Vous avez été sages, et on a plein de nouveaux, alors je vous offre la Légende de la Rose Écarlate, telle qu'elle est racontée dans les contes populaires d'Arven.
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La légende de la Rose Écarlate
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Il était une fois, longtemps avant la Fondation, et bien longtemps avant le Pacte... A l'époque où les Duchés n'existaient pas encore, et où même les royaumes unifiés par Eilenn portaient d'autres noms, en ces temps reculés où les Dragons foulaient librement le sol d'Arven et régnaient en maîtres absolus sur les cieux, de noirs esprits aux inavouables desseins se rencontrèrent et s'entendirent pour briser l'harmonie du monde. Ils étaient fiers, et ils étaient puissants, les combattants de la Rose Écarlate, mais leurs âmes baignaient dans le sang, et ils ne rêvaient que de conquête et de mort, avides de pouvoir et de renommée. Dans leur quête immodérée de puissance et de gloire, ils avaient petit à petit soumis tout le continent à leur couronne, chacun dans leur royaumes respectifs. Arven alors se divisait en deux terres, l'une aussi puissante que l'autre, qui au lieu de se faire la guerre décidèrent un jour de plier les Dragons sous leur joug, pour dominer tous les êtes conscients de la Création. Grande était leur folie ! Qui aurait pu deviner que les enfants chéris de la lumière pourraient ainsi grandir pour devenir d'aussi grands ennemis de la Nature et de ses principes ? Voici l'histoire de la Rose Écarlate...
Ibélène, le royaume de la Lune, caressé par l'inspiration souveraine des philosophes et des artistes, domaine de l'esprit et de la réflexion. C'était un endroit où les penseurs affluaient et où l'art ancestral de la magie gagnait ses lettres de noblesses : et si le roi ou la reine ne pouvait être que dépourvu de magie pour mieux se focaliser sur le poids de la couronne, son époux ou son épouse toujours était de lignée magicienne, afin que les enfants du trône connaissent chaque revers de la médaille qu'ils naissaient pour porter. A chaque génération, un enfant dénué de magie venait à voir le jour dans les berceaux royaux, et cet enfant-là serait roi – ainsi naquit Hypérion, petit prince adulé par ses sujets, aussi fantasque et imprévisible que pouvait l'être le peuple d'Ibélène. Il grandit dans la tranquillité des têtes couronnées, et dans sa seizième année on lui donna pour épouse Astrée, magicienne émérite malgré son jeune âge, qui ferait pour Ibélène une reine magnifique. Dans leur vingtième année, ils montèrent sur le trône – et la guerre commença.
Faërie, le royaume du Soleil, baigné dans les caresses de l'astre du jour, glorieux et solennel, domaine des armes et du courage. Havre de science pour les arts du combat et de la création, l'on y créait mille merveilles défiant l'imagination, nées de la main des hommes et de leur savoir-faire. Gouverné par des rois-sorciers qui prenaient toujours pour reines des femmes dépourvues de magie, il prospérait dans la plénitude de son âge d'or. Ainsi naquit dans la paix Oberon de Faërie qui monta sur le trône dans sa vingt-deuxième année, prenant pour femme la douce reine Titania, dénuée de tout magie comme l'exigeait la tradition, mais dotée de profondes qualités humaines. A l'avènement des enfants-souverains d'Ibélène cependant, la soif de conquête des rois et reines du continent se réveilla : chacun voyant en l'autre un adversaire inapte et faible, Ibélène et Faërie se lancèrent dans l'une de ces guerres désastreuses qui devait durer dix années et n'apporter que la désolation dans le peuple des hommes.
L'entourage des couples souverains ne les disposait guère à la paix, il faut bien le reconnaître.
A Ibélène, le roi Hypérion était tombé sous la coupe d'un aventurier mystique aux délires de grandeur qui s'imaginait déjà régner sur le continent entier : il s'appelait Japet, et on le surnomma le Potier car il cachait sans cesse quelque nouveau tour de magie dans les petits pots d'argile qu'il façonnait. Son épouse Astrée, jouet des dames dont elle s'entourait, avait pris en affection une pirate flamboyante et avide de sang, Rhéa, qu'elle fit dame de Brémont, et leurs deux dames de compagnie s'entendirent pour les inciter à plonger le royaume dans le chaos. La chute d'Ibélène dut certainement beaucoup aux murmures obséquieux de Mnémosyne Apostaline et Ambrosia Rêveplume...
A Faërie, c'était encore pire, si tant est que cela puisse être possible. Oberon s'était entiché de sa favorite, Armésine Contrepoint, et lorsqu'il délaissa sa reine elle tomba dans les bras de son amour de jeunesse : Odin d'Orcellier, guerrier fier et renommé dont la bravoure n'était plus à prouver. Armésine voulait être reine, mais Titania s'obstinait : l'une et l'autre se craignant mutuellement, chacune avait engagé un garde du corps qui faisait des repas mondains un rassemblement armé jusqu'aux dents. Jusqu'à quel point Sylvestre Prestelame et Oceanus Forceflot veillaient-ils sur les corps de leurs maîtresses, nul ne put jamais l'établir, mais la cour de Faërie était devenue un cloaque décadent.
Les deux royaumes sûrement se seraient entre-tués, si dans leur malice abominable les souverains n'avaient eu cette idée de faire la paix pour s'en prendre à ceux qui leur barraient le passage dans leur quête de gloire : les Dragons, qui dans leur sagesse immémoriale s'étaient tenus à l'écart de ces futiles querelles humaines. A Ibélène, la Rose Noire vit le jour au cœur de la nuit, au moment même où la Rose Blanche se créait dans la lumière de Faërie, et au bout de quelques mois ils s'unifièrent, signant le traité de leurs douze sangs impies, et prenant le nom de Rose Écarlate. Leur folie alors n'eut plus de limite : s'attaquant aux Dragons dans leur majesté, ils déchaînèrent leur magie et leurs armes contre eux, commettant le pire des sacrilèges en attendant à la vie de créatures bien plus nobles qu'eux.
Anéantie, Ibélène – détruite, Faërie. Les royaumes s'effondrèrent, et le chaos régna, tandis que les Dragons déchaînaient leur colère sur les douze sacrilèges qu'ils emprisonnèrent pour le restant de leur vie, afin de leur infliger à loisir les mille châtiments mérités par leur conduite impardonnable. Sous la Lune, naquirent d'abord Nightingale puis Sombreciel, et le Soleil bénit Outrevent et Ansemer. Entre l'ombre et la lumière, virent le jour plus tard Cibella et Lagrance, puis Erebor et Bellifère. Les huit royaumes fondateurs étaient nés, et leur existence indépendante de plusieurs siècles ne faisait que commencer, dans les prémices de l'histoire d'Arven tel qu'il fut fondé, presque un millénaire plus tard.
Quant à la Rose Écarlate, la légende dit que le cours de leurs vies ne s'est jamais fini, et qu'un jour ils seront libres à nouveau d'arpenter les plaines, messagers de l'Apocalypse et hérauts funestes de la fin des temps...
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Voici donc l'histoire traditionnelle qui inspira un jeu très apprécié et répandu en Arven : celui des échecs ! La tradition populaire a fait de la Rose Noire les pièces noires, et de la Rose Blanche les pièces blanches, s'affrontant sur un échiquier représentant le continent tel qu'il était alors. Il existe des jeux pour toutes les classes sociales : les plus basiques sont en simple pierre ou bois, les plus ouvragés sont faits de métaux précieux et raffinés. Voici la correspondance établie entre chaque personnage de la légende et la pièce qui le représente :
LES PIECES NOIRESLe roi → Hypérion d'Ibélène
La reine → Astrée d'Ibélène
Le fou → Rhéa de Brémont
La tour → Mnémosyne Apostaline
Le cavalier → Ambrosia Rêveplume
Le pion → Japet le Potier
LES PIECES BLANCHESLe roi → Oberon de Faërie
La reine → Titania de Faërie
Le fou → Oceanus Forceflot
La tour → Sylvestre Prestelame
Le cavalier → Odin d'Orcellier
Le pion → Armésine Contrepoint
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Expressions populaires en rapport avec la Rose Écarlate, péjoratives ou mélioratives selon l'intonation/la situation :
« Fier comme Hypérion » : doté d'un ego susceptible et d'un caractère très fort.
« Un sacrifice d'Astrée » : un sacrifice immense.
« Plus farouche qu'une Ambrosia » : une femme bien plus indépendante qu'il n'est convenable.
« Avoir l'œil de Mnémosyne » : être très attentif et ne louper aucun détail.
« Rhéa l'a emporté(e) » : se dit d'une personne devenue folle ou incohérente.
« Un jouet de Japet » : une personne influençable.
« Droit comme Obéron » : fidèle à ses convictions.
« Avoir la main de Titania » : être compatissant et compréhensif.
« Être un vrai Sylvestre » : obéir à tout ordre sans se poser de question.
« Jouer l'Oceanus » : se préoccuper d'une personne et en prendre soin.
« Un Odin-né » : se dit d'un homme rencontrant beaucoup de succès auprès des femmes.
« Une fille d'Armésine » : se dit d'une femme rencontrant beaucoup de succès auprès des hommes... et se faisant payer pour ça.
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Merci pour votre attention ! J'espère que cette légende vous a plu. Vous remarquez quelque chose d'étrange dans tout cela ? Vous avez encore un mois et demi pour y songer...
N'ésitez pas à donner votre avis !