(c) COPYRIGHT ICON
Je suis Patient, Observateur, Dévoué, Méfiant, Fidèle, Mystérieux, Protecteur,Angoissé, Attentionné, Calme, Droit, Sûr de moi, Sérieux, et doté d'une grande capacité pour contrôler ou cacher mes émotions quand il le faut.

Je suis né il y a maintenant 29 ans de ça, le 8 juin 773 dans le duché d'Ansemer. Je suis le cadet de la famille Saldenow, tandis que mon frère Dolph est l'héritier de la couronne Ducale. Fidèles de générations en générations au Roi, nos parents nous ont bien fait comprendre, dès notre plus jeune âge, les valeurs de la Loyauté, de la Droiture et de la Bienveillance. Nous avons donc très vite su à qui nous devions allégeance.

Enfant, j'estimais mon frère comme un modèle. Je crois d'ailleurs que c'est ce que pensent tous les cadets de leurs ainés à cette période de leur vie. Il était très doué dans l'apprentissage de ses leçons, savait bien se battre et dégageait toujours une assurance et un charisme que je lui enviais. Il avait déjà cette arrogance qui s'est intensifiée avec les années, que je qualifierais plutôt d'audace. J'aurais pu faire davantage gonfler son orgueil avec tous les compliments dont je le baptisais en silence, en l'observant. Parfois, il s'apercevait de ma présence et me taquinait en bon grand frère qu'il était. De temps en temps, on faisait quelques combats avec des épées en bois, sans chercher à toucher l'adversaire, juste pour tester nos réflexes et notre capacité à nous déplacer dans l'espace. Un jour, Dolph emprunta deux épées dans l'armurerie aux yeux et à la barbe des gardes et nous nous amusions à nous battre comme de véritables soldats. Mais il avait beau n'avoir que deux ans de plus que moi, son jeu de jambes était beaucoup plus rapide que le mien et je n'ai pu éviter le coup qui frappa mon épaule, me laissant aujourd'hui encore, une belle cicatrice.

J'avais beau louanger les aptitudes de Dolph, ce n'est que plus tard que j'ai réussi à le rattraper. Je ne lui ai jamais envié sa place d'héritier, il y avait trop de règles et de responsabilités auxquelles il devait se soumettre alors qu'il n'avait même pas atteint l'adolescence. Je lui trouvais du courage, mais lui ne semblait pas être dépassé par son rôle, il se satisfaisait de cette situation et ne paraissait jamais en avoir assez. En tant que cadet, je subissais beaucoup moins de pression, même si je ne devais évidemment pas oublier d'incarner les valeurs des Saldenow. Lorsque j'atteignis une quinzaine d'années, je me souviens d'une période que je qualifierais de « rebelle » où pendant quelques heures, je m'évadais secrètement de la demeure familiale. La liberté m'appelait-elle ? Je ne saurais le dire. J'avais juste besoin de changement, même pour un court moment c'était suffisant, cela me divertissait. Je marchais le long des ports, je détaillais les pêcheurs et leurs butins, je dévisageais les gens et repérais les étrangers en cherchant de quel pays ils pouvaient venir. Quelques fois, j'inventais des histoires sur des personnes qui m'intriguaient, comme cet homme à la longue barbe noire, ses cheveux enneigés, ses yeux bleus mer et ses gros sourcils épais, que j'imaginais être un érudit à la recherche de nouveaux livres à dévorer. J'aimais beaucoup m'asseoir près des nomades qui avaient toujours d'extraordinaires aventures à raconter sur leurs grands voyages. J'écoutais et apprenais. Et le soir, je m'émerveillais devant le soleil couchant, qui plongeait par-delà la mer. Je n'oubliais jamais de cacher mon visage pour ne pas me faire remarquer, et surtout pour ne pas me faire reconnaître car la plupart des habitants aux alentours avaient déjà vu les fils Saldenow et ils se demanderaient sûrement pourquoi le second héritier vagabonde au-delà de ses nobles appartements. J'avais beau manier l'art de la discrétion, mes escapades remontèrent aux oreilles de mes parents qui me réprimandèrent sévèrement. Dolph me fit également la leçon, et me rappela ma place. Mais il se montra indulgent et complimenta mon effronterie. Être reconnu par mon frère me rendait très fier, alors je me suis mis à en désirer davantage. Je suivis mes leçons avec zèle et au fil des années, mes frasques diminuèrent et je me concentrai davantage sur les connaissances de mon milieu social et sur mon adresse à l'épée. Je finis par l'égaler en le battant à un combat singulier. Son amour-propre en avait pris un coup, mais je lus dans son sourire une pointe de satisfaction mais il exigea rapidement une revanche, qu'il gagna. Je l'ai laissé gagner, juste pour lui faire croire que j'avais encore beaucoup de choses à apprendre ou juste parce-que c'est mon grand frère. Pour lui faire plaisir.

Afin de soutenir mon frère dans sa fonction de futur héritier, je me suis rapidement considéré comme son bras droit, son second. Je me suis engagé par devoir, à rester à ses côtés, à lui prodiguer toute l'aide possible, à le protéger dans l'ombre et à être son appui s'il en avait la nécessité. J'ai du respect pour mon frère et on savait que l'on pouvait avoir entièrement confiance l'un envers l'autre.


A l'âge de vingt-un ans, Dolph épousa la belle Denise de Bérandel, originaire de la Lagrance. Elle n'avait que seize ans mais était déjà d'une grande beauté. Je devais l'avouer, ses charmes étaient indéniables. Je me montrais d'une grande courtoisie envers elle, mais elle semblait éprouver une grande tristesse qui l'emprisonna pendant de longs mois : la solitude et le mal du pays. Elle restait des heures assise près de la fenêtre de sa chambre à admirer les jardins, sans rien dire. Pendant les absences de Dolph, j'estimais être mon devoir de lui apporter mon amitié. Un jour, je la surpris en larmes. Je me mis à la consoler de quelques mots aimables, il était dommage de cacher un si joli visage sous des pleurs. Cette réflexion la fît beaucoup rire, c'était même la première fois que j'entendais son rire. Et notre amitié débuta. On faisait de longues promenades, elle me racontait à quoi ressemblait son pays, comment était sa famille, son enfance, ce qu'elle aimait et détestait... On se parlait de tout et de rien, avec une facilité déconcertante. Puis, j'ai commencé à ressentir autre chose pour elle, un sentiment que je n'avais jamais vraiment connu mais dont je connaissais la signification et je me démenais pour ne pas le laisser sortir et me posséder. Je finis par me rendre compte que quand elle n'était pas près de moi, j'éprouvais un manque. Je ne devais pas ressentir cela, c'était la compagne de Dolph, mon frère, c'était incompréhensible ! Et pourtant, quelques temps après, elle m'avoua que c'était un sentiment qu'elle ne connaissait pas avec Dolph, qu'elle savourait chaque moment passé avec moi et qu'elle se sentait heureuse en ma compagnie. Je la rejetai. C'était d'une extrême violence, mes sentiments étaient contradictoires, un dilemme se jouait en moi : d'un côté c'était la femme de mon frère, d'un autre je l'aimais et mon amour était partagé. Elle m'avait confié qu'elle n'était pas comblée. Je mis un certain temps à évaluer la force de mon affection, qui finalement, me domina. Elle nous domina. Notre amour caché et notre trahison débutèrent, sans même nous en rendre compte. Nos baisers volés dans les couloirs, nos caresses légères à nos rencontres, mes lèvres qui s'attardaient pour le baisemain, nos sourires complices... J'avais trahi mon frère et pourtant, j'étais heureux. Mais terriblement angoissé à l'idée qu'il puisse le découvrir.

Denise ne s'arrêta pas là. D'années en années, même si la tâche était terriblement ardue, elle réussit, avec force et persuasion, à me convaincre de rejoindre la Guilde des Rebelles. Elle m'a ouvert les yeux sur les convictions que l'on m'avait appris depuis ma naissance, sur le tyran Augustus à qui j'offrais ma loyauté, sur ses méfaits et ses actes répréhensibles. On se rangea donc aux côtés des nobles révoltés, notamment auprès de Liam et de Lisbeth d'Outrevent. J'ai fini par devenir la Lame des Rebelles, le bras impitoyable près à tout pour abattre Augustus.

Mon inquiétude se prolongea quand Denise tomba enceinte de la petite Nereïa, née le 8 août 856. Dolph était fou de joie mais ce qu'il ne savait pas, c'est que ce n'était pas sa fille mais le fruit de notre liaison. Bien sûr, Nereïa ne connaît rien de nos réels liens de parenté, et me considère comme son oncle, à mon grand désespoir. Nous détenions déjà deux secrets, un troisième ne tarda pas à venir. Après la grande vague de magie, Nereïa développa un pouvoir, celui de la Guérison. Conscients du danger qu'elle pouvait enquérir, on lui apprit à garder son pouvoir secret.

Une liaison, une enfant cachée, un pouvoir secret, mais que va t-il donc encore nous arriver ? Est-ce que quelqu'un va les découvrir ? Non, je ferais en sorte de protéger ma chère Denise et ma douce Nereïa, jamais nous ne serons séparés, quoiqu'il m'en coûte.