En tant que premier né d'une riche et respectée famille de Sombreciel, les Séverac, Melsant a toujours été choyé, et admiré. Ses parents le considèrent, dès sa naissance, comme un trésor inestimable, et le couvrent d'attentions : le garçon devient vite capricieux. Il fuit dès qu'il peut les étreintes trop longues, à la recherche d'action; et se livre à d'énormes caprices qui font trembler ses suivants, et rendent plus fiers encore ses géniteurs.
Dès son plus jeune âge, Melsant fait preuve d'un caractère déterminé, et dominant : il sait ce qu'il veut, et il l'a, en général.
La naissance de ses soeurs l'adoucit très clairement. Alors que tous le monde craint de sa part une jalousie ravageuse, le petit garçon de deux ans à peine accepte sans peine de partager l'affection de ses proches avec les jumelles, et les considère lui-même avec une curiosité protectrice.

Il grandit ainsi, prenant conscience avec l'âge de son pouvoir au sein de la famille, et entendant bien tenir le rôle qui lui incombe. Malgré sa nette préférence pour les activités physiques, Melsant se plie à des leçons plus intellectuelles, et ne déçoit pas le patrimoine de ses ancêtres, sans se révéler non plus particulièrement doué. Il possède une certaine ruse, et manie bien les mots, et les stratèges, mais il les met à profit principalement pour s'épanouir dans ses travaux pratiques. Epée, poignard, ou fourchette entre les doigts, c'est dans les situations de lutte que Melsant se révèle vraiment d'un talent incontestable : et tout est prétexte, pour lui, à y recourir.
Son père se rend vite compte de cet enclin pour les armes, et, s'enorgueillant des prouesses de son enfant, encourage leur développement, en lui fournissant les meilleurs maitres, qu'il finit par dépasser inlassablement.
Melsant passa donc une adolescence agréable, au milieu d'une famille aimante, et peu touchée par le règne d'Augustus - Sombreciel lui ayant juré allégeance, celui-ci ne semble pas se préoccuper de Séverac pendant de longues années.

Pourtant, tout bascule en l'an 800, quand l'empereur s'intéresse enfin à cette petite contrée, et dérobe Waldemar, le sceau qui assure le maintien de la lignée des Séverac.
Les quatre héritiers se dispersent alors dans un même dessein : retrouver leur héritage, et se mêler enfin des mesures répréhensibles qu'Augustus inflige à Arven.

Melsant part alors pour Lorgol, pour y exercer le métier de guerrier, qui est celui qui lui correspond le mieux. Il se fait très rapidement une place chez ces brutes avides de sang, tranchant par son habileté, et sa technique toute empreinte de noblesse. Pourtant, il se dissimule sous un nom peu reluisant, tachant de ne se faire remarquer que par son talent, pour gagner une chance de rejoindre la garde impériale un jour.

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- C'est quoi ton nom, mon garçon ? Le questionna le scribe qui prenait les inscriptions, en levant vers lui un regard méfiant. J't'ai jamais vu par ici, ajouta-t-il, de plus en plus douteux, devant l'air taciturne du jeune homme qui se tenait devant lui.
- Tristan Sombreval, répondit, sans hésiter, Melsant. Il n'était plus le fils ainé prodige des Séverac, tant qu'il n'avait pas à son doigts l'anneau qui lui en donnerait le titre. En attendant, il n'était qu'un roturier, juste bon à se rouler dans la boue, pour mériter sa pitance.

Le vieux chargé des tournois haussa les épaules, convaincu. Un combattant de Sombreciel, encore un fêlé, pensait-il surement, en se promettant de miser sur son adversaire. Malgré tout, la lueur qu'il avait lu dans ses yeux, loin d'être démente, recommandait dans son jugement une certaine prudence.
Il y avait comme le scintillement menaçant d'une lame de bourreau, dans ses prunelles obscures, indéchiffrables.

- Tristan Sombreval défie Akim Dent-de-Loup ! Hurla le commanditaire, pour annoncer le début du combat à la foule, qui se délectait d'avance de voir le sang de l'étranger couler. J'espère que tu mourras vite, petit, conclut-il, sans aucune pitié, en s'adressant à Melsant, l'incitant à se lancer dans l'arène.

Le Séverac hocha la tête, sérieusement résolu, et ferma ses doigts sur le manche de son épée, en s'avançant dans le sable. Revêtu d'une cape négligée par la longue route à cheval, puis à pied, Melsant ne payait pas de mine, en marchant avec une tranquillité qui aurait pu être prise pour de l'hésitation, devant un regard non averti.
Quand sa lame vibra brusquement dans les airs, pourtant, les spectateurs retinrent leur souffle.
Le temps qu'ils respirent à nouveau, Akim avait cessé définitivement de le faire.

- Parlez moi de lui, demanda, gaillarde, la jeune femme au tavernier, avec un geste du menton pour le guerrier assis seul à une table.

Elle le trouvait attirant, ses muscles saillants à chaque mouvement de son couteau, qui portait à ses lèvres un morceau de viande en sauce. Son visage aussi, avait des traits particulièrement nobles, malgré les longs cheveux bruns qui les cachaient, tombant sur ses joues recouvertes d'une barbe naissance. Il émanait de lui une force tranquille, implacable et dangereuse.
La demoiselle l'avait vu se battre, et elle ressentait encore des frissons parcourir son dos, à ce souvenir.

- Tristan Sombreval ? Ce n'est pas un commode, c'lui là, ma belle ! Y'a qu'le sang qui l'intéresse, j'l'ai jamais vu monter avec une fille, et pourtant y'en a eu des plus belles que toi qui ont tenté ! Se moqua gentiment le vieil homme, en couvant son client d'un regard plein de respect. Y'en a qui disent qu'il veut rentrer dans la garde impériale... Il en a la carrure, pour sûr !
- Pourquoi qu'il y ait pas déjà ? Demanda la ribaude, plus curieuse que vexée par les propos de son interlocuteur. J'crois pas avoir vu un guerrier comme lui avant !

L'aubergiste haussa les épaules, en prenant un nouveau verre sale, pour l'essuyer avec un torchon qui ne valait pas mieux. Il abritait le combattant depuis plusieurs mois maintenant, et il n'en savait pas plus sur lui que ce qu'il voulait bien montrer.

- Trop mystérieux, peut-être. En tout cas, il est déterminé, et quoiqu'il veuille, j'doute pas qu'il l'aura un jour !

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Elevé en noble, Melsant a gardé de son éducation beaucoup de beaux principes, et de valeurs morales, qu'il entend bien défendre. Cependant, il est suffisemment intelligent pour savoir faire la part des choses, et s'adapter à chaque situation. Très protecteur envers sa famille, le Séverac se tient prêt à tout pour venger leur honneur et récupérer son bien.
En dehors de cet objectif, le jeune homme n'a guère d'ambitions, ni même de compassion pour les autres. Il s'enferme dans sa quête, essayant de se détacher de toute émotion nuisible. Il n'est pas sensible, ou du moins, a très bien réussi à le cacher sous ses cuirasses, au point d'en devenir taciturne pour ceux qui ne le connaissent pas. Melsant, pour accomplir sa mission, a troqué ses beaux vêtements et son langage aisé contre une apparence plus discrète, souvent même débraillée, et des expressions plus franches. Et il se complait assez de ces manières, qu'il joue avec un naturel imposant.
Il n'est pas un homme de lettres, et la politique l'ennuie - il n'est fin, au fond, qu'avec sa lame. Il trouve une sorte d'organisation, dans le chaos, n'appréciant guère les choses trop droites, trop définies et délimitées : son style de combat le montre très bien, tantôt d'une technique inflexible, tantôt totalement improvisé.
La vie est pour lui un combat, et il en fait de la sienne un art, dans lequel il excelle.