Denise Saldenow

S'il me reste un ami qui vraiment me comprenne,
j'oublierais à la fois mes larmes et mes peines.

Mes visites à la tour des rebelles se font de plus en plus rares à mesure que l'étau se resserre autour de ceux dont la loyauté est mise en doute. Et quelle ne fut pas ma surprise d'y reconnaître ce visage, déjà croisé aux détours des couloirs du palais. D'un regard échangé en un lieu interdit, nous nous sommes rapprochées publiquement. Elle est l'épouse d'un duc connu pour son adhésion au tyran, comment sa société pourrait-elle me nuire ? Aux yeux de tous, elle est le dernier maillon m’enchaînant à Augustus. Mais derrière cette relation de connaissances que nous affichons, elle est devenue bien plus à mes yeux. Moi qui ai toujours connu un entourage masculin, je découvre à son côté les joies d'une amitié sincère et profonde, faite de confiance et de confidences. Sans doute est-elle celle qui me connait le mieux après mon frère. De même qu'elle me parle de ce beau-frère qu'elle aime tant, je m'ouvre à elle. Sauf en ce qui Le concerne. Cela, je le garde au fond de moi. Pourtant, peut-être pourrait-elle m'aider à y voir plus clair.

Yseult de la Châtaigneraie

Je voulais, j'espérais que la paix règne en maître...

Il est de coutume pour les filles de bonnes familles d'entrer au service des duchesses et de leurs filles. C'est ainsi qu'Yseult est arrivée jusqu'à moi. Chaque jour, elle est à mes côtés, avec une diligence et une efficacité impressionnantes. Sa loyauté est sans faille et je suis heureuse de l'avoir pour amie. Même lorsque j'ai souhaité rejoindre la guilde des rebelles en tant qu'informatrice à la cour, juste après la défection de mon frère, elle n'a pas essayé de me retenir, malgré les dangers en résultant. Au contraire, elle a embrassé notre cause. Mais tout comme moi, les tueries et massacres par lesquels il faut en passer, l'horrifient. Plus que moi peut être, qui ne suis jamais descendue seule en mission dans les rues. Au point qu'elle s'auto-détruit parfois, ne supportant plus tout cela. Je m'en veux de l'avoir attirée dans notre lutte. Nous sommes toutes deux fragiles, trop sans doute. Mais si ce combat est mien, elle ne devrait pas y être mêlée. Mais comment me passer d'elle, de son amitié et de ses soins ?

Cyselle de Lagrance

Les souvenirs qu'on s'invente sont les plus beaux.

Je connais Cyselle depuis longtemps. Trop longtemps sans doute. Et si nos relations ne furent pas toujours des meilleures, je dois admettre ma grande part de responsabilité. Ils étaient "promis". J'étais trop jeune pour comprendre ce que cela signifiait. Rien ne justifiait à mes yeux qu'elle soit aussi souvent présente dans nos jeux d'enfants. Je la jalousais, elle déjà si grande, si belle avec ses longs cheveux blonds. Et les tentatives de m'expliquer que, parce qu'ils étaient "promis", Liam passerait un jour davantage de temps avec elle qu'avec moi ne firent qu'empirer les choses. Alors dans ce cas, il fallait qu'il me soit promis à moi, qu'il voit que j'étais mieux qu'elle, ainsi nous resterions toujours ensemble.
En grandissant, je compris ce qu'était réellement la nature de cette promesse et, voyant que ni lui, ni elle, ne semblaient enchantés de cela, j'ai fini par lui pardonner lentement. Une sorte de statu quo s'était instauré.
Jusqu'au jour où Liam nous quitta pour la rébellion, qu'il me fallut le renier aux yeux de tous pour ne pas perdre notre héritage. Quelle réconfort d'alors avoir une épaule amie sur laquelle pleurer cette double perte de mon frère, quelqu'un qui comprenne véritablement combien j'avais mal d'ainsi le décrier et qui savait la profondeur de mon amour pour lui.
La rivale de mon enfance est devenue une amie précieuse et une alliée de poids dans notre lutte contre le tyran et si je me souviens avec amusement de mon comportement d'antan à son encontre, je ne pourrais assez le regretter