Ouh.
Ça tangue.
Ça tangue un peu beaucoup, même. Les yeux fermés, avec une pointe de migraine qui me saisit au réveil, j'attends que mon lit se stabilise pour oser ouvrir un œil. J'ai l'impression étrange que mon crâne résonne, alors qu'il n'y a pas un son aux alentours – mais qu'est-ce qui s'est passé ? Un étrange grognement près de mes chevilles me pousse à me lever – un pied, deux pieds, et hop debout ! Sauf que, petit souci, le sol ne semble pas au rendez-vous. Dans un cri de panique, je glisse, je dévale et là – plouf – je termine dans une eau décidément très très fraîche. Une nageoire râpeuse vient à mon secours, et c'est toute piteuse que la baleine de Papi m'aide à remonter sur son dos, où j'ai visiblement passé la nuit.
Avec Albertine.
La zombie semble en assez mauvaise posture, la tête entre les mains, mais je peux reconnaître la petite étiquette portant son nom que Lucille lui avait attachée autour du cou. Au dos, je sais qu'il y a la petite inscription qu'elle y a fait ajouter : « Si vous me trouvez, ramenez-moi à Dragonvale auprès de Lucille Sombrefiole, merci ! ». Je sais que mon amie les a dressés à revenir – même si leur sens de l'orientation laisse parfois quelque peu à désirer, et je ne m'explique pas la présence d'Albertine à mes côtés sur le dos de la baleine. Déposée à terre par l'imposant Familier de Papi, je retrouve près de la rive mon cher Zébulon qui semble un tantinet groggy... et la plaine me semble le vestige d'un champ de bataille mémorable. Partout, il n'y a que des coprs entassés, des massés écailleuses indiquant ici et là la présence d'un Dragon tombé du ciel, et des cadavres de tonneau dans tous les coins.
La fête de Nouvel An de Fantasme !
Tout me revient petit à petit, par images fragmentées – je n'ose pas mettre un pied dans la tour de Papi, je préfère me diriger vers mes appartements pour me changer. Il me faut un petit moment pour en retrouver l'entrée – l'Académie s'amusant à redessiner ses corridors en permanence, et lorsque j'y arrive, c'est pour trouver Arabella en train d'errer devant, visiblement un peu perturbée. A en juger par les grognements ravis de la zombie à mon arrivée, elle me cherchait – je lui emboîte donc le pas boiteux jusqu'aux serres. En chemin, j'aperçois mille vestiges de la soirée – la reine de Cibella et le roi de Bellifère empilés entre deux portes, ivres morts ; un ménestrel cuvant son vin dans la fontaine de l'entrée ; Tanguy accroché à la plus haute branche d'un arbre en pleine course dans le parc de toute la vitesse de ses racines pour échapper à un Dragon éméché voulant le griller ; des Familiers sans mage ; des mages sans Familier ; Séraphin habillé en lady des pieds à la tête, outrageusement maquillé et servant de poupée à la plus jeune des petites Jedidiah ; des pirates affalés ici et là ; bref : tout le monde s'était visiblement bien amusé !
Suivant Arabella dans la serre – plutôt, l'abandonnant devant la porte vu qu'elle doit s'y reprendre à sept fois avant d'en passer l'encadrement – je finis par trouver mon amie, étalée par terre, les yeux clos. Respirait-elle encore, au moins ? Sans me préoccuper de ma propre apparence, de ma robe un peu déchirée, des divers ustensiles accrochés ça et là dans mes cheveux, ni de mon haleine chargée de rhum, je me précipite à son chevet.
« Lucille ! Tu vas bien ? »
Le son de ma voix allume des étincelles de douleur sous mon crâne et je ne peux m'empêcher de grincer des dents. Tandis que Lucille bouge – signe de vie ! - je poursuis dans un murmure essouflé.
« Je t'ai perdue de vue au moment où tu as décidé de finir tous les saladiers de punch... Est-ce que tu te sens bien ? »