses yeux brûlent. Encore obscurcis par les brumes du sommeil, ils dévorent son visage, me dévisageant avec une intensité difficile à soutenir. Profonds, insondables même – des yeux dans lesquels je vois se refléter une part de mes tourments. Comme si la part de mon âme restée accrochée à son esprit lors du mariage des dauphins de Cibella m'avait ouvert une fenêtre ténue sur la sienne. Il rêve de dragons, je le sais – je l'ai senti, j'en ai rêvé avec lui. Ou plus précisément, c'est lui qui s'est invité dans mes errances chimériques, ces derniers mois à Dragonvale – il s'y est faufilé sans bruit, au contact de l'esprit des garants de la magie, au contact de Sage qui me prodigue son savoir depuis que je suis montée me présenter à son Clan dans les Nids, loin là-hait, si haut dans les montagnes d'Ibelin qui couronnent l'Académie. Il s'y est introduit discrètement, inconsciemment, sans que je ne puisse ni l'y ancrer ni l'en préserver, errant sans but ni aide dans cet univers étrange et déformé qu'est l'esprit d'un des plus vieux Dragons de l'histoire d'Arven. Je sais qu'il a partagé mes cauchemars également, ces rêves affreux où je revois la mort de Sigvald – je le sais parfaitement, et je m'en veux, un peu, de l'avoir malmené sans le vouloir. Que les choses ont changé – est-ce de comprendre que c'était Sigal en moi qui l'attirait telle la flamme attire la phalène, l'ancrant à moi, à nous, dans ces voyages nocturnes partagés ? Pour autant que cela m'effraie, je ne peux nier le lien inquiétant qui unit mon enfant au duc de Sombreciel, et c'est là l'une des raisons de ma présence ce soir, à plonger le regard dans les insondables profondeurs de ces yeux d'encre ténébreuse aux mots desquels je vais bientôt assujettir mon histoire. Un regard qu'il me demande de détourner – étrange pudeur chez ce Cielsombrois qui incarne magnifiquement la grandeur et la décadence de son... royaume. Sombreciel n'est plus un duché – cela, je le vois clairement. Dans ces rêves inconstants et changeants, j'ai pu apercevoir une âme éprise de liberté et de changement, une âme sombre et malmenée mais fière et déterminée, et je sais qu'un jour Euphoria existera par elle-même.

Je lui accorde ces quelques instants d'intimité, posant les yeux à la place sur le décor de cette suite extravagante, si différente de mes appartements de Dragonvale. Là-bas, l'Académie s'était nourrie de mon esprit, de mes envies et de mes désirs, de mes rêves et de mes espoirs, pour me créer un habitat à la mesure de mon identité. C'était un palais de glace qu'elle m'avait recréé – cette glace qui est l'apanage de Sigvald, cette glace qui a accueilli Sigal pour l'embrasser dans son étreinte gelée, reconnaissant en elle mon enfant tout autant que celle de son père. Un dédale de glace et de reflets, étrangement chaleureux et accueillant, caressé par les rayons doux d'un soleil d'hiver clair et étincelant, sous une couche de neige moelleuse et satinée. Un bel endroit pour la Reine de Nigtingale – un endroit aussi féérique que celui qui vit naître Astrée il y a deux mille ans de cela. Ici, dans la suite de Castiel, tout n'est que luxure et appel au plaisir, et ce constant appel des sens me rappelle combien il est fragile, au fond, ce souverain battu par la vie auquel on a dénié dès l'enfance toute attention de ses parents, tout amour filial. Seul, il est si seul – et un rien de pitié s'éveille en moi, en dépit de ma volonté. Oui, les choses ont changé, et le doux ronronnement de la panthère silencieuse accompagne le fil tranquille de mes pensées.

Il revient dans la chambre. Ses habits sombres ne font que raviver encore plus la flamme infernale de ses prunelles ténébreuses alors qu'il les pose à nouveau sur moi – noir, tout est noir ce soir. Ma robe, ses vêtements, la fourrure de son Familier, les plumes du mien. Noir, oui – mais pas sinistre, pas macabre. Pas comme cette noirceur aux reflets sanglants qui avait noyé mon cœur sous son déferlement, il y a huit mois. Le voilà, tout à moi – et soudain, j'hésite. Je ne sais pas comment lui dire ce que je suis venue lui expliquer, je ne sais comment présenter la faveur que je suis venue solliciter. Sans y être invitée, je m'assieds dans l'un des deux fauteuils de soie rouge – seule note de couleur dans la pénombre de cette nuit confuse. La panthère ne m'a pas quittée des yeux – solennel, Arius bat des ailes à trois reprises, prenant place sur le tapis épais, tout près de mes pieds. Il est à portée des crocs du fauve – mais je pense que Castiel et son Familier ont un lien bien plus étroit que son ignorance de la magie pourrait le laisser supposer, et qu'il ne fera aucun mal à mon cygne ténébreux. Une part de moi frémit et frissonne en repensant à l'impuissance d'Is, le faucon de Sigvald, livré en pâture aux puissantes mâchoires du fauve – une larme insidieusement se fraie un chemin jusqu'à mes paupières. Rapidement, je détourne le regard de l'animal – c'est Castiel que je suis venue voir, ce soir, et le long cou câlin d'Arius vient se lover sous ma main, réconfortant de sa caresse mon cœur toujours endeuillé.

« Je suis navrée de perturber ainsi votre sommeil, Castiel, mais je devais vous parler. Nous avons nombre de choses à évoquer ce soir, aussi, je vous en prie – accordez-moi toute votre attention. »

Le silence s'attarde quelques secondes tandis que je concentre mes idées. L'heure est grave, le monde vacille à l'orée d'un grand danger – et une part de son salut réside maintenant entre les mains hésitantes de cet homme – oui, c'est un homme. La barbe qui lui mange les joues n'en est que le signe extérieur – je le perçois dans la précision de ses gestes, dans la flamme intérieure qui couve au fond de ses prunelles, dans la souffrance lancinante qui accompagne chacune de ses visites dans mes rêves. A-t-il remarqué seulement que je n'étais plus la femme enceinte qu'il a accueillie et hébergée dans cette même suite, deux jours au lendemain de ce mariage chaotique qui l'a vu incarné dans mon corps et moi dans le sien ? Je n'en sais rien. Ce n'est pas pour parler de grossesse que je suis venue le voir, même si cela y touche. D'autres préoccupations plus urgentes passent en premier, et, délicatement, je donne voix à la plus cruciale de toutes.

« Castiel, je rêve de vous. Vous le savez – tout comme je sais que parfois vous rêvez de Dragons. Votre Grâce, nous devons parler, il le faut maintenant – nous devons parler, de votre magie, et de ce qu'elle signifie. »
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeMar 27 Nov - 19:21

Elle prend place dans un des fauteuils de ta chambre, tu les as voulu rouge et l'y voyant tu sais que cette couleur est la meilleure pour compléter le tableau qu'elle fait, tu t'assis dans celui devant elle. Il se couche à tes pieds et ses prunelles noires, identiques aux tiennes qui brillent à la lueur des chandelles, sont désormais posées sur le cygne qu'il peut atteindre facilement. Si aisément. Son attitude n'est en rien menaçante, cela dit, et le feulement qui a accueilli la magicienne est un ronronnement léger, à peine audible. Elle hésite, tu le sens, mais tu ne la forces pas à parler. Elle le fera quand elle sera prête – tu as tout ton temps pour elle. Une première fois Svanhilde parle, tu hoches légèrement la tête pour lui signifier qu'elle a toute ton attention et qu'elle est entièrement pardonnée de sa visite. Elle ne te dérange pas, point du tout même, et que cette nuit soit passée en sa présence te ravi, même. Votre première rencontre en était une de nuit, après tout.
Vous êtes tous deux des enfants de la Lune.
Ce qui fait suite à ses mots et au silence te raidit la nuque. Oh, une partie de toi, celle plus éloquente et moqueuse, aimerait dire que tu es fort aise qu'elle rêve de toi, mais ce qui se cache derrière ses paroles est trop profond pour être joué. Elle sait que tu rêves de Dragons, tu sais qu'elle rêve de toi. Pour la première fois depuis qu'elle est entrée, tu baisses le regard – et tu remarques en un choc que son ventre est redevenu plat. Toute femme enceinte doit un jour arriver à terme, ce n'est pas une surprise, mais le sommeil t'étreignant encore il y a quelques minutes t'avait empêché de remarquer qu'apparemment, la Vie... a vu le jour. Les questions qui déferlent dans ton esprit sont muselées par la voix de ton Familier, qui ne parle que si rarement de sa voix basse : « Ainsi donc l'instant est venu. » Tu ne sais pas à qui Il parle – à lui-même, peut-être, ou alors à ce cygne fait de la même essence que lui. Sans doute Lui aussi pense-t-il aux Dragons, à ces choses que lui a compris depuis bien plus longtemps que toi et qu'il ne t'a jamais imposé. Il a attendu. C'est encore une fois Lui qui parle.

« Nous avons attendu longtemps – chaque instant était toujours prématuré, inattendu, et nous savions que ce n'était pas de notre devoir qu'ils sachent. Nous étions déjà l'ombre de leurs pas bien longtemps avant qu'ils ne s'en rendent compte. Nous, nous, nous, nous comme sa face blanche et celle noire, nous comme ton propre être divisé, multiple. Ne manquait-il alors que le souffle du vent pour que tout s'embrase. » Sa voix est presque rêveuse et tu te dresses dans ton fauteuil, avant de finalement te pencher vers la Reine assise devant toi. Tes yeux sont à nouveau ancrés dans les siens et tu voudrais dire tant de choses. Tu ne sais comment commencer – tu as trop d'idées. Cette éloquence qui est tienne revient et Il change subitement de forme, redevenant chat qui monte sur tes genoux sans quitter du regard Svanhilde et le cygne noir. Le même regard de braise, pourtant. Il reprendra forme noire, tu Le sens frémir de cette envie, mais son contact te réchauffe, te rassure, te donne le courage de parler toi-même. « Je sais qu'elle est là – et je sais qu'elle est mienne. Seulement ses formes échappent tant à mon contrôle que je me demande constamment si elle n'est que rêve, qu'illusion, et pourtant, en votre présence... Tu fermes les yeux une seconde. Elle brûle. » Il a complété ta phrase à la perfection et est redescendu sur le tapis, prenant une nouvelle fois forme imposante. Elle brûle. Elle brûle, cette magie, elle vibre en toi, elle cherche à s'enfuir de ton être où elle est emprisonnée, condamnée à ne pas être reconnue, à ne pas être vécue réellement. C'est dans ta folie qu'elle a trouvé refuge, se scindant elle-même en deux parties, deux faces d'une même pièce, c'est dans chaque chose que tu fais, dans chacun de tes mouvements, qu'elle a tenté de s'exprimer. Dans tes discours et tes rires, tes gestes soigneux, tes manières léchées, tout comme dans tes colères, dans tes rages, dans ton hystérie et ces incendies qui brûlent dans ton coeur autant que dans la basse ville. Oui, elle brûle, elle te brûle. « S'Il dit que je suis prêt à savoir ce qu'elle est réellement, je veux l'entendre. Je désire tout savoir – non pas d'elle, mais de ce qui la lie si fortement à vous. De ce qui vous amène ici, cette nuit. » Vous. Vous comme Svanhilde et la Vie qui n'est plus dans son ventre, mais à quelque part dans le monde – et de ton coeur qui bat un peu pour elle, également, puisqu'il ne bat pas réellement pour toi.
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeMer 28 Nov - 14:03

Voilà soudain qu'il parle, ce Familier aussi noir que l'encre la plus sombre, ce fauve à la fourrure luisante dans la lumière ténue des chandelles. Il parle, et dans sa voix basse je perçois l'étrange dualité qui préside semble-t-il à l'âme de son maître. Il parle, et sans aucun signe avant-coureur voilà qu'il change, devant quelques instants ce magnifique chat persan à la toison soyeuse. L'envie d'y plonger les doigts pour en éprouver la douceur me tente affreusement, mais cela ne se fait pas – toucher le Familier d'un mage, c'est toucher le mage lui-même, et c'est d'une incorrection sans nom. A mes pieds, Arius étend les ailes alors que le calme me revient, tandis que lentement ses plumes se teintent du blanc de neige qui était le sien avant la mort de Sigvald. Muette, j'écoute les paroles ardentes de Castiel, sa vision de sa magie, de cette force qui brûle en lui haut et fort, et qui lentement de l'intérieur le dévore, parcelle après fragment. Je les écoute, mage et Familier, et je comprends leur tourment. Alors que la panthère refait son apparition, Arius prend la parole à son tour.

« Elle brûle quand ma mage est là, car la flamme toujours s'est nourrie de l'air pour exister, et que Svanhilde détient les secrets du vent – elle est le vent, elle l'incarne, dans tous ses aspects, tant il peut être ennemi qu'allié. De même que lorsque vous êtes là... Vous me réchauffez. » Le silence salue ces quelques mots. C'est vrai, pourtant – même si tu en as toi-même été choquée. « La flamme réchauffe l'air et lui insuffle sa lumière tout autant que sa force, et ainsi sommes-nous influencés l'un par l'autre. Seuls, nous sommes puissants car nous sommes les tenants d'un élément – mais l'un avec l'autre, nos magies se nourrissent l'une de l'autre, décuplant notre potentiel. Voilà ce que nous sommes l'un à l'autre, Castiel : une médaille aux deux revers, une lame au double tranchant. L'ombre, et la lumière. Le brasier et la glace – la flamme, et l'air. Complémentaires. »

Plus tard, je lui raconterai l'histoire d'Ibélène telle que je l'ai découverte dans un vieux parchemin scellé depuis des millénaires – plus tard, je lui parlerai d'Hypérion et d'Astrée, et de combien nos lignées ont dépendu l'une de l'autre au fil des années. Plus tard. Pas ce soir. Il n'est pas prêt.

« Vous allez devoir apprendre, tous les deux. Tôt ou tard, vous devrez aller à Dragonvale rencontrer les Dragons et choisir celui qui vous enseignera sa voie. Ou bien vous resterez un marginal et vous apprendrez seul, je sais que vous en êtes capable, mais n'oubliez pas que votre magie est celle du feu et que vous pourriez vous brûler par mégarde. Je ne serai pas là pour vous aider, Castiel – il va falloir vous débrouiller. Je sais que vous y arriverez. »

Ma confiance est-elle mal placée ? Je n'en sais rien encore, mais je veux avoir foi dans cet homme que j'espère être un allié. L'avenir dépend de lui, de sa réaction à mes paroles ce soir, de ce que lui apportera ma visite – et de la réponse qu'il donnera à ma requête, que je n'ose pas formuler. J'ai tellement peur qu'il ne décide de me la refuser...
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeMar 29 Jan - 20:59

Ils te parlent de magie.

Et à chaque mot qu'ils prononcent, c'est comme si le brasier de ton cœur montait jusque dans tes yeux, te montait à la tête. Ce n'est plus de la peur, que tu éprouves, c'est de l'excitation, de la hâte. Tu as si longtemps refusé d'accepter tes pouvoirs, ces pouvoirs qui ont toujours été changeants, selon tes humeurs, tu as si longuement refusé de voir la vérité en face, que l'accueillir maintenant est un exutoire délicieux. Jouissif. Tu exaltes et ton imagination s'emporte – Svanhilde et le cygne parlent et tu ne tiens que difficilement en place. Tu te contrôles bien, mais la queue noire et puissante de l'animal à tes pieds, cet animal qui n'en est pas un, te fouette les jambes frénétiquement, signe évident de sa propre excitation. Combien de temps a-t-Il attendu? Veillé sur toi? Attendu cette intervention, ce moment, pour exister plus réellement que jamais?
Tu comprends tant de choses, soudainement.
Les pièces finissent de se mettre en place. Enfin.
Enfin.

Tu laisses le silence flotter lorsqu'ils terminent de parler. Les Dragons. Tu as rêvé de Dragons, de ces formes gigantesques, aussi terrifiantes que rassurantes dans tes rêves. Tes cauchemars. Tu déglutis, de nervosité?, et hoches la tête imperceptiblement. « Vous pouvez avoir confiance en moi. » En Nous. Il n'ajoute rien, mais tu sais que votre pensée est partagée. Tu voudrais dire que tu veux apprendre, que tu veux tout savoir, tout explorer, que tu veux sentir la magie vibrer en toi sans pourtant qu'elle te détruise et te brûle de l'intérieur. Ce n'est pourtant pas cela que tu dis. Non, tu regardes Svahilde, encore et toujours, tu te plonges dans ses yeux, dans sa beauté qui ce soir est à son paroxysme. « Vous êtes... celle qui me manquait. » Qu'elle y comprenne ce qu'elle désire. Toi, tu sais ce que tu veux dire.

Svanhilde est celle qui te manquait. Tu as besoin d'elle. Tu apprendras seul, comme tu l'as toujours fait, mais Svanhilde sera toujours cela qui te manquait.

« Elle est là, n'est-ce pas ? » Il s'est adressé à la fois à Svanhilde et au cygne. Tu comprends qu'Il parle de la Vie, celle qui grandissait dans le ventre de la duchesse qui ce soir n'a rien de déchue, n'a rien de spoliée. En a-t-elle de toute façon déjà eu l'allure? Sa question a les allures d'une affirmation et la seule pensée que la Vie, celle que tu as senti en ton propre corps, ton propre cœur, celle que tu as ressenti le temps de quelques minutes, te trouble.
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeSam 2 Fév - 18:00

Imperceptiblement, j'acquiesce. Il me demande d'avoir confiance, en lui, en eux – en cette magie qui coule dans ses veines, en ces magies qui le déchirent un peu plus chaque jour, mais dont le pouvoir pourrait le mener si haut dans la gloire. Il me demande ma confiance, et je la lui accorde, en dépit des larmes et du deuil, en dépit du chaos et de la mort, parce qu'il est tel qu'il est et que c'est la blessure profonde de son âme qui le rachète et l'absout. Comment lui reprocher son seul péché quand moi-même je m'en suis chargée de bien plus ? Comment lui reprocher une seule vie fauchée quand j'en ai brisé tant et plus ? Un instant, l'image de mon fils mort-né danse devant mes yeux et je me crispe, tandis qu'Arius étend le cou pour venir me réconforter. Sigred, parti avant d'avoir vécu. Combien de vies ai-je sacrifiées pour en arriver à ce jour, et combien d'autres devrai-je encore entraîner dans ma chute pour que le destin s'estime satisfait ? N'est-ce pas suffisant d'avoir donné le jour à la Vie et la Mort enlacées ? Je me souviens de Liam d'Outrevent, de ses paroles de réconfort que j'ai perçues sincères, de son silence, de son respect devant ma douleur. Et si Sigal est là aujourd'hui, je n'oublierai jamais l'ampleur de ce que j'ai perdu, je n'oublierai jamais celui de mes enfants que je ne verrai pas grandir.

« Oui. Elle est là. »

Arius n'en dit pas plus. Il n'a pas besoin d'en entendre plus – j'ai la sensation qu'il sait avant même que mon Familier ne le lui dise. Ténu et arachnéen, le lien qui unit Sigal à Castiel n'en est pas moins là et il est trop tard pour que je m'en effraie. Je sais que Sage a tenu le fantasque petit duc sous son regard lors de ses errances dans ces rêves que nous partageons, et je sais qu'il l'a reconnu. Je sais que Sigvald approuve mon choix même s'il lui répugne – je sais que Castiel, tout aussi déséquilibré et imprévisible qu'il puisse se révéler, n'en est pas moins la personne appropriée pour ce que je vais lui demander. D'un mouvement fluide, je me lève, me dirige vers la porte. Arius est resté posé au sol, paisible aux pieds de Castiel, attendant mon retour, tandis que j'échange quelques mots à mi-voix avec mes Lames restées dans l'autre pièce. A contrecœur, Joséphine me rend mon bébé endormi, et je viens me rasseoir en la tenant serrée contre moi, lovée dans mes bras qui voudraient ne jamais plus la laisser aller.

« Elle s'appelle Sigal. »

J'ai murmuré, dans un filet de voix à peine audible, pour ne pas l'éveiller. Elle a dû néanmoins percevoir le son de ma voix – remuant légèrement, elle agite ses mains minuscules pour venir en refermer une sur mon index avec une force surprenante. Mon bébé, oui. Ma fille, le centre de ma vie – et demain, peut-être, orpheline de ses deux parents si je ne parviens pas à abattre le tyran. Je ne peux m'empêcher d'imaginer sa vie. Pour elle, je veux une enfance gaie et riante, couronnée d'amour et de joie, une adolescente enrichissante, je la veux femme accomplie, magicienne heureuse, compagne puis mère à son tour – pour elle, je veux une belle vie. Et je sais bien que rien ne sera possible tant qu'Augustus fera peser son ombre sur son avenir. Bouleversée comme à chaque fois par le poids fragile du bébé dans mes bras, je la berce doucement, reprenant à mi-voix mon échange avec le duc de Sombreciel.

« Castiel, j'ai une faveur à vous demander... »
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeSam 2 Fév - 20:01

C'est le cygne qui confirme ce que vous saviez, ce que vous aviez senti, toi et Lui, sans pouvoir mettre de mot sur cette sensation. Elle est là. Elle est là. La duchesse se lève et vous restez là, toi, Lui et le paisible cygne, à attendre son retour. Son départ laisse un silence teinté d'appréhension - comme tu te retiens de te précipiter dans ton boudoir pour venir à la rencontre de la Vie ! Comme tu te retiens, une de Ses pattes posée sur ta cuisse, de te lever pour accueillir le retour de Svanhilde ! Lorsqu'elle revient, c'est comme si ton monde, déjà chamboulé, se retrouvait une nouvelle fois brisé. Anéanti. Pour laisser place à une nouvelle forme de vie parfaite. Tu ne sais plus si tu respires. Tu t'avances sur le bout de ton siège pour mieux regarder le bébé que tient la dame entre ses bras, qu'elles sont belles toutes les deux, et ton cœur bat si vite que tu sens qu'il va sortir de ta poitrine. Des cheveux blonds, fins, un visage endormi, parfaitement ciselé. Des mains minuscules, un petit corps si paisible dans les bras de sa mère.

Sigal. Un nom si doux.

Tu voudrais dire quelque chose. Tu n'as pas de mots. Rien ne pourra exprimer ce que tu ressens – un sentiment puissant qui vient de t'envahir et de balayer tout ce que tu avais éprouvé. Un sentiment confus, magique, presque douloureux. Si belle et si fragile. Tes grands yeux noirs ne sont pas assez grands pour absorber toute la beauté que tu vois dans cette enfant, tout ton être se tend vers ce bébé si délicat que tient la duchesse de Nightingale. Tu sens toutes les fibres de ton corps vibrer à l'unisson, vibrer pour cette enfant avec laquelle tu as un lien. Un lien qui est ténu, et qui pourtant te semble immense en cet instant. Fort. Tu n'as jamais été un être de demi-mesures, Castiel, tu es l'incarnation de toutes les facettes de ton duché, et si tu as porté cet enfant pendant seulement quelques minutes, il n'en reste pas moins que tu as l'impression qu'il est à quelque part... le tien. Il s'est levé du sol et s'est placé légèrement plus près de Svanhilde, pour regarder également à foison le bébé avec cette même avidité que toi. Votre regard est le même et tu sais que Ses sentiments sont aussi puissants que les tiens. Il est prédateur de son corps, mais tu sais que jamais Il n'attaquera Sigal. Sigal. Tu murmures le nom du bout des lèvres, sans réellement le prononcer. Sigal Nightingale. Subitement, la duchesse te parle et tu réussis à détacher ton regard du bébé pour retrouver celui de Svanhilde. Ce que tu peux lire dans ses yeux est profond, immense, et tu ne peux qu'acquiescer sur le même ton de confidence. Ton chuchotement est ténu, étouffé :

« Tout ce que vous voudrez. »
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeSam 2 Fév - 20:20

Il est bouleversé. Je le sens, dans l'infime tremblement de ses mains, dans l'avidité anxieuse du fauve à ses pieds, dans ce frisson qui les étreint tous les deux, cette vibration solennelle que je devine dans leur regard si profond. Un instant, le temps suspend son cours – une seconde imperceptible, une insaisissable fraction d'éternité. J'ai l'impression que le Destin hésite sur le seuil d'une autre voie, comme si le Tisserand à son Métier envisageait de choisir un fil jamais encore apparu dans la Tapisserie de nos vies. Mon cœur bat la chamade – j'ai peur. Je n'ai pas peur de Castiel, non, pas plus de ce fauve qui n'a pas de nom. C'est moi qui hésite, pétrifiée par mes angoisses de mère, par la certitude que le moment est venu, cet instant terrible que je voudrais repousser mais que je sais inéluctable. Ai-je fait le bon choix ? Me suis-je fourvoyée dans quelque illusion née de mon esprit enfiévré ? Arius pose la tête sur mon genou, dévorant des yeux le visage si concentré de ma fille qui dort avec application. Il la regarde, intensément, comme s'il n'allait plus jamais le revoir – et je remplis ma mémoire de ce moment de paix, suspendu entre deux secondes, ce moment si calme où j'aimerais installer ma vie entière.

Et le moment passe. Doucement, délogeant Sigal de la chaleur de mon corps contre laquelle elle s'est blottie, je l'offre aux yeux avides du fauve qui renifle son odeur de bébé mignon. Imperceptiblement, elle proteste – une onde d'éveil parcourt ses traits fins, et ses petits doigts happent l'air, comme pour s'accrocher à quelque chose, lâchant mon doigt. Anxieuse, je tourne les yeux vers Castiel, tendant mon précieux fardeau dans un geste d'offrande qui me déchire l'âme. Est-ce l'instinct, n'a-t-il pas compris la portée de ce que cela signifie ? En tout cas il me tend les mains en retour, et j'y dépose Sigal avec la sensation de m'arracher le cœur, l'aidant à placer ses bras pour la tenir sans la blesser. Elle a l'air si petite, minuscule même, perdue dans ces grandes mains d'homme qui tremblent un peu – mais elle a dû percevoir le changement qui l'entoure, car d'un coup elle ouvre les yeux – ces yeux outremer d'une couleur si profonde que bien des joyaux pâliraient en comparaison. Elle ouvre les yeux, et elle les braque droit dans ceux du seigneur de Sombreciel, rivant à leur noirceur d'encre l'océan bleuté de ses prunelles. Elle le regarde, oui – et dans la gaieté insouciante de son existence de bébé adoré, elle rit. Une seule fois, d'un éclat de rire qui tranche l'air comme un ouragan , avant de le contempler de cet air grave et solennel si curieusement sérieux pour un nourrisson de quelques semaines à peine. Un pouce dans la bouche, elle referme l'autre main sur les doigts de Castiel, et elle se contente de le regarder, alors que le vide dans mes bras me semble peser une tonne et que je lutte contre les larmes, sans comprendre qu'elles dévalent mes joues sans retenue.

« Prenez-la. Gardez-la. Protégez-la. Castiel – elle est à vous. »

Je ne peux en dire plus. Les sanglots m'étouffent soudain et mes mains se crispent sur le velours rouge du fauteuil, alors que ma couronne m'enserre les tempes à m'en briser l'esprit. Dans un cri plaintif, Arius se love contre mon flanc, posant la tête sur mes genoux – et je ne peux détacher les yeux de ma fille dans les bras de Castiel, de mon enfant que j'abandonne aux mains d'un autre pour sa propre sécurité. Oh Fatalité...
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeSam 2 Fév - 20:44

Tu ne peux presque pas croire ce qui se passe. Et pourtant, tu vois bel et bien Svanhilde écarter le bébé de son corps, la petite chercher pour quelqu'un, quelque chose. Tu Le vois se rapprocher encore, ses moustaches frémir, et Sigal qui se rapproche de toi, dans les bras de sa mère. Pour venir dans tes bras. Tu as compris le geste et tu t'approches d'elle, tu tends les bras pour recevoir la petite comme un cadeau. Tu la prends avec précaution. Tes doigts tremblent légèrement, mais les mains de Svanhilde calent la petite Sigal dans tes bras avec douceur, de façon à ce qu'elle soit bien soutenue. Elle est minuscule entre tes bras, tes mains, et lorsqu'elle ouvre les yeux, tu es aussitôt happé par ce regard. As-tu déjà des iris de cette couleur? As-tu déjà vu un ciel, un océan, un saphir, qui puisse arriver à la cheville de ce bleu? Elle rit. De surprise, tu ris aussi. Un petit éclat qui se conjugue à celui, bref, de Sigal, et la poigne de ses doigts sur les tiens t'impressionne. Si petite et pourtant tant de force... Tu sais que tu ne pourras que t'extasier sur les traits de son visage, ce visage déjà si sérieux alors qu'elle est si jeune, sur cette enfant que tu crois tenir le temps de quelques minutes seulement. Le crois-tu vraiment? Lorsque la duchesse te dit de la garder, tu n'es pas entièrement surpris. Tu l'avais compris, mais ton esprit se refusait à ce que tu acceptes cela. Pourtant, elle est là. Elle est à toi. Elle est tienne. Ton enfant. Ta Sigal.

Prenez-la. Gardez-le. Protégez-la.

Tu ne Le vois pas, tu Le sens se lever pour poser ses pattes sur un bras du fauteuil où est assis Svanhilde, pour que sa langue râpeuse sèche les larmes qui coulent sur ses joues pâles. Ce contact est étrange, tu as l'impression de le sentir profondément – c'est la première fois qu'Il touche une autre personne que toi. Tu détaches tes yeux de Sigal pour regarder la panthère, le doux sentiment qui t'étreint la poitrine devenant plus étrange à chaque contact entre Lui et la dame de Nightingale. « Ætheris. » Le nom a passé tes lèvres sans que tu y penses, tremblotant, étranglé. Il baisse la tête pour te regarder, et si les animaux pouvaient sourire, c'est bien un sourire que tu discernerais sur ses babines. Il se laisse retomber au sol et revient près de toi, ronronnant avec force. La petite duchesse héritière de Nightingale est chaude, entre tes bras, paisible. Elle semble déjà comprendre tout ce qui se passe.

« Je vous promets que je veillerai sur Sigal, jusqu'à ce que vous reveniez. »

Tu as confiance. Tu ne sais pourquoi elle te confie sa fille, mais tu sais qu'elle reviendra. Peu importe ce jour, peu importe quand il sera, mais elle reviendra. D'ici là, Sigal sera ta fille. Ton joyau. La plus belle des perles. Tu veilleras sur elle, tu la protégeras, et tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour la rendre heureuse. Et c'est tout ce que tu promets à Svanhilde en une seule phrase, en un regard. En une nuit.
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MessageSujet: Re: Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir   Un serment de larmes et de sang, un rêve d'espoir I_icon_minitimeDim 3 Fév - 7:58

La langue râpeuse du fauve se fait douce sur mes joues, caresse délicate d'une âme à une autre pour chasser la peine et la douleur de mon cœur. Je voudrais tendre le bras, l'enlacer, plonger le visage dans cette fourrure soyeuse pour y noyer mes larmes, mais un reste de bienséance me retient. Cela ne se fait pas de toucher le Familier d'un autre, même quand ce Familier vient à vous de sa propre initiative. Je ne peux détacher le regard de ma fille, si minuscule dans ces grandes mains masculines, et ma mémoire me rappelle le visage de Liam d'Outrrevent penché sur ma fille, ce premier soir de sa vie, dans les ruines du palais royal de Shivering Soul. Tant d'hommes déjà dans la vie Sigal, et son père qui l'a à peine aperçue... Je n'ose imaginer combien voir son assassin prendre soin de sa fille peut le faire souffrir, mais il y a néanmoins consenti du bout des lèvres. Et si je ne revenais pas... Ô Douce Fatalité...

« Je vous confie l'être le plus précieux à mes yeux, Castiel. Je ne sais pas si je pourrai revenir un jour la chercher – n'oubliez pas qu'elle est la princesse de Nightingale et qu'il faudra lui apprendre à être une bonne reine, car je crains fort ne pas être en mesure de le faire. N'oubliez pas non plus qu'elle a un père, que vous l'avez tué, et que le jour viendra peut-être où c'est lui qui la viendra vous réclamer. Je pense savoir à quel point vous avez souffert de l'indifférence du vôtre pour ne pas priver ma fille du sien. Je l'espère. Prenez soin d'elle, Castiel – c'est le trésor de ma vie... »

Ma main se crispe sur le rouleau de parchemin glissé dans ma ceinture. Sigal et lui ne sauraient aller l'un sans l'autre, et si abandonner ma fille à Castiel était un acte personnel, ce qui va suivre implique une foule de personnes – j'ai peur, encore, de m'être trompée dans mon choix. Mes sujets, les enfants de Nightingale, mon peuple, celui pour lequel je me suis battue toutes ces années – mes sénéchaux ont signifié leur accord à ma décision, et ce soir même toute la population a dû en être informée, sous le manteau. Et les conséquences pour Castiel, pour son duché, sont si terribles qu'un instant la voix me manque. Impliquer les cielsombrois dans les affaires galliennes... Ô Fatalité, je suis tellement désespérée.

« Il y a autre chose, Castiel. En tant que tuteur de Sigal, et ce jusqu'à ce son père ou moi soyons de retour près d'elle ou qu'elle atteigne l'âge de seize ans et entre en possession de ses titres et droits, vous aurez le titre de Régent de Nightingale. Ce n'est pas un duché loyal que je vous confie – c'est un royaume indépendant, un peuple rebelle, qui vous attend et qui vous accepte à sa tête, aussi longtemps que vous veillerez aux intérêts de sa princesse. Je sais que Sombreciel reste fidèle à l'Empereur et que cela vous met dans une position délicate... Mais je ne sais pas à qui d'autre confier mes gens, sinon à l'homme qui va élever mon enfant. Je ne veux pas que vos propres sujets en souffrent, et je redoute la vengeance qu'Augustus pourrait exercer sur vous – aussi dites-moi, dès maintenant, si cette demande vous dépasse. Je chercherai quelqu'un d'autre à qui confier ma fille et mon royaume – car il n'est pas dans mes intentions ni dans ma nature de faire souffrir des innocents, et que mes choix ne devraient impliquer que moi. »
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